07-05-2024 03:09 AM Jerusalem Timing

GB : Une statue de Cecil Rhodes à Oxford ranime les fantômes de l’Empire

GB : Une statue de Cecil Rhodes à Oxford ranime les fantômes de l’Empire

La campagne Rhodes Must Fall In Oxford suit celle qui a abouti en avril au retrait d’une autre statue de Rhodes, à l’Université du Cap en Afrique du Sud.

  Une banale statue en calcaire de Cecil John Rhodes à Oxford relance aujourd'hui au Royaume-Uni le débat sur l'héritage de la colonisation, des étudiants de la prestigieuse université demandant son retrait. 

"Mettre quelqu'un sur un piédestal, littéralement, revient à tolérer
tacitement son héritage", dit à l'AFP Daisy Chandley, étudiante en philosophie,
politique et économie, engagée dans la campagne Rhodes Must Fall In Oxford
("Rhodes doit tomber à Oxford"). 

Fondateur de la société minière De Beers, Cecil Rhodes (1853-1902) fut l'un
des artisans de l'expansion coloniale de l'Empire britannique en Afrique
australe.

Salie par la pollution et les pigeons, sa statue est placée au coeur de la
ville universitaire, sur la façade d'un bâtiment d'Oriel College. Sous la
sculpture, une inscription rend hommage à ce suprématiste blanc, qui a donné
une partie de sa fortune à l'université.

La campagne Rhodes Must Fall In Oxford suit celle qui a abouti en avril au
retrait d'une autre statue de Rhodes, à l'Université du Cap en Afrique du Sud.
Des étudiants y voyaient un symbole de l'oppression imposée aux Noirs par la
minorité blanche qui a dominé ce pays jusqu'en 1994.

Racisme au sein de l'université
    
   Au Royaume-Uni, la campagne a provoqué un débat plus large, touchant aussi
bien à la question de la diversité dans les universités qu'à la gestion de
l'héritage de la colonisation britannique.

"Il y a toujours eu des gens pour critiquer cette statue et le racisme au
sein de l'université", rappelle Daisy Chandley. "Mais il aura fallu ce
mouvement en Afrique du Sud pour réellement porter ce débat sur le devant de la
scène, ici, à Oxford, et déclencher une action collective".

Sous la pression, Oriel College va retirer une plaque remerciant Rhodes
"des grands services rendus à son pays", située sur un autre bâtiment, et a
lancé une consultation sur le sort de la sculpture incriminée.

Les valeurs de Rhodes sont "totalement opposées à la philosophie du
programme de bourses (qui porte son nom, NDLR) et aux valeurs défendues par une université moderne", a fait valoir le collège. Il compte donc placer un panneau
sous la statue de Rhodes indiquant qu'il "ne cautionne ni ne glorifie ses
opinions ou ses actions".

Mais Oriel College tient également à souligner la contribution positive des
bourses Rhodes, qui ont permis à 8.000 étudiants du monde entier de venir
étudier à Oxford, dont l'ancien président américain Bill Clinton et
l'ex-Premier ministre australien Tony Abbott.

L'un des initiateurs du mouvement Rhodes Must Fall, le Sud-africain Ntokozo
Qwabe, est lui-même bénéficiaire du programme, si bien qu'il a été accusé
d'hypocrisie. "Je ne bénéficie pas de Rhodes", s'est-il défendu sur Facebook.
"Je bénéficie des ressources et du travail de mon peuple, que Rhodes a pillé et
asservi".

Un homme de son temps
 
   
Universitaires, hommes politiques et anciens étudiants d'Oxford se sont
lancés dans le débat, discutant âprement du bien-fondé d'honorer un colon. Un
opposant au retrait de la statue a été jusqu'à comparer la campagne à la
destruction des monuments historiques orchestrée par le groupe terroriste Daech (EI).

Dans une lettre au quotidien The Times, le dernier président blanc
d'Afrique du Sud, Frederik de Klerk, récipiendaire aux côtés de Nelson Mandela
du prix Nobel de la paix, a taxé le mouvement de "sottise".

"Si le politiquement correct était appliqué de manière cohérente aujourd'hui, très peu de grandes figures d'Oxford passeraient l'examen", écrit celui qui joua un rôle
clé dans la fin de la ségrégation en Afrique du Sud.

"Tous les symboles coloniaux et de l'apartheid doivent disparaître, pas
seulement ici mais aussi dans le monde entier", s'est indigné le parti
sud-africain de gauche radicale EFF, réclamant la révocation du Nobel attribué
à Klerk.

Pour Tony Abbott, Rhodes était simplement "un homme de son temps".
"L'université devrait se souvenir que sa mission n'est pas de refléter une mode
mais de chercher la vérité, ce qui signifie s'efforcer de comprendre plutôt que
se précipiter pour juger", avance-t-il dans une tribune au quotidien The
Independent.