Et les Etats-Unis prêts à définir avec la Russie qui sont les terroristes.
La Turquie et l'Arabie saoudite pourraient mener une opération terrestre en territoire syrien, avec pour prétexte de combattre la milice wahhabite Daesh (Etat islamique), a annoncé samedi le chef de la diplomatie turque, ce qui selon l’AFP pourrait encore compliquer la donne en vue d'un dénouement de la crise.
A Munich (sud de l'Allemagne), où il participe à la conférence sur la sécurité, le secrétaire d'Etat John Kerry a rappelé que le dossier syrien se trouvait à un "moment charnière" entre guerre et paix.
"S'il y a une stratégie (contre l'EI), alors la Turquie et l'Arabie saoudite pourraient participer à une opération terrestre", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, lui-même de retour de Munich.
Selon lui l'Arabie saoudite, qui est devenue au cours des derniers mois l'un des plus proches alliés de la Turquie, va également déployer des avions de chasse sur la base militaire stratégique d'Incirlik, dans le sud de la Turquie, où se trouvent déjà des avions de la coalition conduite par les Américains.
Des responsables saoudiens "sont venus et ont effectué une reconnaissance de la base.
Pour le moment, il n'est pas encore clair combien d'avions" seront déployés, a dit le ministre turc en évoquant "une coalition islamique contre la terreur".
D'après lui, Ryad a indiqué être prêt à "envoyer des troupes quand le temps viendra pour une opération terrestre".
L'annonce du ministre turc intervient au lendemain de déclarations incendiaires du président syrien Bachar al-Assad contre la Turquie et l'Arabie saoudite, qu'il a accusées de soutenir le "terrorisme". Dans une interview à l'AFP, il a affirmé vouloir reconquérir toute la Syrie, quitte à mener de "longs" combats.
L'Arabie saoudite et la Turquie veulent à tout prix le départ de Bachar Al-Assad, et refusent d’en recourir aux urnes, et à l’avis du peuple syrien.
Combattre Daesh, un prétexte
Le ministre saoudien des Affaires étrangères Ryad Adel al-Jubeir a annoncé cette semaine que le royaume était prêt à dépêcher des troupes au sol en Syrie, avec pour motif déclaré la participation à la coalition internationale contre l'EI. Et Washington, par la voix de responsables du Pentagone, a dit voir d'un bon œil cette offre saoudienne.
Selon de nombreux observateurs, ce n’est pas pour combattre cette milice wahhabite que ces deux pays veulent intervenir en Syrie mais pour prêter main forte aux milices en débandade dans la province nord d’Alep, où se trouvent en plus de Daesh, la branche d’Al-Qaïda en Syrie le front al-Nosra et d’autres milices qui tournent dans la même mouvance.
Avec l'aide des frappes russes et de leurs alliés, les forces gouvernementales ont réalisé d'importantes avancées dans plusieurs régions syriennes, dont le nord de Lattaquié, et la province d'Alep, où elles se trouve désormais à quelques kilomètres de la frontière avec la Turquie.
'Ne menacez personne'
Mais le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a mis en garde samedi contre toute intervention au sol des pays membres de la coalition emmenée par les Etats-Unis.
"Ne menacez personne avec une opération au sol", a-t-il déclaré lors d'un discours à la conférence de Munich, au cours duquel il a affirmé que le monde était entré dans une nouvelle guerre froide.
La Russie a annoncé samedi l'envoi en Méditerranée d'une corvette lance-missiles, le Zelyony Dol, et celle-ci se dirigerait vers les côtes de la Syrie, selon des informations de presse.
Le départ du Zelyony Dol pour la Méditerranée intervient alors que les Etats-Unis et la Russie viennent de tomber d'accord sur une "cessation des hostilités" en Syrie dans un délai d'une semaine, à l'exception de l'offensive contre les jihadistes, afin de relancer le processus de paix et de stopper l'exode de civils.
Les USA prêts à définir les terroristes avec la Russie
Pour sa part, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a martelé samedi que la Russie devait "changer de cibles" militaires en Syrie, assurant être prêt à définir avec les Russes la liste des groupes terroristes. Une demande à laquelle insiste la partie russe et que les Américains ont longtemps négligé.
"Aujourd'hui la très grande majorité des attaques russes se concentrent sur les groupes d'opposition légitimes. Pour adhérer à l'accord (sur la trêve), il est essentiel que la Russie change de cibles" en Syrie, a-t-il dit lors de la Conférence sur la sécurité de Munich.
"Nous sommes à un moment charnière" entre guerre et paix, a insisté John Kerry. "Les décisions qui seront prises dans les prochains jours, semaines ou mois peuvent mettre fin à la guerre (...) ou ouvrir la porte à un conflit encore plus large", a-t-il mis en garde.
Les Etats-Unis ont dit être prêts à s'asseoir à une même table avec les Russes pour déterminer quels groupes peuvent être bombardés ou pas, a poursuivi John Kerry, alors que Moscou demande une coopération entre militaires russes et américains sur ces questions.
"Il n'y a pas d'autre solution pour une cessation des hostilités que de s'asseoir à une table et de travailler ensemble sur tous les aspects de la question, qu'ils soient politiques, humanitaires ou militaires", a-t-il dit.
"Nous déterminerons ce qui doit être visé, ce qui ne devrait pas l'être, comment travailler ensemble pour que les gens ne quittent pas la table (des négociations) parce que, de toute évidence, si ceux qui sont prêts à participer au processus politique sont bombardés, on n'aura pas beaucoup de conversation", a-t-il ajouté.
Selon l’AFP, la coalition militaire emmenée par les Etats-Unis mène de son côté depuis l'été 2014 des raids aériens contre le seul groupe Etat islamique en Syrie et en Irak. Or, ils sont restées inefficaces et n’ont nullement affecté Daesh et ne se sont intensifiés après l’intervention russe en Syrie en septembre 2015.
Force est de constater que les sites du front al-Nosra, pourtant sur la liste des organisations terroristes américaines, n’ont jamais été bombardés par les Américains.
Avec AFP