Le chef d’al-Qaïda Ayman al-Zawahiri, a appelé à une "bataille" régionale dans un message rendu public cette semaine adressé aux musulmans d’Indonésie, des Philippines, de Malaisie et des pays voisins.
Les attaques perpétrées ce jeudi à Jakarta par un
groupe sans doute inspiré par les attentats de Paris confirment les pires
craintes de l'Indonésie : que ses ressortissants ayant combattu dans les rangs du groupe Daech (EI) au Moyen-Orient ne tentent d'organiser des violences une fois rentrés au pays.
Cela fait des mois que les pays du Sud-Est asiatique mettent en garde
contre la possibilité d'attentats, faisant écho aux préoccupations des Etats
occidentaux face aux intentions de leurs ressortissants rentrant de Syrie ou
d'Irak.
Les explosions et les fusillades qui ont semé le chaos jeudi à Jakarta font
suite à six années de calme relatif consécutives à une action répressive des
autorités qui a affaibli les réseaux radicaux indonésiens les plus dangereux.
"Nous savons que (l'EI) a le désir d'établir une province dans cette région
et que des groupes dans cette région (...) lui ont prêté allégeance", explique Kumar Ramakrishna, spécialiste de ces questions à l'Université technologique de Nanyang à Singapour.
"La menace constituée par le retour de combattants du Sud-Est asiatique
radicalisés dans la région Irak/Syrie sont un autre facteur de préoccupation,
avec la possible émergence de loups solitaires".
Un Néerlandais et un Indonésien ont péri jeudi tandis que cinq assaillants
ont été tués.
"Il y a de forts soupçons que ce soit l'oeuvre d'un groupe en Indonésie lié
à l'EI", a déclaré à l'AFP un porte-parole de la police nationale, Anton
Charliyan, estimant qu'il "suivait l'exemple des attentats de Paris" en
novembre.
Le bilan est bien inférieur aux attentats qui avaient fait 130 morts dans
la capitale française le 13 novembre. Mais d'après les analystes, les auteurs des attaques visaient des cibles non protégées pour terrifier la population civile. Les réseaux sociaux ont été envahis par des images vidéos perturbantes et le hashtag #KamiTidatTakut (Nous n'avons pas peur).
Les autorités avaient annoncé voici quelques semaines qu'elles avaient
déjoué un attentat suicide projeté pour le Nouvel An par des extrémistes
présumés.
La police avait arrêté cinq personnes soupçonnées d'appartenir à un réseau
proche de l'EI et quatre en rapport avec le groupe extrémiste Jemaah Islamiyah, responsable d'attentats de grande ampleur par le passé en Indonésie.
Menaces anciennes
D'après le cabinet Soufan Group spécialisé dans le renseignement, sur 500 à 700 Indonésiens partis rejoindre les rangs de l'EI, des dizaines sont depuis
rentrés dans l'archipel. Cette menace représentée par le retour des combattants n'est pas nouvelle pour l'Indonésie.
Les responsables de l'antiterrorisme se souviennent des Indonésiens formés
en Afghanistan dans les années 1990 qui, une fois rentrés au pays, ont lancé des attaques, dont les attentats meurtriers de Bali en 2002.
L'Indonésie a une longue habitude de la lutte contre l'extrémisme.
Et la répression orchestrée par les autorités de ce pays qui compte 225
millions de musulmans sur 250 millions d'habitants a été en bonne partie
couronnée de succès. Conséquence, ces dernières années, les cibles visées ont été plutôt modestes et ont généralement concerné les forces de sécurité indonésiennes.
Les autorités ont interdit tout soutien à l'EI et à son idéologie mais les
spécialistes ont peur que la loi ne soit insuffisante pour y faire face et que
les pays de la région ne souffrent d'un manque de coordination.
"Les gouvernements de la région doivent travailler ensemble pour empêcher la création d'un satellite du +califat+ (proclamé par l'EI en Irak et en Syrie) car si un tel satellite est créé, la menace pour le Sud-Est asiatique s'en trouvera augmentée", dit l'analyste Rohan Gunaratna.
"Il y a des groupes basés à la fois en Indonésie et aux Philippines qui ont
prêté allégeance à l'EI et ces groupes doivent être démantelés".
L'Indonésie et le reste du Sud-Est asiatique ont également été visés par
Al-Qaïda.
Son chef, Ayman al-Zawahiri, a appelé à une "bataille" régionale dans un
message rendu public cette semaine adressé aux musulmans d'Indonésie, des Philippines, de Malaisie et des pays voisins. "Les musulmans de la région
livrent une bataille idéologique et politique aux laïcs et aux ennemis de la
religion", a-t-il lancé.
Les responsables de la lutte contre le terrorisme en Indonésie tentent de
se servir d'une poignée de combattants rentrés désabusés de leur séjour au
Moyen-Orient, rendant publics les récits de ces déçus du jihadisme afin de
dissuader d'autres Indonésiens de les imiter.
Mais la menace ne devrait pas disparaître de sitôt. "L'Indonésie a fait
face à une menace croissante au cours de l'année écoulée", dit Hugo Brennan,
analyste chez Verisk Maplecroft. "Les signes d'alerte étaient visibles pour
tout le monde".
Avec AFP