Une position qui a provoqué une vive polémique.
Depuis des années, les milieux politiques et culturels libanais réclament le remaniement des cursus pédagogiques, vieux de 19 ans et renforçant les sentiments confessionnels au détriment des valeurs patriotiques.
Et voilà que le centre pédagogique pour les recherches et le développement, une institution publique, a enfin mis en œuvre des ateliers de travail pour cette fin. Mais à la grande surprise de tous, certains "pédagogues" ont refusé d'inclure dans le nouveau cursus l'expression "l'animosité pour l'ennemi israélien brutal". Une position qui a suscité une vive polémique et perturbé le bon déroulement de ces ateliers.
Au cours d'une séance tenue la semaine dernière, des enseignements de la langue arabe, représentant une union confessionnelle d'écoles privées, ont tenté de justifier leur position, comme quoi "nous ne voulons pas inclure de concepts politiques dans la pédagogie", comme si la pédagogie n'était pas soumise de facto aux conditions socio-politiques d'une société quelconque!
Ceux-ci ont également prétendu qu'ils ne veulent pas "inculquer aux élèves l'animosité et la haine", même s'il s'agissait d'un ennemi usurpateur qui occupe nos terres et convoite nos ressources!
D'autres pédagogues se sont ralliés à cette position, et ont vu dans la confirmation de l'animosité envers Israël une "exagération qui laisse supposer que certains libanais ne considèrent pas Israël comme un ennemi".
Mais la position la plus étonnante fut celle qui a prôné d'énumérer les autres ennemis du Liban, puisqu'il en existe plusieurs.
"Pourquoi ne mentionner qu'Israël, alors que les Ottomans, le régime syrien, Daech, et autres sont aussi des ennemis?", ont-ils avancé. Ils ont ainsi allongé la liste des ennemis et les ont placés tous au même titre d'égalité, pour en conclure qu'Israël est similaire à la Syrie et aux Palestiniens!
Le journal libanais al-Akhbar a contacté certains enseignants "neutres" participant à ladite séance, et qui ont décidé d'amadouer le groupe des pédagogues révoltés.
"Ce n'est pas le temps de provoquer une polémique, et ce n'est pas nécessaire de mentionner cette expression dans les objectifs essentiels. On peut l'évoquer lors de la rédaction de livres", ont-ils défendu.
A ce propos, le professeur universitaire en sociologie Talal Atrissi s'exprime sur l'affaire. "Chercher à former la personnalité d'un apprenant ne peut passer outre la formation d'un citoyen qui résiste à tout occupant de sa patrie. Inculquer les valeurs de la tolérance et de la paix s'applique sur la société intérieure du pays et ne concerne aucunement l'ennemi qu'on doit affronter dans les cursus pédagogiques et dans les combats. Même aux Etats-Unis, le traitement avec l'ennemi est clair".
Le professeur Atrissi avance qu'il faut prendre en compte "un équilibre psychologique interne dans la construction de la personnalité de l'apprenant, par exemple: celui qui agresse doit être puni".
Un autre professeur universitaire en sciences politiques, Nassim Khouri, appelle à "combattre cet affront politique inadmissible. Il ne s'agit pas d'une blague, surtout que la division historique demeure une problématique patriotique, nationale et religieuse".
Et de poursuivre qu'à ce jour en France, la rédaction d'un cours d'histoire sur la Guerre Mondiale est une question hautement sensible.
Selon lui, les pédagogues libanais "doivent non seulement s'accorder sur l'animosité envers Israël, mais sur la résistance contre l'ennemi sioniste, un fait inouï dans toute l'histoire arabe. Il ne faut pas avoir honte en mentionnant la résistance".
Abdallah Najm, enseignant et membre de la ligue des professeurs des lycées publics, tire la sonnette d'alarme à cet effet. "Cette polémique signifie que nous allons continuer à former une génération sans identité, comme ce fut le cas par le passé, lorsque les cursus étaient rédigés aléatoirement, sans tenir compte des besoins sociaux et pédagogiques".
La directrice du centre pédagogique pour les recherches et le développement Nada Oweijane a indiqué que le centre n'a adopté aucune position débattue pour l'instant.
Et de confirmer que "la lutte contre les défis et les dangers externes est une question délicate qui s'inscrira certes dans les objectifs proposés. L'apprenant doit être capable de distinguer l'ami de l'ennemi pour savoir quelles sont les caractéristiques de l'ennemi et comment dissuader toute agression contre la patrie".
Interrogée si Israël sera nommément mentionné en tant qu'ennemi du Liban, elle a répondu: "Actuellement, Israël est un ennemi. Nous ne connaissons pas ce qui adviendra dans 5 ou 10 ans. Mais s'il s'avère nécessaire de le mentionner dans la liste des objectifs, au service de l'intérêt général, nous le ferons certes".
Traduit du site al-Akhbar