Le patriarche Raï a affirmé craindre trois développements en Syrie et dans la région: une guerre civile, l’exode des chrétiens et l’effritement de la région en mini-États confessionnels.
Le patriarche maronite, Béchara Boutros Raï, est rentré dimanche à Beyrouth au terme d’une visite d’une semaine en France. Au salon d’honneur de l’aéroport Rafic Hariri, il s’est expliqué sur ces récentes prises de position sur les armes du Hezbollah et la situation en Syrie, qui ont suscité de vives condamnations au niveau des forces du 14 mars et de leurs alliés occidentaux, notamment Washington et Paris.
Il a rapporté avoir discuté avec les autorités françaises, dont le président Nicolas Sarkozy, de la nécessité qu’il y ait des réformes dans le monde arabe, y inclus en Syrie.
La situation en Syrie
En ce qui concerne sa position sur le régime en Syrie, le patriarche a réaffirmé : « L’Église ne défend aucun des régimes de la région. Les peuples sont libres de choisir les régimes qui leur conviennent. »
Mais le chef de l’Église maronite a dit redouter « les graves conséquences d’un changement de régime par la violence en Syrie », et c’est à ce titre qu’il a jugé utile d’accorder une chance aux réformes. Il s’est également dit « hostile à l’usage de la violence, de quelque côté qu’elle vienne, de l’État ou de la partie qui réclame un changement ».
Et de préciser que les forces armées syriennes sont attaquées « par des groupes bien entraînés, bien armés et organisés ».
Ce que le patriarche Raï craint, c’est que la situation en Syrie ne dégénère en une guerre civile. Une guerre qui, éventuellement, débouchera sur une partition du pays et l’instauration possible d’un régime extrémiste.
« Et dans ce cas, a-t-il dit, les chrétiens feront inévitablement les frais de ce conflit : ils fuiront le pays ou seront poussés à l’exode. »
Le patriarche a en outre souligné qu’il a parlé avec les responsables français d’une nation qui s’est opposée à la guerre d’Irak et à l’ingérence ouverte des États-Unis dans ce pays, rappelant que cette ingérence a ouvert la voie à la guerre civile et à l’exode des chrétiens.
Les armes du Hezbollah
S’agissant des armes du Hezbollah, le patriarche a réitéré la légitimité de la résistance en cas d’occupation, « un argument que les Français comprennent bien », a-t-il affirmé.
Et d’ajouter qu’effectivement, une portion de territoire libanais continue d’être occupée, que les richesses hydrauliques du Liban sont détournées vers l’intérieur israélien, qu’un demi-million de Palestiniens résident au Liban, faute d’une application de la résolution 194 de l’ONU, que les richesses pétrolières du Liban sont menacées, etc.
« Je n’ai pas dit que les armes du Hezbollah doivent rester jusqu’au règlement de la question palestinienne, a dit le patriarche, mais j’ai exposé une situation. J’ai parlé d’une armée qui n’a aucune couverture aérienne, et à laquelle on ne livre pas d’armes offensives, et pas même d’armes défensives. »
Pour le patriarche, il faut ôter les prétextes du port d’armes, mais ce n’est pas au Liban, mais à la communauté internationale de le faire.
Le patriarche a ajouté avoir dit au président français: "Serions-nous condamnés à ce qu’Israël occupe (nos territoires pour toujours) et que les Palestiniens demeurent chez nous? Vous nous jetez au feu et vous criez au secours".
Malaise de Paris et Washington
Un haut responsable français, cité par le quotidien saoudien al-Hayat dans son édition de dimanche, a exprimé « sa surprise » au sujet des déclarations du patriarche Raï sur la Syrie. « Il est très étrange que le patriarche parle au nom des chrétiens de Syrie et déclare que le président Bachar el-Assad, qui tue et opprime son peuple, doit avoir plus de chances », a dit le responsable français.
Par ailleurs, un haut responsable américain a exprimé sa « surprise » et sa « vive réprobation » au sujet des déclarations du patriarche. Dans une déclaration au correspondant du quotidien libanais an-Nahar à Washington, le responsable américain a souligné que les propos du patriarche sont « injustifiés et déplacés », de même qu’ils « portent préjudice à sa notoriété et son poste ».