23-11-2024 04:57 AM Jerusalem Timing

Première visite officielle de Raul Castro en France

Première visite officielle de Raul Castro en France

« L’embargo américain n’est pas le principal obstacle, mais l’absence de sécurité juridique et le flou sur le droit de propriété ».

Pour la première fois, le drapeau cubain flotte sur les Champs-Elysées. Lorsque Fidel Castro avait été embrassé par Danielle Mitterrand sur le perron de l’Elysée, en 1995, sa présence dans le cadre d’une visite non officielle avait été jugée embarrassante. La « diplomatie économique » prime désormais et Raul Castro sera accueilli avec tous les honneurs d’une visite d’Etat, lundi 1er février. François Hollande avait été le premier chef d’Etat européen à se précipiter à La Havane, en mai 2015, dans la foulée de la normalisation des relations de l’île des Caraïbes avec les Etats-Unis, scellée en décembre 2014.

Lors de cette visite, Paris espère capitaliser sur l’accord trouvé le 12 décembre 2015 entre le Club de Paris, présidé par la France, et Cuba sur la restructuration de 16 milliards de dollars (14,7 milliards d’euros) de dettes pour lesquelles La Havane avait fait défaut en 1986. Le pays traînait cette ardoise comme un boulet, ne pouvant emprunter.

La Russie, la première, avait décidé, en 2014, de passer par profits et pertes 90 % de ses créances, estimées à 35 milliards de dollars. Les sommes dues aux pays occidentaux et au Japon, réunis au sein du Club de Paris, s’élevaient à 11,9 milliards de dollars, dont 4,6 milliards pour la France. En décembre, les bailleurs ont renoncé aux intérêts de retard. Les Français ont ensuite engagé une négociation bilatérale sur le principal de leur créance, soit 360 millions d’euros, avec l’idée de réinjecter ce montant dans des projets de développement à Cuba susceptibles d’intéresser des entreprises tricolores.

Une feuille de route devrait être établie pendant la visite de Castro. La première mesure portera sur l’installation d’une antenne de l’Agence française de développement (AFD) à La Havane. Les Cubains ont des besoins en infrastructure et en logistique qui pourraient attirer les sociétés de l’Hexagone. Sont concernés le réseau d’assainissement de La Havane, très mal entretenu depuis un demi-siècle, et les transports publics – la SNCF a d’ores et déjà procédé à un premier examen de l’état du chemin de fer qui traverse l’île. Et les entreprises présentes ne demandent qu’à voir croître leur activité.

Pas encore le paradis des affaires

Total songe à produire le bitume dont les routes et les rues de Cuba ont un grand besoin.
Mais, malgré ses atouts, l’île n’est pas encore le paradis des affaires. Sur le port de Mariel, le méga-projet financé et mis en œuvre par le groupe brésilien Odebrecht – il est assorti d’une « zone spéciale de développement » – tarde à attirer des entreprises. Une dizaine seulement aurait franchi le pas. Les installations portuaires ont bien été inaugurées en 2012, mais les cargos ne se bousculent pas. L’adoption d’une nouvelle loi, en 2014, pour les investissements étrangers et la présentation d’un portefeuille d’opportunités à destination des intéressés n’ont pas suscité la ruée.

Résultat : depuis que Raul Castro est aux commandes de l’île (2006), la croissance annuelle moyenne n’a guère dépassé 2,8 %, avec une progression de seulement 0,6 % dans l’agriculture. Cette situation explique les pénuries que subit le pays et sa dépendance aux importations, un phénomène qui affecte le secteur hôtelier.

L’île a besoin de 8 milliards de dollars pour assurer son décollage économique

Rodrigo Malmierca, le ministre du commerce extérieur et de l’investissement étranger, estime que l’île a besoin de 8 milliards de dollars pour assurer son décollage économique. « L’embargo américain n’est pas le principal obstacle, mais l’absence de sécurité juridique et le flou sur le droit de propriété » sont autant d’obstacles, explique un entrepreneur européen sous couvert d’anonymat.

L’opacité des comptes publics et des réserves de la banque centrale ne favorise pas davantage la confiance. Le problème est plus général. « L’ONG Reporters sans frontières [RSF] enjoint François Hollande de ne pas esquiver la question fondamentale de la liberté de la presse lors de ses échanges avec Raul Castro », a lancé de son côté Emmanuel Colombié, chef du bureau Amérique latine de RSF. La Havane peine à rompre avec ses vieux démons.

Source: Le Monde