Les hostilités de la Guerre de sécession ont commencé en Caroline du Sud.
La Caroline du Sud, lieu d’un massacre dans une église noire en juin, votera samedi pour les primaires républicaines, mais la communauté noire s’estime oubliée de la campagne, bien que les candidats assurent que la page du racisme a été tournée.
La première primaire du sud américain était censée glorifier le dynamisme de la région, ses valeurs religieuses et sa résilience après le massacre de Charleston et la polémique sur le retrait du drapeau confédéré, symbole ségrégationniste pour ses ennemis. Mais les divisions politiques et l’incompréhension n’ont fait que se creuser, disent des habitants blancs et noirs, démocrates et républicains.
« Le coeur des gens n’a pas changé », dit Anthony Scott, dont le frère Walter a été abattu, dans le dos, par un policier blanc à North Charleston en avril dernier après un contrôle de police. Il affirme que les candidats républicains qui sillonnent l’État depuis plusieurs semaines font l’impasse sur les électeurs noirs, qui votent majoritairement démocrate aux élections, afin de se concentrer sur la base conservatrice blanche. « Je n’ai pas l’impression qu’ils font des efforts », dit-il.
De fait, très peu d’électeurs noirs sont venus assister aux meetings mardi de Donald Trump et de Ted Cruz, les deux hommes qui mènent la course.
La majorité
À l’inverse, chez les démocrates, Hillary Clinton et Bernie Sanders font presque exclusivement campagne auprès des électeurs noirs et se battent pour rallier à eux la moindre personnalité.
En 2008, 55 % des votants à la primaire démocrate étaient noirs, selon les sondages de sorties d’urnes. C’est la base du parti démocrate dans le Sud. La Caroline du Sud compte 28 % d’habitants noirs, mais seulement un élu sur sept à la Chambre des représentants est noir, un démocrate. Les deux sénateurs sont républicains, et l’un d’eux, Tim Scott, est noir.
En juillet, après la fusillade de Charleston, la gouverneure Nikki Haley, chef de l’exécutif local, a décidé de retirer le drapeau confédéré de l’esplanade du Capitole local, une décision extraordinaire qui avait été vécue comme un moment charnière dans l’histoire de l’État.
Aucune violence n’avait été constatée — contrairement à d’autres États où des manifestations contre les violences policières ont mal tourné.
« Pourquoi cela n’est-il pas arrivé ici ? » a demandé le sénateur de Floride, Marco Rubio, l’un des candidats républicains, mardi à Beaufort. « Car au coeur de cet État, il y a l’Église. Quand ces horribles tragédies se sont produites, surtout à l’église Mother Emanuel, c’était l’Église qui était au coeur de la réponse », a-t-il argué, en félicitant la gouverneure, qui le soutient, de sa décision de remiser le drapeau confédéré aux musées.
Mais cette décision n’a pas été du goût de certains conservateurs, comme Rollis Smith, membre des Fils de Vétérans Confédérés, une association de quelque 3500 personnes qui vise à préserver le souvenir de la Guerre de sécession (1861-1865). « Ça m’a profondément blessé », dit l’homme au musée confédéré de Greenville. « La culture du Sud et les valeurs chrétiennes sont en danger ».
Les hostilités de la Guerre de sécession ont commencé en Caroline du Sud. C’est ici que le souvenir du conflit est entretenu avec la plus grande ferveur. Pour beaucoup, le drapeau confédéré est un symbole historique et non raciste.
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Pour Rollis Smith, « les tensions raciales existent, car ce sont des gens venus d’ailleurs qui les importent pour créer des conflits ».
Le pasteur de l’église noire baptiste Royal Missionary, à North Charleston, n’est pas d’accord. « Les gens voient la Caroline du Sud telle qu’elle est », dit le révérend Isaac Holt. Il officiait mercredi soir un culte avec quelque 200 fidèles, chantant et dansant au rythme du choeur gospel. Il convient que la gouverneure républicaine Nikki Haley, qui a assisté aux obsèques de chacune des neuf victimes de l’église de Charleston, a été comme transformée par la tragédie. Mais il accuse les autres responsables de détourner le regard.
« On préfère ignorer le problème, au lieu de s’astreindre à en parler pour essayer de le résoudre », dit Isaac Holt.
Rollis Smith, le défenseur du drapeau confédéré, met les tensions sur le compte d’une personne en particulier : Barack Obama. « Il essaie d’exploiter la couleur de peau à son profit, mais ça a créé plus de mal que de bien », dit-il.