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Les Etats-Unis préparent le déploiement de troupes en Libye

Les Etats-Unis préparent le déploiement de troupes en Libye

… alors qu’on s’y bat pour les champs pétroliers.

Cinq ans après qu’une guerre des Etats-Unis et de l’OTAN a détruit la Libye, Washington se prépare à envoyer des troupes dans ce pays d’Afrique du nord riche en pétrole pour une « mission à long terme »; c’est ce qu’a annoncé le plus haut gradé du Pentagone le 19 mai.

Le général de la Marine Joseph Dunford, chef d’état-major interarmées, a déclaré aux journalistes dans l’avion au retour d’une réunion des commandants de l’OTAN à Bruxelles, que le nouveau déploiement militaire, qui pourrait comprendre des milliers de soldats américains, pouvait se produire « à tout moment. » Il fallait seulement un accord formel avec le nouveau gouvernement que les puissances occidentales et l’ONU tentent de mettre en place à Tripoli, a-t-il indiqué.

Le général Dunford a dit aux journalistes qu’il y avait eu « un dialogue intense» et des «activités sous la surface » pour permettre l’intervention libyenne. Cela se rapportait apparemment aux efforts déployés par l’ambassadeur américain en Libye Peter Bodde et l’envoyé spécial du Département d’ Etat pour la Libye Jonathan Winer pour arracher une demande officielle d’intervention militaire à Fayez al-Sarraj, le chef non élu du Conseil présidentiel libyen soutenu par l’Occident.

Sous la tutelle des Etats-Unis et de l’ONU, Sarraj et ses alliés avaient établi ce conseil en exil en Tunisie et retournèrent dans la capitale libyenne Tripoli à la fin de mars. Il est évident que ce nouveau régime de marionnettes a été créé dans le seul but de fournir un vernis légal à une nouvelle intervention militaire des Etats-Unis et de l’OTAN dans ce pays dévasté.

La légitimité de Sarraj est loin d’être évidente. Son régime est actuellement en concurrence avec le Congrès national général (GNC) dominé par les radicaux à Tripoli et la Chambre des représentants (CDR) basée dans la ville orientale de Tobrouk, qui avait précédemment été reconnu par l’Occident comme le gouvernement libyen légitime. Ni le GNC ni la CDR n’ont reconnu l’autorité du Conseil présidentiel de Sarraj.

Il n’est pas non plus clair sur quelle milice Sarraj peut compter et laquelle les Etats-Unis et ses alliés peuvent armer et former. On a appris plus tôt ce mois-ci que des troupes d’opérations spéciales américaines étaient depuis l’an dernier sur le terrain en Libye, essayant de prendre contact avec diverses milices rivales et de les évaluer pour déterminer laquelle pourrait servir les intérêts de Washington dans le pays.

Les Etats-Unis et leurs alliés interviennent ostensiblement pour contrer la montée de Daech (EI) en Libye. Les combattants de l’EI qui seraient au moins 5000 ont pris le contrôle d’une partie de la côte libyenne. Ce n’est pas un hasard si au centre de ce territoire se trouve la ville de Syrte, la ville natale de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. La ville a été détruite par les attaques des États-Unis et de l’OTAN dans les jours qui ont précédé en octobre 2011 la torture et l’assassinat de Kadhafi aux mains de miliciens radicaux soutenus par les Etats-Unis.

Comme en Irak et en Syrie, Washington justifie cette nouvelle intervention au nom de la lutte contre une force qu’il a lui-même engendrée. Les combattants de l’EI en Libye venaient des milices terroristes que la CIA et d’autres agences de renseignement occidentales ont soutenues et armées dans le but d’évincer Kadhafi en 2011. Beaucoup d’entre eux furent envoyés en Syrie, ainsi que d’importants stocks d’armes libyennes expédiées vers ce pays dans le cadre d’une opération dirigée depuis l’antenne secrète de la CIA à Benghazi. Cette antenne et un consulat américain séparé ont été envahis par des miliciens  libyens en septembre 2011 entraînant la mort de l’ambassadeur américain J. Christopher Stevens et de trois autres Américains.

Des discussions sur la prochaine intervention en Libye ont eu lieu lors d’une réunion de ministres des Affaires étrangères des États-Unis, d’Europe et du Moyen-Orient lundi 16 mai à Vienne. Parmi les décisions prises il y avait une demande d’exemption d’un embargo sur les armes imposé par l’ONU après la chute de Kadhafi, pour que les armes puissent être acheminées aux forces loyales à la marionnette Sarraj, bien que pour l’instant, il ne soit pas clair de quelles forces il s’agit. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a reconnu qu’un «équilibre délicat» devait être trouvé pour éviter que les armes ne tombent entre les mains d’éléments liés à Al-Qaïda et à l’EI contre qui Washington se bat ostensiblement.

Le véritable objectif en Libye, aujourd’hui comme en 2011, est l’imposition de l’hégémonie incontestée des États-Unis et de l’OTAN sur le pays et ses immenses réserves de pétrole, les plus importantes du continent africain. Après avoir transformé la Libye en modèle d’«État failli » lors de sa première intervention, Washington semble vouloir imposer, avec sa deuxième incursion imminente, une sorte de régime néo-colonial.

La place centrale du pétrole est manifeste dans les opérations des deux milices armées importantes pour lesquelles ont envisage le rôle de forces fantoches occidentales. La première est la soi-disant Armée nationale libyenne sous le commandement de Khalifa Hafter, ancien officier de l’armée libyenne devenu «atout» de la CIA dans les années 1980, installé près du siège de l’agence à Langley (Virginie) et transféré à nouveau par les Américains à Benghazi pendant la guerre de changement de régime en 2011.

Les forces de Hafter se dirigent lentement depuis l’ouest de Benghazi vers le centre de l’EI à Syrte, dépensant le plus gros de leur énergie à prendre en chemin le contrôle de quelque 14 champs pétroliers. Ceux-ci ont été en bonne partie saisis aux Petroleum Facilities Guards (PFG), dont le commandant Ibrahim Jadhran avait juré allégeance au régime de Sarraj soutenu par les USA après avoir précédemment recherché une autonomie de l’est du pays et essayé de vendre du pétrole indépendamment du gouvernement de Tripoli .

Pendant ce temps, une milice rivale basée à Misurata dans le nord-ouest libyen s’approche de Syrte de la direction opposée avec des intentions similaires. On s’attend largement à ce que ces deux forces, principales candidates apparemment pour servir de base à une force marionnette occidentale dans le pays, finiront par se battre entre elles plutôt que de combattre l’EI.

Si le général Dunford a prédit une intervention imminente des Etats-Unis et de l’OTAN, il a été moins communicatif sur sa composition.

Il avait d’abord été question que l’Italie, dont la domination coloniale sur la Libye sous la dictature fasciste de Mussolini a été brutale, conduirait la mission et fournirait plus de 5000 soldats. Une des principales préoccupations de Rome – mise à part la réaffirmation de ses vieilles ambitions coloniales – est la sécurisation de la côte libyenne, la principale voie probablement par laquelle les réfugiés chercheront à rejoindre l’Italie, maintenant que l’UE a fermé la route dite des Balkans.

Mais le 19 mai, le premier ministre italien Matteo Renzi a déclaré que l’Italie n’enverrait pas de troupes en Libye. « Bien que nous soyons sous la pression d’intervenir en Libye, nous avons choisi une approche différente », a déclaré Renzi dans un communiqué.

Pour sa part, l’Allemagne aurait rejeté tout déploiement de ses troupes en Libye, en disant qu’elle s’occuperait seulement de la formation de forces libyennes depuis la Tunisie voisine.

Le désarroi apparent dans les rangs de l’OTAN reflète les intérêts concurrents des États-Unis et des différentes puissances européennes à mesure que l’intervention libyenne intensifie ce qui apparaît comme une nouvelle ruée impérialiste vers l’Afrique.

Alors que Washington se prépare à lancer une nouvelle intervention militaire dans un pays qu’il a précédemment décimé par une guerre d’agression, sa campagne en cours en Irak semble être de plus en plus en danger. Bagdad a été mis sous couvre-feu militaire vendredi soir après que les forces de sécurité irakiennes ont refoulé à coup de gaz lacrymogènes et de balles réelles des milliers de manifestants anti-gouvernementaux qui avaient pris d’assaut la Zone verte lourdement fortifiée, parvenant jusqu’au bureau du premier ministre irakien appuyé par les Etats-Unis, Haider al-Abadi.

Les informations initiales indiquent qu’au moins un civil et peut-être plusieurs ont été tués et des dizaines d’autres blessés par les forces de sécurité.

Les manifestants, parmi eux des partisans du dignitaire chiite Moqtada al-Sadr, avaient déjà fait irruption dans la Zone verte fortifiée le 30 avril pour protester contre la corruption du gouvernement et son incapacité à fournir des services de base et assurer la sécurité. Depuis, la colère n’a fait qu’augmenter après une série d’attentats terroristes revendiqués par I’EI qui ont tué plus de 150 personnes à Bagdad ce mois-ci.

Suite à l’effusion de sang dans la Zone verte, une confrontation armée entre les forces gouvernementales et les milices armées dans la capitale irakienne menace de plus en plus; elle pourrait éclipser la soi-disant guerre contre l’EI.

Avec  Mondialisation