A Gaza, le cancer du sein tue plus de femmes que tout autre cancer, rapportait en 2011 un document de la Harvard Medical School.
Les députés britanniques utilisent communément les vacances parlementaires pour rattraper leur retard de paperasserie, mais Philippa Whitford a préféré faire plus de 3.000 km pour opérer des femmes atteintes du cancer du sein dans les Territoires palestiniens.
Spécialiste du cancer du sein avant d'entrer au Parlement en 2015 comme élue d'une circonscription du sud-ouest de l'Ecosse, elle a pratiqué quatre opérations lourdes la semaine passée en Cisjordanie occupée.
L'une des femmes qu'elle a opérées était atteinte d'un cancer "à un stade très avancé", relate la chirurgienne de 57 ans. "L'opération a été difficile, nous savions que ce serait le cas", déclare-t-elle, ajoutant que les premiers résultats indiquaient que l'intervention avait été un succès.
Philippa Whitford s'est ensuite rendue dans la bande de Gaza pour dispenser ses conseils dans les hôpitaux de cet autre territoire palestinien, séparé géographiquement de la Cisjordanie par Israël. Elle y a rencontré des journalistes de l'AFP.
Ce membre du Parti national écossais (SNP, gauche) dit se sentir obligée d'offrir son aide devant les carences de la lutte contre le cancer dans les Territoires palestiniens, qui manque de ressources, d'organisation et souffre des restrictions israéliennes selon elle.
A Gaza surtout, la médecine, comme toute une population entassée sur un territoire exigu et hermétiquement clos, pâtit du conflit entre Israël et le Hamas. Israël et le mouvement islamiste qui refuse de le reconnaître et de renoncer à la lutte armée se sont livré trois guerres depuis 2008 et s'accusent mutuellement des malheurs gazaouis.
Israël, au nom de sa sécurité, impose un rigoureux blocus au territoire depuis 2006.
Pénuries fréquentes
A Gaza, le cancer du sein tue plus de femmes que tout autre cancer, rapportait en 2011 un document de la Harvard Medical School.
Les taux de rechute y seraient deux fois plus élevés qu'au Royaume-Uni, souligne Philippa Whitford. Les chirurgiens gazaouis ont tendance à retirer la totalité d'un sein atteint, faute de formation ou d'équipement, quand leurs collègues britanniques ne procéderaient qu'à une ablation partielle, dit-elle.
Les pénuries de médicaments sont fréquentes, l'accès à la radiothérapie limité.
Israël se targue d'accueillir des Palestiniens de Gaza ou de Cisjordanie occupée dans ses hôpitaux à titre humanitaire. Plus de 120.000 Palestiniens, principalement de Cisjordanie, sont entrés en Israël en 2015 pour se faire soigner, selon les autorités israéliennes.
Mais sans parler de l'éloignement, les Palestiniens soulignent la difficulté d'obtenir des autorisations, le caractère aléatoire de l'ouverture de la frontière et le coût financier que certains ne peuvent supporter.
Quant aux matériels et produits médicaux, "on n'a jamais aucune garantie de faire entrer quoi que ce soit à Gaza. Vous ne pouvez jamais dire: +On va livrer tel produit tous les mois et on le stockera à l'hôpital+. Du coup, on est tout le temps à court de tout", regrette Mme Whitford.
Retour aux sources
Aucune délégation de députés britanniques n'a reçu d'Israël la permission d'entrer à Gaza depuis 2009. Philippa Whitford a contourné l'obstacle en demandant son permis en tant que praticienne.
Il s'agit d'un retour aux sources pour la députée, qui avait travaillé comme chirurgienne à Gaza pendant 18 mois au début des années 1990 avec l'organisation britannique Medical Aid for the Palestinians. Refaire ce voyage, c'était comme "revenir à la maison", dit-elle.
A l'époque, le cancer du sein tuait en silence parce qu'il était tabou dans une société réputée conservatrice. "Quand je suis arrivée en 1991, les médecins me disaient qu'il n'y avait pas de cancer du sein ici", se souvient-elle.
"Quand les gens se sont rendu compte qu'il y avait une femme chirurgien ici, ils ont commencé à venir me voir et j'ai compris qu'il y avait en fait beaucoup de cancers du sein".
Le SNP, dont elle est la porte-parole pour les Affaires de santé, reproche au gouvernement britannique son manque de fermeté vis-à-vis d'Israël et la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, considérée comme illégale par la communauté internationale.
La Cisjordanie occupée "est gangrénée" par les colonies, affirme Philippa Whitford. "Chaque fois que je reviens, les colonies sont plus grandes et plus proches des villes palestiniennes."
"Nous devons dire: +Nous ne voulons rien avoir à faire avec les colonies, nous refusons que des sociétés britanniques fassent des affaires avec les colonies+", proclame-t-elle.