18-05-2024 02:29 PM Jerusalem Timing

Arabie Saoudite: les revers d’une Légion d’honneur

Arabie Saoudite: les revers d’une Légion d’honneur

La remise de la décoration au prince-héritier saoudien a créé la polémique, la discrétion dans laquelle elle s’est faite l’a amplifiée.


En Arabie Saoudite, tout se passe en coulisse, sauf quand un dirigeant se voit honoré à l’étranger, ce qui mobilise immédiatement la presse saoudienne.

En France, tout se passe en principe sur la place publique, sauf lorsque le pouvoir s’emploie à voiler ce dont il est peu fier. C’est ce qui s’est passé avec la remise, dans la plus grande discrétion, vendredi par François Hollande, de la Légion d’honneur au prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohammed ben Nayef, ce dont se sont immédiatement félicité les médias saoudiens.

On ne pouvait faire mieux pour déclencher la polémique. Ce qui n’a pas manqué, quand bien même Jean-Marc Ayrault, le nouveau ministre des Affaires étrangères, plaidait la «tradition diplomatique», se reprenant après avoir failli, amusant lapsus, évoquer «la tradition démocra…» de la France.

Certes, ce n’est pas la première fois que la Légion d’honneur est remise à d’éminents représentants de dictatures ou de régimes autocratiques. On peut citer celle remise à Vladimir Poutine en 2006 ou, en 2015, celle décernée à Abdellatif Hammouchi, patron du contre-espionnage marocain, connu pour ses manières pour le moins expéditives.

Mais ce qui choque, c’est qu’elle intervient alors que l’Arabie Saoudite est sur la sellette, notamment pour la guerre qu’elle mène au Yémen, où sa marine procède à un blocus du pays qui condamne une partie de la population à la famine, et où son aviation s’emploie à détruire le patrimoine architectural. Sans parler des exécutions capitales – 70 depuis le début de l’année –, des condamnations à mort pour le seul «crime» d’apostasie, ou des persécutions de chrétiens.

Ce qui ne manque pas de sel, c’est que cette décoration a été remise vingt-quatre heures après l’interview du Président à Elle, où il se déclarait «féministe». Les Saoudiennes qui se battent depuis des décennies pour arracher le droit de conduire apprécieront son humour.

«C’est honteux, tout simplement. Le fait que ce soit fait en cachette renforce l’aspect honteux. La Légion d’honneur a valeur d’exemplarité, c’est censé être public.

Cela montre que nous sommes otages de nos relations commerciales avec l’Arabie Saoudite, comme avec le Qatar», a réagi le porte-parole d’EE-LV Julien Bayou, qui a rappelé que le président de la République avait promis dans son discours du Bourget de «ne pas inviter les dictateurs en grand appareil à Paris».

«Si le président de la République fait ça discrètement, c’est peut-être qu’il a honte de son geste, ou peut-être qu’il considère que cette décoration n’est pas méritée», a de son côté ironisé la présidente du Front national, Marine Le Pen, oublieuse des excellentes relations de son parti avec la caste au pouvoir à Moscou..

Dans les rangs des Républicains, le député Thierry Solère a affirmé que la France devrait «être plus ferme» et «exiger un comportement différent» de l’Arabie Saoudite.

Source: Libération