Mais c’est la bataille de Mossoul qui sera la plus difficile, selon Anne Nivat, politologue, journaliste et écrivaine française auteure de plusieurs livres sur l’Irak, à son retour de la ligne de front.
Les troupes irakiennes sont sur le point de libérer la ville de Ramadi, perdue en mai 2015 face à la milice wahhabite takfiriste Daech (État islamique), a assuré le journal russe Kommersant, citant les propos d'Anne Nivat, politologue, journaliste et écrivaine française auteure de plusieurs livres sur l'Irak, à son retour de la ligne de front.
- Peut-on dire que l'issue de la bataille pour Ramadi est prédéterminée et que la victoire des troupes gouvernementales n'est qu'une question de temps?
— Je pense que oui. Mais je ne dirais pas que la libération de Ramadi marquera pour autant un renversement dans la guerre. Cette victoire aura été relativement facile. Le plus difficile viendra après, quand il faudra libérer Mossoul la plus grande ville contrôlée aujourd'hui par Daech. Les djihadistes y détiennent encore en otage 1,2 million d'habitants et au cours de l'assaut de la ville, contrairement à Ramadi, il ne sera pas possible d'utiliser l'aviation car cela entraînerait de trop nombreuses victimes civiles. Il est donc inutile de parler de victoire sur Daech tant que cette ville n'est pas reprise.
- Quand pourrait commencer l'opération pour libérer Mossoul?
— Pas avant le printemps, je pense. Trop de complications entourent sa réalisation. Et, surtout, on ignore quelles forces prendront la ville. L'armée irakienne? Elle est trop faible — les batailles de l'an dernier ont mis en évidence son état de délabrement. Les rebelles chiites? De nombreux sunnites de Mossoul pourraient les considérer comme des occupants et leur préférer les sunnites de Daech. Les Kurdes? Ils ont suffisamment de propres problèmes de leur côté.
- La coalition occidentale est-elle prête à apporter son aide pour libérer Mossoul?
— Dans un avenir proche, la coalition ne participera à aucune opération terrestre, telle est la position ferme du président américain Obama et d'autres dirigeants occidentaux. De plus, les sentiments antiaméricains sont très forts dans les unités irakiennes sous influence iranienne, ainsi qu'au sein des unités rebelles chiites. C'est pourquoi pendant l'offensive de Ramadi on entendait souvent l'exigence que les forces américaines ne participent en aucune manière à l'opération.
- Que pense-t-on, en Irak, de l'opération militaire russe en Syrie?
— Les Irakiens à qui j'ai parlé (aussi bien chiites que sunnites) me disaient qu'ils soutenaient les actions de la Russie en Syrie et dans la région. Pendant longtemps les gens avaient le sentiment que les puissances mondiales avaient abandonné l'Irak et ne s'y intéressaient plus. Et voici que l'une de ces puissances s'active et fait quelque chose de concret.
Dans l'ensemble, l'atmosphère en Irak est aujourd'hui négative. Je n'avais jamais constaté un tel pessimisme au cours de tous mes voyages précédents dans ce pays.