"le couvre-feu n’est qu’une enveloppe de la guerre masquée qui fait rage dans la région"..
En décembre dernier, les autorités turques ont décrété le couvre-feu dans plusieurs provinces du pays peuplées par des Kurdes. Des affrontements entre l'armée et les milices kurdes se poursuivent dans le quartier historique de Sur, au cœur de Diyarbakir, grande ville du sud-est de la Turquie.
Selon l'état-major turc, un millier de combattants kurdes, membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ont été tués depuis mi-décembre au cours d'une "opération antiterroriste" lancée par Ankara. Les représentants du Parti de l'union démocratique (kurde) affirment pour leur part que cette opération a fait des dizaines de morts parmi les civils.
Que se passe-t-il réellement dans le sud-est de la Turquie? A quel point le couvre-feu est-il une mesure nécessaire? L'agence Sputnik Türkiye a posé ces questions à Öztürk Türkdoğan, président de l'Association turque des droits de l'homme.
"Je tiens à attirer votre attention sur le fait que depuis le 2 décembre 2015, c'est-à-dire depuis plus de 80 jours, les habitants de six rues du quartier de Sur vivent sous un couvre-feu permanent. Rien de ce genre ne s'était encore produit jusqu'à présent. Il s'agit d'un blocus, d'un siège imposé à un quartier entier. Il est impossible d'y vivre. De nombreux habitants ont quitté leurs foyers", a déclaré Öztürk Türkdoğan.
Selon lui, les hostilités ont repris en Turquie suite au refus des belligérants de régler le problème kurde par des méthodes pacifiques et démocratiques. La période actuelle se distingue par le fait que la plupart des affrontements se déroulent à l'intérieur des villes.
"En prorogeant sans cesse le couvre-feu dans le sud-est du pays, le gouvernement mène de facto une guerre non déclarée contre ses propres citoyens", a indiqué l'interlocuteur de l'agence. Selon lui, il s'agit d'une pratique illégale, car la décision d'instaurer cette mesure doit être adoptée par le Conseil des ministres. Or, le couvre-feu a été décrété sur décision d'un gouverneur de province.
A la question de savoir si cette mesure était nécessaire, Öztürk Türkdoğan a répondu par la négative. "Si vous connaissez l'emplacement des milices kurdes, si elles n'attaquent pas les régions voisines et ne font pas tort à d'autres citoyens, on aurait pu prendre d'autres mesures ou rester dans l'expectative", a estimé le militant des droits de l'homme.
"Cependant, au lieu d'attendre, notre gouvernement a préféré lancer une opération militaire. On sait que l'opération à Sur est menée par les forces armées. Une véritable guerre s'y déroule actuellement. Il en est de même à Jizra, où les combats ont fait plus de 200 morts civils selon nos estimations. A Sur, le nombre de civils tués a atteint une centaine de personnes. Il faut y ajouter près de 150 blessés qui attendent d'être secourus", a déclaré l'interlocuteur de Sputnik.
Il est persuadé que le couvre-feu n'est qu'une enveloppe de la guerre masquée qui fait rage dans la région.
"Peu importe que ce soit une guerre de faible ampleur, limitée à quelques quartiers urbains. C'est une guerre. Elle a emporté la vie de nombreux militaires, policiers et combattants kurdes. Il faut y mettre fin. Et puisque les hostilités sont directement liées au problème kurde, les belligérants doivent cesser de se battre pour s’asseoir de nouveau à la table de négociations. Je ne vois aucune autre issue à la situation", a conclu le défenseur des droits de l'homme.