Kaesong avait ouvert en 2004 dans le sillage de "la diplomatie du rayon de soleil".
Pyongyang a ordonné ce jeudi le départ immédiat des Sud-Coréens du complexe industriel intercoréen de Kaesong, et ordonné la saisie de leurs avoirs, après la décision unilatérale de Séoul d'en suspendre les opérations en riposte aux programmes balistique et nucléaire du Nord.
Les 280 ressortissants sud-coréens, présents à Kaesong au moment de l'ordre d'expulsion, ont franchi la frontière, munis seulement de leurs effets
personnels, et ont regagné leur pays peu avant 22H00 (13H00 GMT), a annoncé le ministère sud-coréen de l'Unification dans un communiqué.
Cette crispation autour d'un site industriel qui se voulait un symbole de
la "réconciliation" illustre l'escalade des tensions intercoréennes provoquée
par le quatrième essai nucléaire nord-coréen du 6 janvier, et par le tir de
fusée effectué dimanche par Pyongyang.
Dans un communiqué publié par l'agence officielle nord-coréenne KCNA, la
Commission pour la réunification pacifique de la Corée, qui s'occupe des
questions intercoréennes, a annoncé qu'elle plaçait Kaesong, zone gérée
conjointement par Séoul et Pyongyang mais située en territoire nord-coréen,
sous contrôle militaire.
Parallèlement, deux lignes essentielles de communication avec Séoul sont
coupées. "Les forces ennemies sud-coréennes vont faire l'expérience du prix élevé et douloureux qu'elles doivent payer pour avoir fermé le complexe industriel de Kaesong", a affirmé le texte.
Pour protester contre la poursuite par Pyongyang, en violation de
nombreuses résolutions de l'ONU, de ses programmes nucléaire et balistique,
Séoul avait annoncé mercredi qu'il suspendait les opérations dans ce complexe
financé par le Sud situé à 10 kilomètres de la frontière.
En agissant ainsi, Séoul a anéanti "l'ultime bouée de sauvetage" des
relations bilatérales et émis "une déclaration de guerre dangereuse" qui
pourrait conduire la péninsule au bord du conflit, a ajouté la Commission
nord-coréenne.
Les relations intercoréennes ont toujours été problématiques mais les
analystes estiment que la situation actuelle pourrait dégénérer en crise
généralisée.
"On peut dire que tous les liens entre les Corées ont été tranchés. Plus
rien ne fait tampon", a commenté Ko Yoo-Hwan, professeur d'études
nord-coréennes à l'Université Dongguk à Séoul.
"Une escalade des tensions est inévitable. Il y aura de nouveaux problèmes
avec Kaesong et la saisie des avoirs, spécialement si la Corée du Nord
militarise la zone".
Récupérer ce qui peut l'être
La Corée du Sud avait qualifié d'"inévitable" sa décision, accusant
Pyongyang d'avoir utilisé des centaines de millions de dollars de devises
recueillies à Kaesong pour financer ses programmes d'armements.
Au total, 124 entreprises manufacturières sud-coréennes, dont tous les
avoirs (y compris les machines et matières premières) ont été saisis,
employaient à Kaesong 53.000 Nord-Coréens. Les patrons de ces sociétés ont
envoyé jeudi matin des centaines d'employés et des camions vides pour tenter de récupérer ce qui pouvait l'être.
Kaesong avait ouvert en 2004 dans le sillage de "la diplomatie du rayon de
soleil", poursuivie par Séoul de 1998 à 2008 pour encourager les contacts entre
les deux frères ennemis. Le complexe a longtemps été préservé des péripéties
des relations intercoréennes.
Au printemps 2013 toutefois, Pyongyang l'avait fermé pendant cinq mois, au
plus fort de la dernière vague de fortes tensions sur la péninsule, après le
troisième essai nucléaire du Nord.
En septembre 2014, Pyongyang avait édicté un nouveau projet de règlement
aux termes duquel le Nord serait autorisé à arrêter et à retenir les hommes
d'affaires sud-coréens en cas de différend commercial. Séoul l'avait rejeté.
La fermeture du complexe a été jugée "injuste" par l'association
représentant les 124 entreprises sud-coréennes concernées, qui se sentent
sacrifiées sur l'autel de la politique.
De leur côté, Washington et Tokyo ont riposté aux programmes balistique et
nucléaire nord-coréens en visant les finances du pays, sans attendre l'issue des négociations au Conseil de sécurité sur de nouvelles sanctions.
Les négociations entre Washington et Pékin sur une nouvelle résolution de
l'ONU piétinent en raison des réticences de la Chine, principal allié de
Pyongyang, qui redoute que l'effondrement du régime nord-coréen ne permette
l'avènement à sa frontière d'une Corée réunifiée alignée sur les Etats-Unis.