La priorité de la Maison-Blanche au sommet nucléaire était la Chine.
Le président américain Barack Obama a conclu le 1er avril le Sommet sur la sécurité nucléaire à Washington, auquel participaient plus de 50 pays, par une terne déclaration mettant en avant ce que sa présidence avait prétendument réalisé pour réduire la propagation des armes nucléaires. En réalité l’administration Obama a fortement accru le danger de l’utilisation d’armes nucléaires.
Le sommet s’est tenu sous la bannière de la « guerre contre le terrorisme » dans le but, suppose-t-on, d’inciter à la collaboration internationale pour empêcher qu’Al-Qaïda ou l’État islamique (EI) n’aient accès à des armes nucléaires. « Il ne fait aucun doute que si jamais ces fous mettent la main sur une bombe nucléaire ou sur des matières nucléaires, ils les utiliseraient certainement pour tuer autant de gens innocents que possible », a déclaré Obama.
Le plus grand danger pour l’humanité n’est cependant pas que l’EI ou Al-Qaïda se procure et utilise des armes nucléaires, mais plutôt que les fous de la Maison-Blanche aient, de facon irresponsable, mis le feu à des poudrières au Moyen-Orient, en Europe de l’Est et en Asie, préparant le terrain à un conflit catastrophique entre puissances possédant l’arme nucléaire.
Les relations entre Washington et Moscou sont tellement hostiles que le président russe Vladimir Poutine a refusé de participer au sommet. À la veille du sommet, l’armée américaine a annoncé qu’à partir de février 2017 elle prévoyait de maintenir une « présence permanente » de trois brigades blindées dans les pays de l’OTAN ayant une frontière avec la Russie.
Au Moyen-Orient, sous le prétexte de combattre l’EI, les États-Unis et leurs alliés sont engagés dans une confrontation dangereuse avec la Russie pour évincer le régime syrien du président Bachar al-Assad, allié de Moscou. Le potentiel d’un affrontement militaire a été mis en évidence en novembre dernier lorsque la Turquie, membre de l’OTAN, a abattu un avion russe qui aurait pénétré brièvement dans son espace aérien, une provocation sans aucun doute sanctionnée par Washington.
L’absence de la Russie au sommet souligne son caractère frauduleux. Les États-Unis et la Russie détiennent ensemble 90 pour cent des bombes nucléaires du monde — un énorme arsenal d’environ 10.000 ogives en service — ce qui transforme « la vision » d’Obama « d’un monde sans armes nucléaires » en mascarade. Le but de la politique de « non-prolifération » de Washington n’est pas de débarrasser le monde des bombes nucléaires, mais d’assurer que les États-Unis conservent leur position dominante sur tout rival potentiel, y compris la Russie.
La priorité de la Maison-Blanche au sommet nucléaire était la Chine. Quand Obama a rencontré son homologue chinois Xi Jinping en marge du sommet le jeudi 31 mars, les tensions étaient palpables. Dans un commentaire paru dans le Washington Post le jour précédent, le président américain avait signalé les « provocations continues de la Corée du Nord » comme « du travail inachevé ». Alors que la Chine et les États-Unis sont convenus de la dénucléarisation de la péninsule coréenne, Xi était « fermement opposé » aux plans du Pentagone de déployer un système « Terminal High Altitude Area Défense » (THAAD) en Corée du Sud.
Depuis son arrivée au pouvoir, Obama a entravé toute reprise des pourparlers à six pour éliminer les armes et les installations de la Corée du Nord. Au lieu de cela, il a de façon répétée exploité les crises dans la péninsule coréenne pour justifier le renforcement militaire américain en Corée du Sud et au Japon dans le cadre de son « pivot vers l’Asie » dirigé contre la Chine.
En dépit de l’assurance du contraire par les États-Unis, le système de missiles antibalistiques est principalement dirigé contre la Chine et non la Corée du Nord. Si le battement de tambour permanent en provenance de Washington concerne la « menace » de l’expansion militaire chinoise, les États-Unis ont une supériorité écrasante dans la sophistication et la taille de l’arsenal nucléaire — quelque 5.000 ogives en service, contre 260 environ pour la Chine.
De plus, le système THAAD, promu comme une arme défensive, fait partie des efforts du Pentagone pour atteindre la « primauté nucléaire » sur tout rival. Contrairement à la Chine, les États-Unis n’ont jamais exclu une première frappe nucléaire. Les systèmes THAAD doivent garantir que toutes les armes chinoises non détruites dans une attaque nucléaire américaine préventive puissent être abattues avant d’atteindre des cibles américaines.
Xi et Obama ont également échangé des coups diplomatiques sur la mer de Chine méridionale. Avant la rencontre, les responsables américains avaient de nouveau accusé la Chine de « militariser » des îlots sous son contrôle et mis en garde contre toute déclaration d’une Zone d’identification de défense aérienne (ADIZ). Mercredi 30 mars, le secrétaire adjoint à la Défense Richard Work avait stigmatisé une ADIZ comme « déstabilisante », disant que les États-Unis ne la reconnaitraient pas. En 2012, le Pentagone avait fait voler des bombardiers B-52 à capacité nucléaire au dessus de la mer de Chine orientale après que Beijing eut annoncé une ADIZ dans cette région.
L’instabilité croissante en mer de Chine méridionale est la conséquence directe des actions de Washington qui a encouragé des pays comme les Philippines et le Vietnam à être agressifs dans leurs revendications maritimes face à la Chine. Au cours de l’année écoulée, les États-Unis ont condamné à plusieurs reprises la bonification de terres et « l’expansionnisme » chinois en mer de Chine méridionale. À deux occasions, en octobre dernier puis en janvier, les États-Unis ont dépêché des destroyers pour y mener des opérations de « liberté de navigation » au-delà de la limite territoriale de 12 milles marins autour des îlots administrés par la Chine.
Selon le New York Times, Obama a de nouveau pressé Xi le 31 mars « sur la construction par la Chine d’installations militaires en mer de Chine méridionale. » Répondant à Obama, Xi a dit qu’il espérait que Washington respecterait « strictement » son engagement de ne pas prendre position sur les différends territoriaux et « adopterait une attitude objective et impartiale ». Selon Xinhua, l’agence de presse chinoise, Xi a averti que Pékin n’accepterait pas de violations de sa souveraineté au nom de la « liberté de navigation ».
Cette semaine, le New York Times a fourni un autre exemple de propagande voulant passer pour du journalisme, avec les comptes-rendus d’un journaliste embarqué sur un croiseur de l’US Navy en mer de Chine méridionale. Les reportages sur place précisaient que des rencontres militaires américaines avec des forces chinoises sont maintenant routine en mer de Chine méridionale. Chacune de ces rencontres pose le risque d’une erreur de calcul conduisant à un affrontement armé et un conflit plus étendu.
Un article du New York Times du 31 mars, intitulé « patrouillant les eaux contestées, les États-Unis et la Chine se disputent la domination », rapportait une conversation entendue il y a deux semaines entre les chefs d’état-major, le général Joseph Dunford et l’amiral Harry Harris, chef du Commandement US du Pacifique. « Iriez-vous en guerre sur la question des Scarborough Shoals [récifs revendiqués par la Chine et les Philippines]? » demanda Dunford. On n’avait pas entendu la réponse.
Que cette réponse fût oui ou non, le fait que deux des plus hauts commandants de l’armée américaine discutaient avec désinvolture d’une guerre avec la Chine est en soi révélateur. De plus, il y a une logique inhérente à l’escalade par Washington des tensions en Asie. Si les États-Unis refusent de soutenir les Philippines sur les Scarborough Shoals ou le Japon sur les îlots contestés Senkaku/Diaoyu, ou la Corée du Sud dans un incident avec la Corée du Nord, le réseau tout entier des alliances américaines en Asie et dans le monde serait remis en question.
C’est cette dynamique sous-jacente qui, malgré la posture prise par Obama au Sommet sur la sécurité nucléaire, comporte le danger très réel d’une guerre nucléaire.
Source: Mondialisation