Les pays du CCG sont frappés de plein fouet par l’effondrement des cours du brut causé par la politique saoudienne pétrolière
La chute des prix du pétrole met à rude à épreuve la politique d'indexation des monnaies des monarchies du Golfe sur le dollar américain, sans toutefois amener ces pays à abandonner cette pratique, selon des analystes.
L'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar, Oman et Bahreïn indexent leurs monnaies sur le billet vert, tandis que le Koweït, leur sixième partenaire au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG), lie son dinar à un panier de devises, dont le dollar.
Le doute s'est installé sur l'opportunité pour les pays du CCG, frappés de plein fouet par l'effondrement des cours du brut, de maintenir cette politique alors que la reprise de l'économie américaine et le relèvement des taux d'intérêt aux Etats-Unis ont renforcé le dollar.
Pour maintenir l'indexation de leurs monnaies, les monarchies du Golfe, à l'exception du Qatar, ont relevé leurs taux d'intérêt en décembre, suivant une mesure similaire de la Réserve fédérale, alors que leurs économies ont besoin exactement du contraire.
Ces monarchies sont désormais confrontées à un dilemme: maintenir l'indexation ou adopter un système de change flexible, permettant de dévaluer leurs monnaies par rapport au billet vert.
"Maintenir l'indexation est coûteux. La Banque centrale doit être prête à acheter ou vendre sa monnaie sur le marché libre pour garder l'indexation, ce qui pourrait réduire ses réserves en devises étrangères", explique M. R. Raghu, responsable des recherches au Kuwait Financial Center.
"Les recettes pétrolières, qui contribuent à hauteur de 80% des revenus des gouvernements du CCG, ont chuté de 70% depuis la mi-2014, rendant plus vulnérable l'indexation de leurs monnaies, avec la baisse des réserves de change", souligne cet expert à l'AFP.
Les Etats du CCG, à l'exception de Bahreïn et Oman, disposent pour le moment d'énormes réserves leur permettant de maintenir l'indexation.
Mais pour certains spéculateurs, ces pays, Arabie saoudite en tête, ne pourront pas maintenir indéfiniment l'indexation sur le dollar.
Jan Randolph, responsable de l'analyse des risques souverains à IHS Global Insight, estime que les performances contrastées des économies des Etats-Unis et du CCG vont augmenter la pression sur l'indexation.
Leurs politiques monétaires devraient aussi diverger, selon lui.
Les Etats du CCG ont besoin de monnaies faibles et de taux d'intérêt bas pour soutenir leurs économies en difficulté, en développant notamment les secteurs non-pétroliers, explique à l'AFP M. Randolph.
Plus les divergences économiques continuent, "plus il sera logique d'avancer vers un régime de change plus flexible".
Mais le maintien des indexations sur le dollar favorise une stabilité financière et une assurance aux économies du CCG dans une région fragilisée par les tensions géopolitiques. Il contribue aussi à contenir l'inflation et à renforcer la confiance des investisseurs étrangers.
La dévaluation a un prix
Des producteurs de pétrole, comme la Russie, le Kazakhstan, l'Azerbaïdjan et le Nigeria, ont déjà dévalué leurs monnaies, augmentant leurs recettes pétrolières en monnaies locales, ce qui a aidé à freiner leurs déficits budgétaires.
Néanmoins cela a un prix. La dévaluation "provoque généralement une inflation plus élevée et se traduit souvent par une baisse du niveau de vie, ce qui peut nuire à la stabilité sociale", a noté Standard and Poor's dans une récente étude.
Selon des analystes, si les pays du CCG renoncent à l'indexation, certaines de leurs monnaies pourraient perdre 20% ou plus de leurs valeurs.
Cela consoliderait, en termes de monnaies locales, les recettes pétrolières et les réserves budgétaires des fonds souverains de ces pays, souligne Sebastian Henin, responsable de la gestion d'actifs chez The National Investor d'Abou Dhabi.
Le secteur de l'hôtellerie à Dubaï pourrait aussi en bénéficier car l'émirat deviendrait une destination touristique plus abordable et un centre plus attrayant pour les entreprises non pétrolières, explique-t-il à l'AFP.
Des analystes s'attendent d'ailleurs à ce que les Emirats arabes unis soient le premier pays du Golfe à renoncer à la parité avec le dollar.
La fuite de capitaux est un autre risque pour les monarchies du Golfe car "les investisseurs chercheraient à placer leurs actifs sur d'autres marchés", indique M. Raghu, estimant qu'un abandon de l'indexation sur le dollar serait "une mesure extrême".