Le soutien d’Ankara ne se limite pas à Daech mais s’étend aussi à Ahrar Al Sham et à Jabhat An Nosra, filiale d’Al Qaida en Syrie.
La Turquie a été mardi 12 janvier 2016 la cible d’une attaque terroriste à Istanbul suscitant un élan de sympathie et de solidarité sans pareil des états occidentaux.
La France qui s’était bornée deux semaines plus tôt à déplorer la décapitation en Arabie saoudite de 47 personnes, dont le chef spirituel de la communauté chiite du Royaume, Cheikh Nimr al Baqer Al Nimr, a qualifié d’«odieux» l’attentat d’Istanbul, qui avait fait, lui, -comparaison n’est pas raison-, 10 morts en majorité des Allemands et une quinzaine de blessés.
Des journalistes compatissants ont même été jusqu’à déplorer la solitude de la Turquie face à son environnement hostile, constitué, selon eux, d’une cohorte d’«États voyous», une brochette d’états sans foi, ni loi: la Russie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. C’est oublier un peu vite le statut privilégié de la Turquie, membre de l’Otan, unique pays musulman membre de l’alliance atlantique et sa sentinelle avancée sur le flanc sud de la Russie; occulter son partenariat stratégique avec Israël, unique pays musulman disposant d’ailleurs d’un tel statut à tout le moins publiquement, de même que son rôle de base-arrière du djihadisme planétaire dans la guerre de Syrie, enfin l’impunité dont elle jouit du fait du génocide arménien ou encore sa féroce répression des Kurdes de Turquie.
C’est oublier enfin la sympathie dont bénéficie Daech auprès de la population turque, tout comme d’ailleurs en Arabie saoudite, l’autre grand allié musulman des pays occidentaux.
10 % des Turcs ne considèrent pas Daech (EI) comme une organisation terroriste et plus de 5% approuvent son action, selon une étude publiée mardi 12 janvier 2016 par un think-tank basé à Ankara, et relayée par Reuters. Cette enquête menée au mois de novembre a été réalisée auprès de 1500 personnes à travers tout le pays Par ailleurs, 21% des sondés ont répondu que l’EI représentait l’islam et 8,9% croient qu’il s’agit d’un pays. La Turquie compte 78 millions d’habitants.
Cette explosion intervient alors que le pays est en état d’alerte maximum depuis l’attaque la plus meurtrière survenue sur son sol, attribuée à Daech, qui a fait 103 morts et 500 blessés en Octobre 2015 devant la gare centrale d’Ankara. Ce double attentat a constitué un coup dur pour le tourisme en Turquie, qui engrange annuellement près de 36 milliards de dollars de revenus touristiques, mais qui est néanmoins déjà affecté par le boycott touristique de la Russie consécutif à l’incident aérien russo-turc du 24 novembre 2015.
Sur la défensive depuis l’intensification des raids de l’Oran contre ses positions et ses revers successifs en Irak, Abou Bakr Al Baghdadi, chef de Daech, s’est résolu à menacer directement l’Arabie saoudite, et pour la première fois, directement Israël, dans un surenchérissement des enjeux; De transformer, sur le terrain, ses fiefs à la frontière syro irakienne en camp retranché pour faire du périmètre Iblib-Raqqa le «Tora Bora» du Moyen-Orient, sur le modèle afghan..
L’assaut contre Deir Ez Zor, le 17 Janvier 2015, avec la capture de près de 300 civils de même que l’attentat de Djakarta relève de cette politique de surenchère.
L’attentat d’Istanbul, revendiqué par Daech, constitue-t-il une manifestation de sa nervosité face aux restrictions imposées par Ankara aux agissements des terroristes. Ou un coup de semonce pour dissuader le gouvernement néo-islamiste d’Ankara contre tout éventuel revirement de sa politique de soutien à la nébuleuse islamiste?
RÈGLEMENT DE COMPTE INTER-DJIHADISTE
La perspective d’une possible relance du processus visant à une transition politique du pouvoir en Syrie, matérialisée par la conférence de Vienne 1 et Vienne 2 avec pour la première fois la participation de l’Iran, a déclenché une vague d’assassinats dans les rangs djihadistes dans une tentative de mise au pas des récalcitrants et son adaptation au nouveau momentum diplomatique régional et international, avec leur inhérente réplique terroriste.
La Turquie a procédé à la liquidation physique de trois dirigeantes kurdes, notamment Siva Demir, coprésidente du Conseil du Peuple de Slopy et Fatma Wayar, activiste du Congrès des Femmes kurdes, dans la foulée de la constitution du «Conseil Démocratique de Syrie», le 13 Décembre 2015 et un dirigeants de Jabhat An Nosra, Jamil Raadoune, chef du «groupement des faucons de la forêt», a été assassiné à Antioche (sud de la Turquie).
Huit dirigeants de Jabhat An Nosra ont également été assassinés, dont Jamil Raadoune, chef du «groupement des faucons de la forêt», à Antioche (sud de la Turquie) et Ibrahim Said, officier dissident, membre de la Haute Cour relevant du Conseil des Oulémas de Homs, responsable législatif de la brigade 313.
Retour sur la face cachée de la Turquie, pas si isolée ni si angélique que certains éditocrates voudraient bien en accréditer l’image.
La Turquie constitue la base arrière du recrutement terroriste, en même temps que la principale voie de transit et de ravitaillement de Daech et la «courageuse guerre déclenchée par la France contre Daech est une farce», soutient le politologue britannique Nafeez Moussadeq Ahmed, collaborateur du journal londonien «The Guardian».
Une étude de Nafeez Mosaddeq Ahmed, politologue britannique d’origine bangladaise, collaborateur du journal londonien The Guardian confirme le fait: «Ankara est suspecté depuis belle lurette de fermer les yeux sur le transit, via son territoire, des légions de combattants étrangers en partance pour la Syrie», écrit-il.
La complicité du gouvernement turc avec les groupes terroristes a été établie bien avant les révélations du ministère russe de la Défense sur les liens du clan Erdogan avec le trafic illicite du brut extrait par Daech des champs pétroliers d’Irak et de Syrie, le rackette sur ce trafic ainsi que le transit du brut de Daech vers le port turc de Ceyhan, sur la Méditerranée.
LA CONTREBANDE DU PÉTROLE DE DAECH
Après la destruction d’un appareil militaire russe dans la zone frontalière syro-turque, le vice-ministre russe de la Défense, Anatoli Antonov avait pointé du doigt le clan Erdogan dans ce trafic: «Vous ne vous posez pas de questions sur le fait que le fils du président turc s’avère être le dirigeant d’une des principales compagnies énergétiques et que son beau-fils a été nommé ministre de l’énergie? Quelle merveilleuse entreprise familiale!», a-t-il commenté en référence au gendre d'Erdogan, Berat Albayrak, 37 ans, ministre de l’énergie, et à son fils, Bilal Erdogan, qui possède le groupe BMZ, spécialisé dans les travaux publics et le transport maritime
«Un responsable occidental coutumier des secrets des renseignements a révélé, au Guardian, qu’il a été établi, sur la foi des informations recueillies lors d’un raid contre une cache de Daech, que les transactions entre la Turquie et ISIS sont désormais «indéniables»… «Le soutien d’Ankara ne se limite pas à l’état Islamique mais s’étend aussi à Ahrar Al Sham et à Jabhat An Nosra, filiale d’Al Qaida en Syrie.
La distinction que la Turquie fait avec d’autres groupements terroristes est mince. «Il est indubitable que la Turquie coopère, militairement avec les deux groupements djihadistes, mettant à leur disposition des camps d’entraînement, en Turquie, à l’abri des raids aériens de la coalition atlantiste.
LE TRANSIT DES COMMUNICATIONS INTERNATIONALES DE DAECH VIA LA TURQUIE
… «L’état Islamique se procure des paraboles en Turquie, un équipement qui lui permet d’amplifier sa propagande. Aucune organisation terroriste n’utilise autant internet avec autant de succès pour ce qui est du recrutement des sympathisants de l’état Islamique. …Opérant dans une zone où les infrastructures dans le domaine des télécommunications sont quasiment détruites, comment se fait-il qu’un tel groupement puisse opérer avec autant d’aisance».
Pour se connecter en Ligne en Syrie ou en Irak, le matériel technologique est accessible depuis la province turque de Hatay, (l’ancienne province syrienne d’Alexandrette détachée par la France de la Syrie au profit de la Turquie). Des milliers de paraboles ont ainsi été installées dans cette zone permettant aux utilisateurs d’accéder à Internet par satellite.
Avec Mondialisation