Pendant les années 1980, Israël a exporté des canons à eau pour le régime d’apartheid en Afrique du Sud.
Les règlements militaires d’Israël, parait-il... recommandent aux soldats de ne pas tirer des balles en métal recouvert de caoutchouc sur les femmes ou les enfants ou au-dessus du torse.
Mais depuis octobre 2015, huit enfants ont été visés à la tête ou au cou lors de manifestations.
Deux de ces adolescents ont perdu la vue.
Ahmad Sharaka, âgé de 14 ans et vivant dans le camp de réfugiés de Jalazone, a perdu la vie après qu’une balle en acier recouvert de caoutchouc l’ait frappé derrière son oreille gauche, provoquant une hémorragie cérébrale massive qui l’a tué dans l’heure qui a suivi sa blessure.
Des balles en acier et caoutchouc sont une sorte de soi-disant armes « moins mortelles, » que les forces d’occupation et la police israéliennes utilisent avec une fréquence croissante contre les manifestants et les passants palestiniens.
Des balles en mousse à pointe dure ou des balles en éponge, qui sont composées d’une base en aluminium et d’une excroissance de mousse dense, ont fait depuis 2014 un mort et des dizaines de blessés parmi les Palestiniens à Jérusalem-Est occupée et dans ce qui est aujourd’hui appelé Israël.
Ces soi-disant armes de contrôle de foule ont été fournies à la force de police d’Israël après que les balles en acier recouvert de caoutchouc ont été interdites d’utilisation à l’intérieur des territoires occupés par Israël suite à la recommandation de la Commission Or.
Maintenant, leur utilisation est à la hausse.
La Commission Or était un organisme nommé par le gouvernement israélien, réuni pour examiner l’utilisation de la force contre les manifestants après que 13 citoyens palestiniens ont été assassinés par balles lors de manifestations en octobre 2000.
Le rapport publié en 2003 n’a trouvé aucune justification pour la police de tirer des balles réelles ou recouvertes de caoutchouc sur les manifestants.
Mais aucun des officiers israéliens ou de leurs responsables n’a jamais été traduit en justice pour ces meurtres.
Pendant ce temps, des balles enrobées de caoutchouc continuent d’être utilisées librement contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée.
Selon les statistiques obtenues par l’Association des droits civils en Israël - ACRI - après une requête d’accès à l’information, la police israélienne a tiré un total de 57 000 balles de mousse à bout renforcé dans les deux dernières années : 22 000 en 2015 et 35 000 en 2014.
Ces taux marquent une intensification stupéfiante par rapport aux années précédentes, et ont de façon tout à fait prévisible provoqué une forte hausse des blessures, tel que documenté par l’ACRI.
En outre, en 2014, des balles en mousse à pointe noire ont remplacé la variété bleue réputée moins brutale, après que la police se soit plainte que cette dernière n’était pas assez « efficace ».
Lors d’un rassemblement dans ce qui se nomme Israël aujourd’hui, en octobre 2010, la député [à la Knesset] Haneen Zoabi a été frappée avec des armes qui plus tard se sont avérées être des balles en mousse à bout bleu, à un moment où leur utilisation était encore relativement nouvelle.
Elles ont causé une sensation de brûlure intense et des zébrures sur son corps qui ont persisté pendant des jours.
Les nouvelles balles éponge à pointe noire causent encore de plus graves blessures, voire la mort, selon l’ACRI.
En août 2014, la police a tiré une balle en mousse à pointe noire à la tête de Muhammed Sinokrot, âgé de 15 ans, et il est mort de ses blessures quelques jours plus tard.
Muhammad a été frappé alors qu’il circulait dans un marché pour acheter du pain pour sa famille.
Depuis lors, l’ACRI a recensé 30 personnes qui ont subi des blessures importantes à cause des balles en mousse à pointe noire.
Dans cette liste se trouvent Abdul Rahman Abu Ghali, âgé de 5 ans, de Issawiya dans Jérusalem Est occupée, qui a été frappé à l’aine, et les deux enfants Muhammad Obeid et Yahiyah al-Amudi, de 6 et 10 ans, qui ont perdu chacun un œil.
L’ACRI a documenté un total de 15 personnes qui ont perdu un œil à cause de ces balles « moins mortelles », dont six étaient des mineurs.
En janvier 2016, Ahmad Abu Hummus, âgé de 12 ans et également originaire de Issawiya, a subi de graves dommages au cerveau après qu’une balle en mousse à pointe l’ait frappé à la tête.
Après être resté insensible pendant des jours, Ahmad a maintenant retrouvé l’usage de la parole, a déclaré son père au journal Haaretz de Tel-Aviv, mais il a toujours des difficultés à marcher.
« L’utilisation largement abusive des armes de contrôle des foules contre les enfants doit cesser immédiatement », a déclaré dans un récent communiqué de presse Ayed Abu Eqtaish, le directeur de Defense for Children International – Palestine.
« Les soldats israéliens qui visent, avec des armes de contrôle de la foule, des enfants à la tête et dans le haut du corps, et à courte portée, doivent être tenus responsables de leurs actions, » a jouté Abu Eqtaish.
Anne Suciu, une avocate auprès de l’ACRI, a déclaré dans +972 Magazine que ces balles ne sont pas supposées être des armes de contrôle des foules.
« Mais nous voyons encore et encore qu’elles sont tirées au hasard dans la foule, et c’est ainsi qu’elles continuent à frapper les gens qui n'ont rien à voir avec les manifestations », a déclaré Suciu.
Une croissance mondiale
La prolifération des « armes de contrôle des foules » est aussi un phénomène dans le monde entier, alors qu’une vague de protestations populaires s’affronte à des forces de police militarisées.
Et pourtant, il existe un écart manifeste entre la prévalence de ces armes et les conventions et règlements internationaux concernant leur utilisation.
Ce mois-ci, les organisations International Network of Civil Liberties Organizations (INCLO) and Physicians for Human Rights (PHR) ont publié un rapport intitulé « Lethal in Disguise, » détaillant les dangers et la prévalence des diverses soi-disant « armes moins mortelles » qui sont utilisées principalement pour disperser des manifestations.
« Comme les [armes de contrôle des foules] sont de plus en plus bon marché, les unités d’application de la loi et les gouvernements exigent toujours plus de munitions, élargissant le marché, » indique le rapport.
Alors que traditionnellement les fabricants de ces armes étaient basés aux États-Unis, en Israël, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, aujourd’hui plus de 50 pays produisent leurs propres versions de ces armes. Cette prolifération a entraîné une nette baisse des coûts.
Suciu de l’ACRI a expliqué que les armes utilisées par Israël sont uniquement testées par les entreprises privées qui les fabriquent. Lorsque l’ACRI a demandé quelles étaient les règles pour l’utilisation des balles en éponge à pointe noire, la police a renvoyé des documents en grande partie retouchés.
« Ils disent que cela pourrait causer un préjudice commercial au fabricant, ce qui est incompréhensible, » a-t-elle dit à +972 Magazine.
Israël occupe une place importante dans le rapport « Lethal in Disguise », car son armée et sa police utilisent plusieurs types d’armes de contrôle des foules, y compris les irritants chimiques (gaz lacrymogène), « des projectiles d’impact cinétique » (des balles en mousse à pointe ou en acier recouvert de caoutchouc), des canons à eau et des « dispositifs de désorientation », telles que des grenades assourdissantes et des armes acoustiques.
Des balles en acier recouvertes de caoutchouc sont la forme la plus courante de projectiles à « impact cinétique ».
Ces armes ont d’abord été mises au point par les autorités coloniales britanniques contre leurs populations asservies en Asie, d’abord à Singapour et plus tard à Hong Kong et en Malaisie.
Plus tard, les Britanniques ont utilisé des balles en bois et en caoutchouc contre les gens en Irlande du Nord, ouvrant la voie aux États-Unis pour les utiliser contre les manifestants opposés à la guerre du Vietnam, causant la mort d’une personne.
Selon l’analyse de la partie médicale du rapport, 70% des blessures documentées de projectiles à impact cinétique sont graves, et 15% d’entre elles produisent une incapacité permanente.
Selon le rapport, les premiers canons à eau utilisés pour le contrôle des foules ont été développés par l’Allemagne dans les années 1930.
Pendant les années 1980, Israël a exporté des canons à eau pour le régime d’apartheid en Afrique du Sud.
Aujourd’hui, Israël est l’un des utilisateurs les plus innovants de l’arme. Israël a inventé le « skunk », qui pulvérise de l’eau putride sur les manifestants avec un puissant jet, rendant fortement nauséabond tout ce qu’il touche et ceci pendant des jours.
Israël pulvérise de façon indiscriminée le « skunk » dans les maisons palestiniennes.
Israël essaie maintenant de commercialiser cette [immonde saleté] dans le monde entier, y compris pour les forces de police aux États-Unis, vantant le fait que c’est « testé sur le terrain. »
« Israël est un exemple extrême de l’utilisation d’armes de contrôle des foules », a expliqué Suciu de l’IARC. « Non seulement en raison de la quantité d’armes qui sont utilisées, de quand elles sont utilisés, et qui tuent encore et encore, mais aussi du fait qu’il n’y a pas le droit de protester en Cisjordanie. »
Aucune responsabilité
L’Organisation des Nations Unies a recensé au moins 2177 enfants palestiniens en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, qui ont subi des blessures entre octobre 2015 et janvier 2016, suite à l’utilisation par Israël d’armes ou de munitions de contrôle des foules en direct.
Au début de ce mois-ci, on compte que plus de 40 enfants ont été tués depuis octobre dernier, dont quatre ont été abattus au cours de manifestations.
Selon Haaretz, le ministère de la Justice d’Israël a ouvert 15 plaintes pour blessures, mais aucune mise en accusation n’a suivi.
Aucune décision n’a été prise suite à la mort de Muhammad Sinokrot ou suite à la blessure grave d’Ahmad Abu Hummus.
Avec Info-Palestine