"En 25 ans d’indépendance, nous avons assisté à une lutte incontrôlée pour le pouvoir et pour assurer des intérêts privés qui ont très souvent pris la forme d’intérêts financiers"...
Une manifestation antigouvernementale consacrée au 2e anniversaire des événements tragiques de février 2014 à Kiev, qui ont fait plus de 100 morts, se déroule samedi au centre de la capitale ukrainienne.
Les organisateurs de la manifestation intitulée "La Dignité contre l'arbitraire" comptent rassembler samedi et dimanche 100.000 personnes sur la place de l'Indépendance (Maïdan Nezalejnosti ou Maïdan) de Kiev, a annoncé l'administration municipale de la ville.
Parmi les organisateurs figurent le mouvement nationaliste Pravy Sektor (Secteur droit), les groupes Comité noir, Revanche, S14, des bataillons de volontaires nationalistes et l'Organisation des nationalistes ukrainiens à tendance extrémiste OUN. Les participants entendent défiler dans les rues centrales de la capitale.
Selon les médias ukrainiens, des tentes seront installées devant le siège de la Rada suprême (parlement ukrainien) et sur la place de l'Indépendance.
Pendant la marche, les nationalistes ont attaqué samedi aux jets de pierres des bureaux de l'Alfa Bank et de la Sberbank russes et le siège du groupe System Capital Management appartenant à l'oligarque ukrainien Rinat Akhmetov au centre de Kiev.
L'Organisation des nationalistes ukrainiens envisage réunir 10.000 personnes pour réclamer la libération des détenus politiques.
Par ailleurs, la place de l'Indépendance de Kiev accueillera une manifestation organisée par l'Union des anciens combattants d'Ukraine. Les vétérans souhaitent honorer la mémoire de la "Centaine céleste" (manifestants morts lors des événements de février 2014 sur la place de l'Indépendance), ainsi que celle des victimes du conflit dans le Donbass.
Plus de 4.000 policiers veillent au respect de l'ordre public à Kiev.
La crise politique, qui a éclaté en Ukraine fin novembre 2013 suite à la suspension des négociations sur l'intégration européenne du pays, a été baptisée '"EuroMaïdan". La contestation qui a débuté sur la place Maïdan à Kiev a dégénéré en affrontements avec la police le 19 janvier 2014. Les protestataires ont érigé des barricades et attaqué les policiers à coups de pierres, de fumigènes et de cocktails Molotov. Le 20 février 2014, des snipers embusqués ont tiré à la fois sur les manifestants et les policiers.
Les événements survenus sur la place de l'Indépendance à Kiev entre le 30 novembre 2013 et le 22 février 2014 ont fait entre 100 et 120 morts parmi les manifestants et 16 morts dans les rangs des policiers. Les troubles se sont soldés par un changement de pouvoir et la destitution du président Viktor Ianoukovitch. L'opposition s'est emparée du pouvoir dans le pays.
Un pays en faillite
Or depuis "ce coup d'Etat made in USA", l'Ukraine est noyée dans une crise économique et sociale sans précédent. Dettes, privatisation sauvage, corruption, chômage.
En effet, selon l'ex-ambassadeur d'Allemagne en Ukraine et spécialiste de l'Europe de l'Est, Dietmar Stüdemann, "on ne doit pas laisser l'Ukraine contrôler les fonds octroyés par l'Occident, car les intérêts égoïstes d'un groupe d'individus empêchent ce pays de stabiliser ses finances.
Le plan d'assistance financière à l'Ukraine ne sera efficace que si les crédits reçus par Kiev sont totalement contrôlés par le Fonds monétaire international (FMI) et les institutions européennes, a déclaré Stüdemann dans une interview au quotidien économique Wirtschafts Blatt.
Et de poursuivre : "En 25 ans d'indépendance, nous avons assisté à une lutte incontrôlée pour le pouvoir et pour assurer des intérêts privés qui ont très souvent pris la forme d'intérêts financiers. Les fonds octroyés ont constamment disparu dans un «trou noir». Si cela continue, la stabilisation financière du pays sera impossible".
Il est persuadé que l'utilisation des finances provenant de l'Occident doit nécessairement être contrôlée par le FMI et les institutions européennes.
"L'expérience montre que si on en confie le soin à l'Ukraine, cela n'aboutira à rien", a souligné l'expert.
Selon lui, Kiev doit créer des institutions démocratiques susceptibles de mettre en place des mécanismes modernes de contrôle financier. Or, les réformes en cours en Ukraine ne permettent pas d'entrevoir cette tendance, a conclu Dietmar Stüdemann.
Avec Sputnik