Des garçons qui se sont échappés du groupe terroriste Al-Shabaab ont raconté que l’Agence nationale du renseignement et de la sécurité du pays (NISA) les avait utilisés comme "doigts pointeurs".
Des garçons qui se sont échappés du groupe terroriste Al-Shabaab et les personnes anciennement affilées déclarent que des agents de renseignement somaliens, pendant des années, les ont forcés à travailler comme informateurs.
Le groupe terroriste, qui a prêté allégeance à Al-Qaïda, est connu pour avoir kidnappé des écoliers et les avoir envoyé dans des camps d’entrainement afin de les utiliser plus tard comme combattants dans la guerre civile somalienne. Il s’avère que même ceux qui ont réussi à échapper aux terroristes n'ont pas retrouvé la sécurité dans leurs nouvelles vies.
Pendant des années, les enfants ont été gardés dans un centre de détention géré par le gouvernement à Mogadiscio et ont été utilisés dans des opérations de renseignement. Il a fallu attendre la fin 2015, après des efforts considérables déployés par l'Onu et des responsables des droits de l'homme, pour que les autorités somaliennes transfèrent les garçons vers un nouveau centre de réadaptation où ils ne sont plus accessibles aux agents de renseignement.
Dans un entretien au Washington Post, les garçons ont raconté que l'Agence nationale du renseignement et de la sécurité du pays (NISA) les avait utilisés comme "doigts pointeurs". Ils étaient envoyés dans des quartiers dangereux, où les terroristes d'Al-Shabaab se cachaient, et devaient désigner leurs anciens camarades. Dans la plupart des cas, leurs visages n’étaient pas couverts, bien que les agents aient caché les leurs.
"Ils m’ont pris parfois en voiture et parfois à pied, et m’ont demandé: +Dis-nous qui est (membre d’, ndlr) Al-Shabaab+. C'est effrayant parce que vous savez que tout le monde peut voir que vous travaillez avec eux", rappelle l’un des garçons.
Les enfants ont été utilisés lors d'autres missions pour recueillir des renseignements et parfois ils recevaient l’ordre de porter des uniformes du NISA. Selon les garçons, ils étaient menacés en cas de refus de coopérer, et leurs parents ne savaient pas où ils étaient.
"Peut-être pensaient-ils que nous étions jeunes, et c’est pour ça que nous serions plus faciles à manipuler", explique un garçon de 15 ans surnommé Iariso ("Nabot").
Enfants soldats en Afghanistan
Selon plusieurs anciens et actuels responsables des États-Unis, le gouvernement américain a soutenu pendant des années l'agence somalienne en termes de financement et de formation, bien que l’utilisation d'informateurs mineurs par cette dernière viole le droit international.
En 2008, le Congrès américain a adopté la Loi sur la prévention des enfants soldats (CSPA), visant à bloquer l'aide militaire aux pays qui "recrutent et utilisent des enfants soldats". Toutefois, malgré cette loi, les services secrets ont continué à soutenir l'armée somalienne qui a recruté des enfants chaque année.
En 2015, l'Unicef a enregistré plus de 300 cas d’utilisation d’enfants en tant que soldats par les forces somaliennes.
A son tour, le chef du renseignement somalien a réfuté les accusations en déclarant que certains mineurs, qui étaient détenus en garde à vue, s’étaient portés volontaires pour partir en missions afin de fournir "des informations importantes" qui ont aidé les agents à prévenir de futures attaques.
Bien que les détails des opérations de l’Agence centrale de renseignement (CIA) des Etats-Unis en Somalie ne soient pas divulgués, les responsables somaliens affirment que les deux organismes collaborent étroitement.
"Il n'y a rien que NISA fasse que la CIA ne connaît pas", a déclaré un haut fonctionnaire somalien à la condition de rester anonyme.
Un responsable de la sécurité en Somalie a confirmé que l'Agence nationale du renseignement et de la sécurité tenait encore des "centaines" d'enfants dans ses installations et les utilisait toujours à des fins de renseignement.