Les position des Etats-Unis sur cette question se démarque de celle des Européens.
La Commission européenne a déclaré jeudi la guerre à l'optimisation fiscale des multinationales, de plus en plus sous pression, comme le montrent les déboires de Google, en Grande-Bretagne et en Italie notamment.
"Les jours sont comptés pour les entreprises qui réduisent abusivement leurs impôts sur le dos des autres", a prévenu le Commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, présentant son plan de combat à Bruxelles.
Cette mise en garde survient au moment où Google est dans le viseur du fisc de plusieurs pays européens. Rome réclame ainsi au géant de l'internet américain plus de 200 millions d'euros d'arriérés d'impôts.
Mercredi, le ministre français des Finances, Michel Sapin, avait estimé qu'un accord du géant de l'internet Google avec la France sur ses arriérés d'impôts était "aussi une nécessité".
Quant au redressement fiscal "dérisoire" de Google au Royaume-Uni, conclu vendredi dernier, il suscite de plus en plus de critiques. Jeudi, la collègue danoise du Français Moscovici, Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, s'est dite prête à étudier cet accord, pour évaluer si une enquête est nécessaire.
"Toutes les compagnies doivent payer leur juste part d'impôts où elles réalisent leurs bénéfices", a de son côté martelé M. Moscovici, refusant de commenter l'accord britannique avec Google.
Le projet, composé notamment de deux directives, qu'il a présenté jeudi s'inscrit dans la foulée d'un plan concocté par l'OCDE, organisation regroupant une trentaine de pays développés.
Baptisé BEPS (Base Erosion and Profit Shifting, terme anglais désignant l'optimisation fiscale), ce plan préconise notamment l'échange de renseignements entre administrations fiscales offrant une vision complète et unifiée des indicateurs clés de l'activité dans les différents pays des multinationales. Ces dernières seront obligées de détailler leurs résultats et leur charge fiscale pays par pays.
Mercredi, une trentaine de pays -- dont le Royaune-Uni, le Luxembourg, la Suisse, le Liechtenstein et des émergents comme le Mexique ou le Chili, mais pas les USA -- ont d'ailleurs signé à l'OCDE à Paris un accord en sens, applicable à partir de 2017.
Dans une des deux directives de son plan, M. Moscovici reprend quasiment mot pour mot les mesures préconisées par l'OCDE. Mais il souhaiterait aller plus loin et rendre ces renseignements publics. Il a promis de revenir au printemps avec une proposition concrète.
Aller plus loin
Avec la seconde directive, la Commission veut empêcher le recours abusif aux dispositifs "défiscalisants" (prêts intragroupes, déduction d'intérêts, etc), car nombre de multinationales exploitent les divergences entre législations nationales et les subtilités de la comptabilité pour être taxées le moins possible.
M. Moscovici a dit "compter sur le soutien du parlement européen et le soutien des Etats membres" pour l'adoption rapide de ces mesures. Les questions fiscales requièrent l'unanimité des 28 Etats membres ce qui rend toujours plus compliqué leur approbation.
Selon le commissaire, les Pays-Bas, qui assurent au premier semestre la présidence de l'UE, partagent sa volonté d'avancer vite.
Ce plan s'insère dans la lutte contre l'opacité fiscale lancée par la Commission européenne après l'éclatement du scandale LuxLeaks en novembre 2014, qui avait profondément terni l'entrée en fonction de Jean-Claude Juncker en tant que nouveau président de la Commission.
Il avait mis en lumière un système d'évasion fiscale à grande échelle des multinationales et particulièrement le rôle joué par certains Etats, comme le Luxembourg, à une époque où M. Juncker était à la fois Premier ministre et ministre des Finances.
Les propositions de jeudi ont été globalement bien accueillies par les ONG, même si elles estiment qu'elles ne vont pas assez loin. L'eurodéputé français Alain Lamassoure (PPE, droite), qui préside la commission parlementaire sur les accords fiscaux entre Etats et multinationales, les a jugées "bienvenues".
Mais il a réclamé un second volet : "l'harmonisation de la définition du même bénéfice imposable au sein de l'UE", estimant que le "résultat ridicule du traitement fiscal de Google au Royaume Uni était la meilleure illustration de cette nécessité".