22-11-2024 10:44 AM Jerusalem Timing

Abdel Bari Atwane: C’est à présent un crime de critiquer Israël en Europe.

Abdel Bari Atwane: C’est à présent un crime de critiquer Israël en Europe.

Le lobby sioniste traque en Europe toute activité de soutien à la cause palestinienne et l’appose de l’étiquette d’antisémitisme.

Cela fait quarante ans que j’ai quitté ma patrie, la Palestine, et que j’ai émigré en Europe afin d’échapper à la répression, à la confiscation des libertés et aux injustices que nous infligeaient nos nouveaux voisins, les Israéliens.

Je voulais faire la connaissance de ces valeurs tant vantées de justice et de démocratie et aussi gagner correctement ma vie loin du système asservissant du clientélisme.

Je voulais également défier la logique et les arguments sionistes dans leur propre cour arrière.

Je dois dire, non sans amertume, que l’Europe a bien changé ces dernières années à moins que ce ne soit nous, les Arabes, qui ayons changé – et en pire – car nous sommes devenus des marionnettes et le danger nous guette de perdre le peu de crédibilité que nous avions encore en Occident.

Ces jours-ci, la Grande-Bretagne est la proie d’une féroce bataille entre les rares courageux défenseurs des droits bafoués des Arabes de Palestine, ceux qui contestent Israël à propos de ses massacres, exécutions sommaires et crimes de guerre et le lobby sioniste qui a une très grande influence sur la plupart des gouvernements occidentaux, dont le gouvernement britannique.

Les protestations actuelles sont le dernier produit d’une longue série de manifestations du terrorisme intellectuel et politique pratiqué par Israël.

La première chose qui fit l’effet d’une bombe fut la découverte, après plus de deux ans, d’un message posté sur facebook par Naz Shah, député travailliste musulman et sujet britannique, au cours de l’agression israélienne sur Gaza. Dans ce message, Naz Shah faisait remarquer que les États-Unis envoyaient des milliards de dollars par an pour aider Israël et, qu’en fait, on pouvait donc dire qu’ils finançaient la violence. Elle suggéra qu’Israël aille s’installer aux États-Unis où il serait « bienvenu et en sécurité », ce qui permettrait aux Palestiniens de « récupérer leur terre et leur vie ».

Elle ajouta qu’en plus cela ferait économiser beaucoup d’argent au contribuable américain.

Quand ce message fut porté à la connaissance de tous par le site web de droite « Guido Fawkes » (le rédacteur le désigne par l’expression « Thatcher droguée »), Naz Shah fut accusée d’antisémitisme et renvoyée du parti travailliste. Les journaux et le parti conservateur réclamèrent que le Parti Travailliste nettoie ses rangs de cet « antisémitisme endémique ».

Ensuite, ce fut Ken Livingstone, politicien de longue date et ex-maire de Londres, qui fut renvoyé du Parti Travailliste après qu’il eut pris la défense de Naz Shah sur un plateau de télévision. Il fit remarquer qu’il y avait une grande différence entre l’antisémitisme et l’antisionisme, celui-ci étant l’opposition aux politiques sionistes qui défendent la persécution et l’expulsion des Palestiniens. Il ajouta qu’il n’avait jamais entendu personne tenir des propos antisémites au sein du Parti Travailliste. Il dit aussi ceci : « Quand Hitler gagna les élections en 1932, sa politique était alors de déporter les Juifs en Israël. Il soutenait le sionisme juste avant de devenir fou et de tuer six millions de Juifs. » Ces propos amenèrent John Mann, député travailliste, à traiter Ken Livingstone « d’apologiste nazi. »

Le lobby sioniste a lancé une campagne vigoureuse contre les prêcheurs et les intellectuels islamiques et a réussi à leur faire interdire- ainsi qu’à de nombreux hommes politiques arabes- l’entrée de la Grande Bretagne et de la plupart des pays européens ainsi que des États-Unis, « la terre de la liberté ».

Les actions de ce puissant groupe ne rencontrent aucune résistance de la part des Arabes ni de leurs gouvernements dont la plupart considèrent aujourd’hui Israël non seulement comme un ami mais comme un allié d’un nouveau nationalisme sunnite. Il y a aujourd’hui des vols réguliers entre Israël et les pays du Golfe où Israël a ouvert des ambassades. De plus, Israël est en étroite relation avec eux pour les questions militaires et sécuritaires ainsi que dans le domaine des affaires.

Une grande partie du succès du lobby sioniste est due au travail d’une armée d’activistes électroniques qui ratissent Internet en quête de toute critique portée contre Israël. Toute critique est aussitôt contrée par des commentaires hargneux et insultants et se voit apposée l’étiquette « d’antisémitisme ». Benjamin Netanyahu alloue à cette brigade un budget annuel de 750 millions dollars. Tout ce qu’elle trouve est aussi utilisé pour persécuter toutes les personnes qui défient Israël et les empêcher de parler ou d’écrire dans les journaux. Je fais partie de celles-ci, moi qui vous souhaite longue vie, bonheur et santé.

Avant-hier, le président de la Fédération des Sociétés d’institutions palestiniennes en France m’a envoyé un message pour me dire que l’anniversaire de la Nakba qui devait se tenir à Paris et au cours duquel je devais prendre la parole venait d’être annulé parce que des organisations sionistes ont proféré des menaces, notamment de violences physiques sur les participants.
Les services de sécurité ne veulent pas assurer la protection de cet anniversaire du fait de « l’état d’urgence » qui est en vigueur depuis les horribles attentats de novembre 2015 dans la capitale française.

Il y a deux semaines, des groupes sionistes ont réussi à faire annuler un autre événement palestinien : un discours de Leila Khaled, militante de la cause palestinienne, qualifiée de terroriste.

Il y a trois semaines, j’étais invité en Allemagne à une célébration du Jour de la Terre organisée par un ensemble des groupes palestiniens comprenant des docteurs et des étudiants. Une fois de plus, des activistes sionistes ont réussi à faire annuler les réservations dans la salle où devait se tenir la célébration. Mais les personnes qui organisaient le concert ont trouvé un autre endroit et n’ont pas plié devant les services de sécurité allemands qui les avaient avertis qu’ils ne pourraient pas garantir leur sécurité.

On pourrait se demander : pourquoi n’y a-t-il aucune protestation de la part des gouvernements et des ambassades arabes et palestiniens ?

Quand on voit que le président palestinien pleure- non pas pour des milliers d’enfants palestiniens mais pour quelques victimes israéliennes- qu’il envoie Saeb Erekat dans des camps de jeunes israéliens, qu’il se félicite de sa coordination sécuritaire avec Israël et qu’il transforme les ambassades palestiniennes à l’étranger en maisons de retraite, on se dit que ce n’est pas surprenant que le lobby sioniste ne rencontre aucune opposition en Europe.

Il y a, par contre, de nombreux jeunes arabes et européens qui ne cèdent pas face à l’occupation raciste israélienne, son nettoyage ethnique et sa cruauté, et qui y résistent farouchement et courageusement malgré tous les efforts faits pour les faire taire. Ils sont les héros derrière le mouvement pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS) et ils sont poussés par leur sens de la dignité et de la justice. Parmi eux se trouve Malia Bouattia, l’étudiante algérienne récemment élue Présidente de l’Union nationale des Étudiants malgré une violente campagne menée contre elle par le lobby israélien qui l’accusait, bien sûr, d’antisémitisme.

Nous n’exagérons pas quand nous disons que de nombreux défis difficiles à relever nous attendent. Quand on voit Ken Livingstone, qui a passé sa vie entière à faire campagne contre le racisme, être accusé d’antisémitisme, que l’on voit les deux millions de personnes qui ont fait une marche au centre de Londres pour protester contre la guerre en Irak être totalement ignorées, qu’on voit David Cameron déclarer que la dernière agression contre Gaza était de l’auto-défense, agression qui a tué 2200 personnes dont 500 enfants, 76% d’entre eux étant des civils, c’est notre droit de parler haut et fort, d’être en colère et pleins de chagrin.

Nous ne céderons pas, même si nos autorités palestiniennes ont cédé 80% de nos terres au nom de la « modération » et un jour, même si cela doit prendre du temps, nous l’emporterons.

 

Par Abdel Bari Atwan : rédacteur en chef du journal numérique Rai Alyoum, il est l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de A Country of Words, et d’Al-Qaïda : la nouvelle génération.

 Source : Traduit par Info-Palestine