« Le possible réarmement » de Téhéran pourrait changer l’équilibre des forces dans la région.
La supériorité technologique occidentale en matière d’armement s’érode notamment face à la Chine et la Russie, met en garde l’Institut international pour les études stratégiques (IISS) dans son rapport annuel sur l’équilibre des forces armées dans le monde publié mardi.
Selon ce prestigieux centre de réflexion basé à Londres, deux tendances fortes ressortent en matière d’armement. « La première est la prolifération de nouvelles technologies aux mains d’un certain nombre de pays et d’acteurs non-étatiques, ce qui réduit les écarts en matière d’armement à travers le monde », a déclaré John Chipman, le directeur de l’IISS.
Il a ainsi donné l’exemple d’un groupe au Moyen-Orient, sans le citer, ayant « bénéficié du soutien de l’État iranien dans le développement d’engins explosifs improvisés », c’est-à-dire de mines ou bombes artisanales.
Parmi ces nouvelles technologies, issues aussi bien du secteur civil que militaire, figurent notamment les drones mais aussi « la cybersécurité et les cyberarmes » qui permettent de déstabiliser un pays par des attaques virales.
Selon lui, si lors des deux dernières décennies, « les pays occidentaux étaient les champions des nouvelles technologies » avec une avance nette sur les autres états et les acteurs non-gouvernementaux, « aujourd’hui, cette avance technologique se réduit ».
La modernisation
La deuxième tendance est la décision de la Russie et de la Chine d’investir dans ces technologies pour « moderniser leurs forces armées », ce qui « remet en cause l’équilibre actuel des forces en Europe » et « dessine l’équilibre futur en Asie ».
Chipman a souligné la volonté de la Chine de se concentrer sur la « dimension maritime de sa politique de défense », soit davantage d’investissements dans les bateaux et sous-marins.
A contrario, il a estimé que le financement des forces armées et de l’armement en Europe demeurait « un défi » avec seulement « quatre des 26 membres européens de l’OTAN qui ont respecté l’objectif de dépenser 2 % du PIB, les 22 autres ayant dépensé en moyenne 1,1 % de leur PIB pour la défense ». Il s’agit de la Grèce, de la Pologne, du Royaume-Uni et de l’Estonie.
Le budget de la Défense russe a, lui, connu une croissance à deux chiffres en 2015, tandis que l’Asie dépense « près de 100 milliards de dollars » de plus par an que les membres européens de l’OTAN, note l’institut.
Les États-Unis
Côté américain, « face à la perception que la Russie représente une menace grandissante, en particulier envers les pays Baltes et les pays d’Europe orientale », la réponse du Pentagone est de muscler sa présence en Europe », a relevé Chipman.
Il a cité pour preuve le dernier budget de l’administration Obama, dévoilé mardi à Washington, qui prévoit de quadrupler à 3,4 milliards ses dépenses dans cette région.
Au Moyen-Orient, la levée des sanctions contre l’Iran suite à l’accord sur le nucléaire conclu à Vienne en juillet donne à Téhéran la possibilité de moderniser son armement dont une part notable date des années 70 et est « si vieille qu’elle peut être considérée comme étant obsolète », note le rapport de l’IISS. « Ce possible réarmement » de Téhéran pourrait également changer l’équilibre des forces dans la région, conduisant à « davantage de coopération entre les pays du Golfe fondée sur les liens militaires actuellement observables au Yémen ».
Concernant la prolifération d’armes de destruction massive, Chipman a jugé que l’année 2015 avait été « assez bonne » notamment du fait de « la signature de l’accord P5 + 1 dans le dossier iranien ». Selon lui, il y a « consensus » sur l’idée que cet accord a « permis de retarder pour une dizaine d’années voire peut-être 15 ans, l’acquisition par l’Iran de l’arme atomique ».