Pour certains ultra-orthodoxes, un Etat juif ne peut exister avant la venue du Messie et ils ne peuvent donc pas servir l’Etat sioniste.
"Nous ne croyons pas en l'Etat", tranche un jeune juif ultra-orthodoxe de Jérusalem qui, comme les autres membres de sa communauté, est dispensé de service militaire, une exception contestée en Israël.
Ce jeune homme de 19 ans, David Croise, a été arrêté l'an dernier après une altercation avec un rabbin qui s'était présenté dans une synagogue dans son uniforme de soldat. Croise réfute l'avoir violenté mais reconnaît lui avoir crié dessus.
En Israël, le service militaire est obligatoire à 18 ans pour les citoyens juifs, trois ans pour les garçons et deux pour les filles.
Les jeunes ultra-orthodoxes comme David Croise, qui étudient dans des écoles talmudiques, en sont exemptés même s'ils doivent se déplacer au bureau d'enrôlement pour obtenir leur dispense, ce que Croise n'a pas voulu faire et qui lui a valu une semaine de prison.
"Je leur ai expliqué que nous sommes juifs, que nous ne croyons pas en l'Etat, que nous ne servons pas dans l'armée", explique David Croise, vêtu du long manteau noir et du chapeau à larges bords des juifs religieux, devant sa maison du quartier ultra-orthodoxe de Mea Shearim.
Une loi a été votée en 2014 pour mettre fin à ce régime d'exception, avec des sanctions pénales à la clé, mais le Parlement est revenu en novembre sur cette législation et a prolongé l'exemption des ultra-orthodoxes pour six ans, relançant de plus belle un débat qui dure depuis des décennies en Israël.
Ce revirement parlementaire découle des élections législatives de mars, à l'issue desquelles le Premier ministre Benjamin Netanyahu s'était allié avec des partis ultra-orthodoxes pour former une fragile majorité gouvernementale.
La condition posée par ces partis était de revenir sur ce texte de 2014.
La communauté ultra-orthodoxe représente 7 à 10% de la population israélienne et croît rapidement.
Pour certains ultra-orthodoxes, un Etat juif ne peut exister avant la venue du Messie et ils ne peuvent donc pas servir cet Etat. Pour d'autres, étudier la Torah est au moins aussi important pour Israël que de servir dans son armée.
D'autres encore estiment que les jeunes ultra-orthodoxes ne sauraient être exposés au langage fleuri des casernes ou à des comportements qui ne correspondent pas à leurs strictes pratiques religieuses.
'Rébellion contre Dieu'
Des partisans de l'incorporation des ultra-orthodoxes assurent que le service militaire serait un moyen de mieux intégrer dans la société cette communauté, au sein de laquelle le chômage est élevé et où 54% des familles sont considérées comme pauvres.
Mais l'intégration, c'est justement ce que les ultra-orthodoxes rejettent.
"C'est une menace pour eux, ils veulent préserver leur identité", explique Mordechai Goldman, spécialiste de cette communauté.
Dès sa création en 1948, Israël a été confronté à la question de l'enrôlement des religieux et le premier chef de gouvernement, David Ben Gourion, avait lui-même accordé un traitement spécial dans le contexte de l'époque, explique Yedidia Stern, du think-tank israélien Israel Democracy Institute.
C'était juste après l'Holocauste, "quand la majorité des étudiants des écoles talmudiques avait disparu, que de nombreux rabbins avaient été tués et que le monde de la Torah avait été détruit", affirme-t-il. Selon M. Stern, cette dispense était temporaire dans l'esprit de Ben Gourion.
A l'époque, cette dispense concernait 400 étudiants. Aujourd'hui, ils sont des dizaines de milliers et ce chiffre grossit car les familles ultra-orthodoxes sont en général des familles nombreuses. David Croise, par exemple, a 15 frères et sœurs.
Pour encourager les ultra-orthodoxes à s'enrôler, l'armée a créé des unités spéciales, leur permettant de continuer à étudier la Torah et limitant leurs interactions avec les femmes, comme l'impose leur pratique littérale du judaïsme.
En 2014, 1.972 ultra-orthodoxes se sont enrôlés selon l'armée, qui affirme que ce chiffre augmente.
Pour certains de ces soldats, les permissions sont un moment difficile à passer. "C'est dur de rentrer (dans sa communauté ultra-orthodoxe) et de voir que des gens avec qui vous avez grandi ne veulent plus vous voir", témoigne Ovadia Somech, 22 ans.
"Fier" malgré tout, le jeune homme coiffé d'une kippa raconte qu'il est rentré chez lui en uniforme "pour que les gens le voient".
Mais si les plus modérés des jeunes ultra-orthodoxes sont tentés de rejoindre l'armée, les opposants restent virulents.
"S'ils veulent, ils peuvent me tuer", lance ainsi David Croise. Pour lui, le service militaire est simplement "une rébellion contre Dieu".