Désormais, tout le peuple yéménite est soudée par la haine contre l’Arabie saoudite, pour plusieurs générations.
Pour marquer le premier anniversaire de l’intervention de l’Arabie Saoudite au Yémen, des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblé à Sanaa, la capitale qui reste aux mains des rebelles Houthis.
Ce n’étaient pas des citoyens reconnaissants, remerciant Riyad de ses tentatives de les libérer de « rebelles soutenus par l’Iran », mais des défenseurs de l’ex-Président Saleh qui s’est allié avec les rebelles. Saleh a fait une rare apparition personnelle et il a été salué par la foule. Il a saisi cette occasion pour tendre une branche d’olivier à la coalition dirigée par les Saoudiens.
Les manifestations et le discours de Saleh, ont été largement couverts par la télévision yéménite. Il faut noter que le Président « légitime », Abd-Rabbu Mansour Hadi – qui a dû s’enfuir en exil quand les rebelles ont pris Sanaa en septembre 2014 – n’a trouvé aucun écran de télévision pour y faire une apparition. La seule plate-forme que Hadi a pu trouver depuis la chambre de son hôtel à Riyad était sa page personnelle Facebook…
Il y a eu une grande fanfare à Riyad quand l’invasion (Opération Tempête Décisive, nom de code attribué) a été lancée. Elle se voulait une preuve que la politique saoudienne sous l’impulsion du Roi Salman prendrait une direction plus agressive, utilisant la force pour s’occuper de ceux qui oseraient provoquer le Royaume, et aussi pour donner un coup d’arrêt à l’expansion de l’influence iranienne dans la région.
Un an après, cependant, il semble que la plus grande réussite de la dite Tempête Saoudienne – pour autant que nous le montrent nos amis et les citoyens yéménites – est d’avoir augmenté considérablement la haine éprouvée par la grande majorité des Yéménites à l’égard de leur voisin du nord.
Il n’est plus question que de vengeance et de représailles contre Riyad, et cette humeur vindicative est susceptible de déterminer l’attitude des Yéménites pour au moins les trois générations à venir.
J’ai un ami Yéménite ici à Londres, pour qui j’ai le plus grand respect et la plus grande admiration. Il est connu pour sa sagesse et son opposition forte au Président Ali Abdullah Saleh aussi bien qu’aux rebelles Houthis. Il m’a affirmé qu’un grand nombre de Yéménites qui avaient trouvé refuge en Arabie Saoudite, y compris des ministres dans le gouvernement de Hadi, lui avaient à présent demandé de les aider à obtenir l’asile politique en Europe, ayant entièrement perdu l’espoir de retourner un jour dans leur pays.
Ils ont perdu toute confiance dans leur « sponsor » saoudien, et pensent que cette guerre ne peut être gagnée. Ils estiment que les Saoudiens recherchent à présent et désespérément n’importe quelle solution qui leur permettrait de se dégager de cette intervention coûteuse.
Nous ne croyons pas que la coalition menée par l’Arabie Saoudite avancera vers Sanaa, ayant vu ces foules énormes et sans précédent de Yéménites protester contre l’agression dont ils sont les victimes. Nous pensons plutôt que nous verrons un arrêt, ou au moins une diminution des bombardements sur les marchés, les hôpitaux et les fêtes de mariages, et la suspension des meurtres de tous ces déshérités, sans défense et foulés au pied.
Des négociations secrètes sont en cours depuis quelques semaines entre les officiels saoudiens et leurs homologues Houthis. Une des premières conséquences est une diminution des tensions à la frontière et un échange des prisonniers. Ceci peut représenter les premières étapes de la fin de l’intervention saoudienne, qui devrait plutôt être baptisée «Opération Tempête Indécise ».
Quelques frères saoudiens ont ri de l’échange de prisonnier, relevant que 9 prisonniers saoudiens ont été échangés contre 108 Yéménites. Ils oublient, cependant, que leurs adversaires yéménites n’ont pas jeté par les fenêtres 200 milliards de dollars en achat d’avions, de missiles et d’équipement militaire de pointe. Je leur souhaite de montrer un peu plus d’humilité.
Le peuple yéménite, dans toutes ses composantes politiques et tribales, veut la fin de cette guerre. Il ne veut pas que son pays devienne une nouvelle Libye ou nouvelle Somalie. (…)
Par Abdel Bari Atwan : rédacteur en chef du journal numérique Rai Alyoum . Auteur de l’ouvrage « L’histoire secrète d’Al-Qaïda », de ses mémoires, « A Country of Words », et du livre « Al-Qaïda : la nouvelle génération ».
Source : traduit par Info-Palestine.eu