La tempête boursière ébranle nombre de fleurons français, ramenant leur valeur bien en dessous de celle de leur patrimoine.
La tempête boursière ébranle nombre de fleurons français, ramenant leur valeur bien en dessous de celle de leur patrimoine: Air France ne vaut que quelques avions, Accor un peu plus de la moitié de ses hôtels, laissant ces entreprises à la merci de possibles prédateurs.
Cette grande braderie provoque l'incompréhension dans les états-majors, où on assiste impuissant au massacre depuis le début de l'année.
"On ne comprend pas vraiment. On n'a pas pourtant pas lancé d'avertissement sur résultats", déplore-t-on chez Accor.
Le groupe ne pèse plus que 5,2 milliards d'euros en Bourse (-31,34% depuis janvier), alors que ses 4.200 hôtels, exploités sous les enseignes Sofitel, Novotel ou Ibis, sont évalués par le groupe à 8,67 milliards d'euros.
Sur les quarante sociétés composant l'indice vedette de la place financière parisienne, seules quatre ont encore les faveurs des investisseurs - le groupe pharmaceutique Sanofi, l'équipementier télécom et réseaux Alcatel-Lucent, la société des verres et équipements ophtalmiques Essilor et EADS, maison mère de l'avionneur Airbus.
Pour le reste, défiance et méfiance sont les mots d'ordre.
L'action du numéro un mondial de l'acier ArcelorMittal a été divisée par plus de deux. Il ne pèse plus que 21 milliards d'euros en Bourse, alors que son actif net est évalué à 44 milliards d'euros.
En d'autres termes, si le groupe devait être liquidé et toutes ses possessions vendues à l'encan, il resterait en caisse 44 milliards d'euros après remboursement de l'intégralité de ses dettes.
A l'aune de ce critère, les grandes banques françaises valent désormais moins de la moitié de leurs fonds propres.
Carrefour, premier employeur privé de France, a vu sa capitalisation chuter de 46% depuis le début de l'année à 11,3 milliards d'euros, alors qu'il dispose près de 4.700 magasins (franchises comprises) rien qu'en France.
Chez EDF, c'est la consternation. Le titre a perdu plus de 35% depuis janvier et l'électricien public ne vaut plus que 37 milliards en Bourse, alors que le coût de construction d'un réacteur nucléaire --il en possède 58!-- est estimé autour de 3 milliards d'euros par les spécialistes.
Air France-KLM, dont le cours s'est effondré de 54%, ne vaut plus que 1,9 milliard d'euros en Bourse, soit seulement le prix catalogue de neuf A350, alors que le groupe exploite une flotte de 593 avions.
"La baisse du titre reflète une anticipation (des marchés) d'une baisse de la croissance en 2012", souscrit une porte-parole de Renault, dont l'action a fondu de 42% depuis le début de l'année. Mais "ça ne se traduit pas dans l'activité quotidienne de Renault", souligne-t-elle.
Le constructeur automobile Renault est désormais valorisé 7,4 milliards d'euros en Bourse, alors que sa participation de 43% dans Nissan vaut à elle seule 11 milliards.
La pilule est encore plus amère pour le rival PSA Peugeot estimé à seulement 4,4 milliards, soit un peu plus de 100.000 unités de son modèle 807.
Cette liquidation de sociétés à l'activité reconnue relance le débat sur la déconnexion entre les marchés financiers et l'économie réelle.
"Le fait d'avoir un patrimoine ne signifie rien. Vous avez des entreprises avec de fortes capacités de production mais s'il y a le risque de ne plus avoir personne qui achète vos produits, vos usines valent zéro", tranche Philippe Dessertine, directeur de l'Institut de haute finance.
Devenues bon marché, ces sociétés peuvent faire l'objet d'OPA de la part de fonds spéculatifs qui disposent de gros trésors de guerre.
Mais pour Gunther Capelle-Blancard, directeur adjoint du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Paris), "il n'y a pas de risques de raids à court terme car tout porte à croire que ces sociétés vont devoir se restructurer".