24-11-2024 07:06 AM Jerusalem Timing

Départ d’Assad : désaccord entre militaires et dirigeants politiques aux USA

Départ d’Assad : désaccord entre militaires et dirigeants politiques aux USA

Selon Seymour Hersh, les militaires américains ont fait passer indirectement des informations à Damas pour affaiblir les milices qui combattent en Syrie.

Selon le journaliste américain Seymour Hersh, les militaires américains tentent depuis longtemps de persuader les dirigeants politiques que le départ de Bachar el-Assad pourrait plonger la Syrie dans le chaos lourd de l'arrivée au pouvoir des extrémistes.

Un autre message qu'ils tentent de faire passer aux dirigeants, c'est cette idée que la Russie et la Chine sont des alliés de Washington dans la lutte contre le terrorisme et non pas des adversaires.

Le journaliste expose ces positions dans son article publié par la London Review of Books.

"Ces dernières années, la ferme conviction de Barack Obama qu'el-Assad doit quitter son poste et qu'en Syrie il y a des groupes modérés capables de lui infliger une défaite a provoqué l'apparition d'une opposition assez évidente, voire non dissimulée, notamment parmi la majorité des hauts responsables du Comité des chefs d'état-major interarmées", écrit Seymour Hersh.

Selon lui, "le lieutenant-général Michael Flynn, chef de l'Agence du renseignement de la défense (DIA) entre 2012 et 2014, a confirmé que son service avait adressé maints avertissements secrets aux dirigeants civils concernant les graves conséquences de l'éviction d'el-Assad".

"Il a dit que les djihadistes contrôlaient l'opposition et que la Turquie ne déployait pas d'efforts suffisants pour juguler le flot de combattants étrangers et d'armes à travers sa frontière", poursuit l'auteur de l'article.



Obama ne veut pas voir la vérité

Selon lui, la DIA comprenait la stratégie à long terme de Daesh, mais "les rapports de l'agence du renseignement du Pentagone se heurtaient à une forte résistance au sein de l'administration Obama".

"J'avais l'impression qu'ils ne voulaient pas entendre la vérité", a déclaré Michael Flynn.

L'auteur cite également le point de vue d'un ex-conseiller du Comité des chefs d'état-major qui a déclaré que "notre politique visant à armer l'opposition à Bachar el-Assad avait échoué et avait abouti à des conséquences négatives".

Selon lui, "le Comité était convaincu qu'il ne fallait pas remplacer el-Assad par des fondamentalistes, mais la politique de l'administration était différente: ils voulaient supplanter el-Assad".

"Mais l'opposition était dominée par les extrémistes. Qui devait le remplacer? Il est facile de dire qu'el-Assad doit partir, mais cela signifie que n'importe qui d'autre sera meilleur. Une telle approche était un problème", a déclaré l'interlocuteur de Seymour Hersh, ajoutant que le Comité des chefs d'état-major estimait que cette politique n'avait aucune chance de succès.

Des armes américaines à Daesh et au front al-Nosra

A ce moment, la CIA livrait depuis un an de l’armement en Syrie via la Turquie depuis ses dépôts situés en Libye. Cette pratique a été mise en place peu de temps après l’assassinat du leader libyen Mouammar Kadhafi, écrit Hersh.

Les armes ont été distribuées à tout groupe luttant contre l’armée d’Assad, y compris au Front al-Nosra et à l’Etat islamique.

Les rebelles dits «modérés» se sont «évaporés et l’Armée syrienne libre était un groupe minoritaire stationné dans une base aérienne en Turquie», a révélé un ancien conseiller au CCE, sous couvert d’anonymat au journaliste, en ajoutant que les estimations des militaires américains étaient réalistes : l’opposition modérée à Assad est un mythe est les Etats-Unis armaient en réalité les extrémistes.

Des informations, indirectement à Assad

Dans ces circonstances, les militaires américains ont compris que défier directement la politique d’Obama était voué à l’échec, le président du CCE Martin Dempsey aurait donc décidé de s’opposer aux extrémistes sans utiliser «les canaux politiques».

Afin de combattre l’ennemi commun qu’est le Front al-Nosra et l’Etat islamique, le renseignement américain a fourni des informations aux militaires de partis tiers, tels l’Allemagne, Israël et la Russie.

«Il était clair qu’Assad avait besoin du meilleur renseignement tactique et avis d'ordre opérationnel», a révélé le conseiller anonyme à Hersh, en notant qu’«Obama ne le savait pas, mais Obama n’est pas au courant de tout ce que fait le CCE, ce qui a été le cas pour tous les présidents».

Le conseiller a souligné qu’il n’y avait pas de contact direct entre les militaires américains et syriens.

«C’était une affaire de militaire à militaire, pas une sorte de complot sinistre des généraux pour contourner Obama et soutenir Assad», a remarqué la source. «Si Assad reste au pouvoir, c’est parce qu’il est assez intelligent pour utiliser le renseignement et le conseil opérationnel que nous avons fourni aux autres».

Les services de renseignement syriens sachant parfaitement ce qu’il se passe, l’ambassade américaine à Damas a dépensé des millions de dollars sur une période prolongée pour financer les dissidents cherchant à déstabiliser le pays. Ce travail de sape ont eu lieu alors que le président Bachar el-Assad essayait d’établir des relations amicales avec Washington.

Suite à l’attaque du 11 septembre, «Bachar nous a pendant des années été très utile alors que, à mon avis, nous manquions de bienveillance en retour, et n’avons pas su bien utiliser tout l’or qu’il nous a donné», selon un ancien consultant au renseignement américain qui a parlé à Hersh.

(...)

L'interception de l'Arabie, du Qatar et de la Turquie

Seymour M. Hersh estime que le succès militaire américain dans la fourniture de renseignements de qualité à Damas et l’affaiblissement du potentiel des terroristes en livrant de l’armement obsolète en provenance de dépôts turcs à travers les itinéraires de la CIA, ont été compromis par les actions de l’Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie. Ces pays ont armé les extrémistes islamistes avec des armements modernes, ce qui leur a donné l’avantage contre l’armée gouvernementale syrienne et a abouti à d’importants revers en 2013.

Alors que les Saoudiens seraient restés ouverts à des négociations, le gouvernement turc et le président Recep Tayyip Erdogan jouaient un autre jeu.

Après avoir soutenu le Front al-Nosra pendant des années, le gouvernement turc «fait maintenant la même chose avec l’Etat islamique» afin de perturber l’équilibre du Moyen-Orient, d’après un conseiller du CCE.


Le gouvernement turc a refusé d’interrompre l’afflux de djihadistes étrangers passant à travers la Turquie parce que le président Erdogan «voit grand, jusqu’à la restauration de l’Empire ottoman, et il ne s’est pas rendu compte des limites de son succès dans cette entreprise».


 

Sources: Sputnik, Russia Today