23-11-2024 10:32 AM Jerusalem Timing

L’échec d’Ankara en Syrie est imminent

L’échec d’Ankara en Syrie est imminent

En appuyant les troupes gouvernementales et les Kurdes syriens, la Russie change unilatéralement l’équilibre des forces sur le champ de bataille

La situation en Syrie se complique de jour en jour: l'avancement des Kurdes non seulement pousse la Turquie à s'enfoncer davantage dans un conflit susceptible de conduire à un affrontement avec la Russie, mais place en situation de perdant le principal allié d'Ankara, Washington.

Le soutien que fournissent les Forces aérospatiales russes aux Kurdes de Syrie révèle une nouvelle ligne de fracture en Syrie, considère Joseph V. Micallef, observateur du Huffington Post.

Selon l'analyste, en appuyant les troupes gouvernementales et les Kurdes syriens, la Russie change unilatéralement l'équilibre des forces sur le champ de bataille de ce pays proche-oriental. Les Forces démocratiques syriennes, avec les Unités de protection du peuple (YPG) kurdes en tête, avancent le long de la frontière syro-turque ce qui est mortel pour Ankara: si les Kurdes s'emparent de la frontière, ils entreprendront la tentative de réunifier les territoires turques peuplés par des Kurdes et le Kurdistan de l'ouest, plus généralement appelé Rojava, dans le nord de la Syrie.

L'objectif prioritaire de la Turquie dans la guerre civile syrienne est d'empêcher la création d'un Etat autonome kurde près de ses frontières. Viennent ensuite en termes d'importance le renversement de Bachar el-Assad et la mise en place d'un gouvernement sunnite en Syrie, estime l'analyste.

"La politique étrangère turque est en ruines. Les tentatives d'Erdogan de faire de la Turquie le centre du monde sunnite ont connu un échec", considère l'observateur.

Pour Ankara, la situation empire de jour en jour: la Turquie s'est retrouvée en conflit avec la Russie ce qui risque d'aboutir à un affrontement armé direct entre les deux pays dans le cas où Ankara déciderait d'entreprendre une irruption en Syrie, ajoute l'analyste. En outre, l'ambiguïté de la politique turque à l'égard de Daech, tout comme l'obsession de la lutte contre les Kurdes, sont les prémisses de tensions entre la Turquie et les Etats-Unis.

Les unités spéciales américaines, déployées en Syrie, sont au courant du soutien qu'Ankara offre aux combattants de Daech, souligne M. Micallef. Lors d'un raid, les forces spéciales ont réussi à éradiquer le "ministre des Finances" de Daech (interdit en Russie, ndlr), coordinateur de l'extraction illicite de pétrole en Syrie et en Irak. En outre, elles possèdent des preuves attestant que les services spéciaux turcs étaient au courant de la contrebande d'or noir vers la Turquie et, apparemment, fermaient les yeux sur ce fait.

Washington est conscient que toute poursuite du conflit turco-kurde met en danger le succès de la campagne de la coalition anti-Daech, précise l'observateur du Huffington Post. Si pour Ankara il n'y a rien de plus horrible que le succès des Kurdes (la création d'un Etat autonome à la frontière syro-turque), pour les Etats-Unis, les Kurdes sont un instrument efficace de lutte anti-Daech. Lorsque Washington a connu l'échec dans son soutien à l'opposition syrienne "modérée", il a focalisé son attention sur les Forces démocratiques syriennes et les YPG kurdes, et a appuyé ces dernières depuis les airs.

Ceci n'est pas passé inaperçu pour Ankara qui a exigé que les Américains cessent leur soutien aux Kurdes. En décembre 2015, Washington a même suspendu son soutien aux Kurdes qui ont franchi l'Euphrate et ont progressé vers la frontière syro-turque, toutefois, l'appui a ensuite repris. Des convergences existent même au niveau diplomatique: la Turquie qualifie les YPG de terroristes et exige qu'il en soit de même pour Washington. Or, les Etats-Unis n'y sont pas prêts.

Ce qui complique la situation est que Washington lui-même a besoin de la Turquie, plus précisément de la base militaire d'Incirlik, d'où décollent les avions américains qui bombardent les cibles de Daech en Syrie et en Irak.

"Les deux parties exigent que les Etats-Unis clarifient de quel côté ils sont, ce qui est une situation non gagnante pour Washington", indique Joseph V. Micallef.