Rien de neuf dans tout ceci, et la ‘polémique’ fabriquée de toute pièce ne se limite guère à la Grande Bretagne ou au parti travailliste.
Une chasse aux sorcières sévit actuellement au sein du Parti Travailliste britannique. Le dirigeant du parti d’opposition en Grande Bretagne, Jeremy Corbyn, est harcelé au prétexte qu’il ne fait rien pour purger son parti d’un présumé antisémitisme.
Ceux qui mènent la charge sont des sionistes pro-Israël et leurs partisans au sein du parti, principalement des alliés de l ‘ancien premier ministre, le va-t’en guerre largement discrédité, Tony Blair. Les blairistes sont très mécontents que Corbyn, qui a été élu à la tête du parti en septembre dernier à une majorité écrasante, soit un homme politique non-élitiste, au passé très ancré dans le militantisme de base, et, oui, aux positions très fortes en faveur des droits palestiniens.
Corbyn est depuis son élection la cible de toutes sortes d’attaques et de railleries de la part de son propre parti, dont de nombreux membres complotent pour l’évincer, mais qui ont jusqu’ici hésité à le faire en raison de son succès populaire. La crédibilité du parti travailliste avait, en fait, beaucoup souffert depuis l’époque du New Labour de Tony Blair et de la guerre immorale et illégale faite à l’Irak dans le sillage des États-Unis. Les partisans de Blair ont changé les priorités du parti, qui n’avait plus de ‘travailliste’ que le nom. L’arrivée de Corbyn a galvanisé les jeunes autour de nouveaux idéaux, et a ravivé la foi ébranlée des partisans traditionnels du parti.
Mais depuis son accession à la direction, son programme de lutte contre la corruption et pour une plus grande égalité en Grande Bretagne a été ralenti, voire totalement paralysé, en raison de polémiques des plus bizarres. Il a été attaqué pour des motifs comme son supposé piètre goût vestimentaire, son prétendu manque de patriotisme, et plus encore. Ces attaques sont si ridicules, pourtant tellement omniprésentes, qu’elles font l’objet de mèmes populaires et de beaucoup de satire.
Et comme tout ceci a échoué, il a été la cible d’une autre polémique fabriquée de toute pièce, celle d’un présumé antisémitisme au sein de son parti. Les attaques récentes sont à ce stade les mieux organisées. Elles viennent de partisans d’Israël, d’hommes ou femmes politiques britanniques, des médias et d’autres sources encore.
Les médias ont essayé de brosser de lui le portrait d’un dirigeant assiégé, incapable de contrôler la haine irrépressible des juifs qui suinte des membres de son parti.
Le Grand Rabbin de Grande Bretagne, Ephraim Mirvis, connu pour son appui solide à Israël a rejoint la mêlée, déclarant que la porte avait été ouverte à l’intolérance religieuse dans le parti et qu’une enquête sur l’antisémitisme ne devait pas se limiter à une mesure cosmétique.
L’enquête et le tollé sur l’antisémitisme qui l’a précédée, ont cependant ciblé ceux qui critiquaient Israël, pas les juifs en général, ou le judaïsme. L’ancien maire de Londres, Ken Livingstone, qui a été suspendu du parti pour avoir suggéré des liens entre le parti Nazi et les sionistes des débuts, ne faisait aucunement référence aux juifs en tant que tels, et certainement pas au judaïsme. On peut soutenir que, s’il avait tort, c’est une pure question d’histoire, pas de race.
Dans sa couverture de la polémique, même la BBC, dissocie les deux concepts :
« L’antisémitisme, caractérise l’hostilité et les préjugés à l’encontre du peuple juif, » tandis que « le sionisme fait référence au mouvement en faveur de la création d’un état juif au Moyen-Orient. »
En effet, le premier terme définit une idéologie raciste, alors que le deuxième qualifie une question entièrement politique et historique, d’autant plus que les premiers sionistes étaient majoritairement athées. L’historien israélien, Ilan Pappe a savamment formulé la contradiction sioniste-juive d’Israël, lorsqu’il écrivit :
« Les juifs laïques qui ont fondé le mouvement sioniste voulaient paradoxalement à la fois laïciser la vie juive et utiliser la bible pour justifier la colonisation de la Palestine ; en d’autres termes, ils ne croyaient pas en Dieu, mais Il leur a, quand même, promis la Palestine. »
Mais le Rabbin, et beaucoup de ceux qui ont sans scrupules prêté leur voix aux accusations contre le parti travailliste, prétendent que le sionisme, mouvement politique de la fin du 19ième siècle est la même chose que le judaïsme, religion qui remonte à des millénaires.
Toutefois, il n’y a rien de neuf dans tout ceci, et la « polémique » fabriquée de toutes pièces ne se limite guère à la Grande Bretagne ou au parti travailliste.
Le message qu’envoie régulièrement la hasbara (propagande) israélienne à ses critiques depuis l’établissement d’Israël sur les ruines de la patrie des Palestiniens en 1948, tient en ceci : si vous critiquez Israël, même légèrement, vous êtes un antisémite certifié. S’il se trouve que vous êtes juif, vous êtes alors un juif qui a la haine de soi, et si vous êtes arabe, simplement en vous opposant au nettoyage ethnique par Israël des Palestiniens, qui sont tous antisémites de toute façon, il vous faut abandonner l’idée que vous êtes, vous-mêmes, sémite et arabe.
Je doute qu’il y ait un intellectuel palestinien qui se respecte, qui n’ait eu à se défendre contre des accusations d’antisémitisme rien que pour avoir prôné les droits des Palestiniens et exigé qu’Israël rende des comptes pour ses violations des droits de l’homme et pour ses crimes de guerre.
Beaucoup de voix juives indépendantes se sont aussi retrouvées sur la défensive, bien que dans une catégorie à part. La catégorie de juif qui a la haine de soi est très en vogue de nos jours, d’autant que de nombreux militants juifs ont justement rejoint le Mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions palestinien (BDS). Ces voix qui furent un temps marginalisées forment maintenant une foule conséquente et grandissante.
Incapables de défendre les actions d’Israël sur la base d’arguments logiques, du droit international ou du bon sens, les partisans d’Israël utilisent d’autres moyens, menaces, diffamations et calomnies, ainsi que la fabrication de polémiques non-existantes. Et personne n’en est à l’abri.
Daniel Greenfield s’est lancé dans une curieuse diatribe dans The Jewish Press du 8 mars, dans un article intitulé : « Bernie Sanders N’est PAS un juif ». Sur le même ton familier de falsification et d’apitoiement sur soi-même, M. Greenfield a émis l’idée que : « Tandis que Bernie Sanders invoquait ses dernières gouttes de sang juif et l’Holocauste pour soutenir, un cri d’intimidation antisémite musulman, il n’a pas ressenti le besoin de le faire en faveur de l’état juif lorsque ce dernier s’est trouvé au bord de la destruction. Au lieu de cela, il avait lancé un appel contre la fourniture d’armes à Israël avant la guerre du Yom Kippur. »
Et que dire des Nations Unies, qui n’ont fait appliquer aucune des dizaines de résolutions adoptées, exigeant que justice soit faite pour les Palestiniens et qu’Israël rende des comptes ?
C’est un « cirque antisémite » selon le premier ministre Benjamin Netanyahou. Cette nouvelle qualification a suivi la décision récente prise par le Conseil des Droits de l’Homme des Nation Unies (CDHNU) de dresser une liste des sociétés israéliennes et internationales qui commercent avec les colonies juives illégales des Territoires occupés.
Bien que l’on attende toujours que l’ONU inverse la situation désespérée des Palestiniens, et qui s’aggrave encore, ou ne défende leur cause autrement que par des gestes symboliques, on entend rarement d’accusation selon laquelle l’ONU serait anti-palestinienne ou anti-arabe.
En revanche, l’ONU, ne serait-ce que pour seulement condamner verbalement les actions israéliennes, « tolère l’antisémitisme et par son silence le cautionne » selon Jennifer Rubin s’exprimant dans le Washington Post du 16 février.
Le gouvernement états-unien a aveuglément et inconditionnellement donné foi à cette idée, en marchant au son des roulements de tambour du gouvernement israélien à chaque occasion, et en boycottant les institutions internationales chaque fois qu’Israël agite le drapeau souvent faux de l’antisémitisme.
Cette question ne concerne pas seulement Israël et la Palestine. Quiconque ose aller à l’encontre des intérêts d’Israël dans la région ou ailleurs dans le monde s’expose à la terminologie manipulatrice israélienne.
Après l’accord sur le nucléaire iranien entre l’Iran et les puissances occidentales, la commentatrice conservatrice, Debbie Schlussel, a forgé cette expression : ‘Juifs de nom seulement’ ou JINOs (acronyme anglais). Ces prétendus JINOs sont les 98 ‘juifs d’Hollywood’ célèbres qui ont soutenu l’accord avec l’Iran dans une lettre ouverte.
En fermant totalement la porte à toute forme de critique d’Israël, du sionisme, et à la censure de son comportement militaire dans la région couplé à la violence infligée quotidiennement aux Palestiniens occupés, Israël a étendu la définition de l’antisémite pour qu’elle englobe des pays entiers, des gouvernements, des institutions internationales et des millions de penseurs libres partout dans le monde.
Toutefois, même une falsification aussi intentionnelle ne devrait pas nous empêcher de faire la distinction et de dire haut et fort : le racisme anti juifs devrait être condamné aussi fortement et vigoureusement que l’islamophobie et toute forme de discrimination raciale et de sectarisme.
Toutefois, critiquer des mouvements politiques violents et le comportement de tout état qui viole le droit international et les droits de l’homme est un devoir moral. Israël n’y fera pas exception.
Source: Info-Palestine