23-11-2024 12:30 PM Jerusalem Timing

Turquie: l’ennemi juré d’Erdogan en procès mercredi, mais pas à la barre

Turquie: l’ennemi juré d’Erdogan en procès mercredi, mais pas à la barre

Au terme d’un réquisitoire de 1.453 pages, le procureur en charge du dossier a d’ores et déjà requis la prison à vie contre le septuagénaire et deux ex-chefs de la police.

La justice turque ouvre mercredi le procès de l'imam Fethullah Gülen, passé en deux ans du statut d'allié privilégié à celui d'ennemi juré du président Recep Tayyip Erdogan, à la faveur d'un scandale de corruption qui a ébranlé le régime.

A l'abri depuis plus de 15 ans dans une propriété aux Etats-Unis, Gülen, 74 ans, sera jugé devant un tribunal d'Istanbul, avec des dizaines de policiers, pour "constitution d'une organisation terroriste" et "tentative de coup d'Etat".

Au pouvoir depuis 2003, Erdogan accuse le prédicateur, qui l'a aidé à
asseoir son emprise sur la Turquie, de l'avoir trahi en infiltrant les rouages
de l'Etat et en fabriquant de toutes pièces les accusations de malversations
qui ont visé son gouvernement islamo-conservateur et sa propre famille en
décembre 2013.

Au terme d'un réquisitoire de 1.453 pages, le procureur en charge du
dossier a d'ores et déjà requis la prison à vie contre le septuagénaire et deux
ex-chefs de la police.

Gülen, qui ne comparaîtra pas devant ses juges, a toujours catégoriquement nié ces allégations. La "chasse aux sorcières" qui le vise ne constitue, selon lui, qu'une preuve de plus de la dérive autoritaire de l'homme fort du pays.

Avant même l'ouverture des débats, son avocat a dénoncé le vide du dossier:
"Il n'y a aucune preuve de la constitution d'une quelconque organisation
terroriste. Les charges ne s'appuient que sur des présomptions et sur de
simples déclarations. Ce n'est pas assez", a souligné Nurullah Albayrak.

"La seule +preuve+ dont ils disposent est un coup de téléphone passé par
mon client à un policier le jour où le scandale a éclaté. Et dans cette
conversation, il n'y aucune mention d'un quelconque ordre (de mon client) à qui
que ce soit", a poursuivi l'avocat.

Les 66 autres accusés, pour la plupart des policiers, sont poursuivis en
tant que membres d'une organisation armée et risquent des peines de 7 à 330 ans
de réclusion.
   
Le procès qui s'ouvre mercredi n'est pas le premier intenté à Gülen, mais s'annonce comme le plus médiatisé car il est directement lié à l'enquête judiciaire pour corruption - refermée depuis - qui a déclenché la guerre à mort entre les deux anciens compagnons de route.  

 

Ce scandale a provoqué le départ de quatre ministres et fait les délices
des réseaux sociaux, qui ont reproduit les extraits de conversations
téléphoniques compromettantes pour M. Erdogan et son propre fils Bilal.
   Sérieusement malmené, le Premier ministre de l'époque n'en a pas moins
remporté les municipales de mars 2014 et, cinq mois plus tard, été élu à la
tête de l'Etat.
   Mais en représailles, il a lancé une vague de purges sans précédent contre
les proches de l'imam, notamment dans la police et la justice, et son large
réseau d'écoles, d'entreprises, de médias et d'ONG baptisé Hizmet ("service" en
turc).
   Après le dixième réseau bancaire du pays, Asya Bank, la justice turque a
mis en octobre sous tutelle la holding Koza-Ipek, propriétaire de deux
quotidiens et de deux chaînes de télévision, une mesure dénoncée comme une
atteinte à la liberté de la presse.
   Selon l'agence de presse progouvernementale Anatolie, quelque 1.800
personnes soupçonnées de proximité avec le prédicateur, dont 750 policiers, ont
été interpellées depuis 2014. 280 d'entre elles attendent leur procès en prison.
   A chacune de ses sorties, M. Erdogan accuse la nébuleuse Gülen de tous les
maux et promet de lui faire rendre gorge. "Les chefs de ce gang et tous les
autres seront livrés à la justice", a-t-il encore promis ces derniers jours.
   "Qu'il vienne en Turquie et se présente devant le tribunal", a exhorté il y
a deux semaines le ministre turc de la Justice Bekir Bozdag, "la Turquie est un
pays démocratique et un Etat de droit".
   Malgré ses demandes, le gouvernement turc a jusque-là échoué à obtenir
l'extradition de M. Gülen et vient de porter plainte contre lui devant la
justice américaine.