L’accusation a requis la prison à vie à l’encontre de Karadzic.
Plus de vingt ans après le massacre de Srebrenica et le sanglant siège de Sarajevo, l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, a été jugé « pénalement responsable » de génocide à Srebrenica, ce jeudi au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).
« Radovan Karadzic, la cour vous condamne à quarante années de détention », a affirmé le juge O-Gon Kwon. Il a, au total, été jugé coupable de dix des onze accusations de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis pendant la guerre de Bosnie. Il a notamment été déclaré responsable, « en tant qu’individu », de prise d’otages, meurtres et persécutions dans plusieurs municipalités et à Sarajevo.
Le tribunal l’a, en revanche, acquitté de celui de génocide dans sept municipalités de Bosnie. « La chambre n’a pas été capable, sur la base des preuves présentées, d’identifier une intention de génocide de la part de l’accusé », a affirmé le juge O-Gon Kwon.
Son avocat a indiqué que M. Karadzic allait faire appel de ce jugement. Radovan Karadzic « est déçu et étonné », a assuré Peter Robinson. « Il pense qu’il a été condamné sur la base de déductions et va interjeter appel du jugement. »
« Des milliers de personnes sont venues ici raconter leurs expériences et courageusement confronter leurs persécuteurs », a affirmé le procureur du TPIY: « Avec cette condamnation, cette vérité a été respectée. » « Le message de ce procès est que nul n’est au-dessus de la loi », a aussi réagi le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein :
« Ce verdict historique devrait constituer un tournant. Le déguisement utilisé par Karadzic pendant ses quatorze années de fugue a été retiré, le verdict prononcé aujourd’hui lève le voile qui dissimulait ses manipulations politiques, et le révèle tel qu’il était : l’architecte d’actes de destruction et de meurtres à grande échelle. »
Manifestation et arrestation devant le tribunal
A 70 ans, Radovan Karadzic était inculpé de onze chefs d’accusation pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis pendant la guerre en Bosnie, qui a fait plus de 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés entre 1992 et 1995. Il est le plus haut responsable à être jugé par le tribunal pour des crimes présumés commis pendant cette guerre, après la mort en 2006 de l’ancien président serbe Slobodan Milosevic au cours de son procès.
De nombreuses victimes, dont d’anciens détenus des camps et des mères de Srebrenica, ont fait le déplacement, ainsi que des diplomates et journalistes venus du monde entier. Environ une centaine de manifestants s’étaient rassemblés avant l’audience en fin de matinée. La police est présente en nombre, un officier assurant à l’AFP être « extrêmement vigilant » deux jours après les attentats de Bruxelles.
L’ancienne porte-parole du procureur, et ancienne journaliste au Monde, Florence Hartmann, a été arrêtée jeudi par des gardes du tribunal. Elle avait été condamnée pour outrage en 2009 et 2011 après avoir mentionné dans un livre deux décisions confidentielles rendues par la cour d’appel du TPIY dans le cadre du procès de Slobodan Milosevic.
« Nettoyage ethnique »
Radovan Karadzic, ancien président de l’entité des Serbes de Bosnie, la Republika Srpska, est accusé d’avoir voulu diviser la Bosnie et « chasser à jamais musulmans et Croates des territoires revendiqués par les Serbes de Bosnie ».
Psychiatre de formation, il est notamment accusé de génocide pour le massacre de près de 8 000 hommes et garçons musulmans à Srebrenica en juillet 1995, le pire à avoir été commis en Europe depuis la seconde guerre mondiale. Selon l’accusation, ce massacre s’inscrivait dans le cadre du « nettoyage ethnique » planifié par Radovan Karadzic avec le général Ratko Mladic et Slobodan Milosevic à l’issue du démantèlement de la Yougoslavie.
Il est, par ailleurs, accusé de génocide dans plusieurs autres municipalités de Bosnie mais doit aussi répondre de persécutions, meurtres, viols, traitements inhumains ou transferts forcés. L’accusation lui impute notamment la responsabilité du siège de Sarajevo, qui dura quarante-quatre mois et tua 10 000 personnes, et des camps de détention aux « conditions de vie inhumaines », selon l’accusation.
Autrefois fugitif le plus recherché du continent, Radovan Karadzic avait échappé à la justice internationale pendant près de treize ans, se cachant sous l’identité d’un spécialiste de médecine alternative, arborant une barbe blanche nourrie.
Arrêté en 2008, son procès s’ouvre en 2009 et se termine en 2014, après 497 jours d’audiences et 586 témoins. L’accusation a requis la prison à vie à l’encontre de Karadzic, qui reste pour beaucoup de Serbes un « héros » de la guerre en Bosnie.
Source: Le Monde