Avis de plusieurs analystes arabes sur l’offensive FDS/USA à Raqqa
M. Nizar al-Bouch, chercheur et spécialiste en affaires politiques russes, a qualifié l’opération menée autour de Raqqa fief de Daech au centre de la Syrie par les Forces Démocratiques Syriennes (FDS) conjointement avec les USA, de « coup de bluff » qui vise à imposer la partition de la Syrie.
S’exprimant depuis Moscou dans un entretien avec la chaine iranienne arabophone al-Alam, il a expliqué que cette offensive a pour but « de sauver la face devant l’opinion publique locale et internationale qui commence à sérieusement douter de leur volonté de frapper Daech ».
D’après lui, les deux protagonistes espèrent aussi « imposer un fait accompli qui aboutirait à la partition de la Syrie grâce à un coup de bluff incroyable par lequel Daech remettrait Raqqa à son allié US ! »
« Les USA ont créé le Front al-Nosra, Daech et les FDS. Ils ordonnent et leurs créatures exécutent! », a-t-il également souligné.
Il a rappelé que les FDS avaient refusé de coopérer avec les Forces russes contre Daech, lorsqu’au lendemain de la libération de Palmyre et d’Al-Qariatayn, les diplomates et militaires russes avaient clairement annoncé que la prochaine étape serait Raqqa.
« Ce que les USA ne pouvaient tolérer, d’où les violentes attaques terroristes du Front al-Nosra sur les quartiers résidentiels et les civils à Alep et à Khan Toumane afin d’occuper l’Armée arabe syrienne et l’empêcher de libérer Raqqa et Deir ez-Zor », a-t-il ajouté.
La supériorité psychologiques des Kurdes
Durant le débat, la télévision iranienne a interrogé M. Khaled Issa, le représentant du Parti de l’Union démocratique [PYD] en France.
Il n’a ni relevé ni discuté de ce coup de bluff et a déclaré que les affaires militaires n’étaient pas de son ressort puisqu’il les lit dans la presse comme tout un chacun.
Cependant, en tant que représentant de la branche politique du PYD, il pense qu’il faudrait non seulement libérer Raqqa, mais toutes les zones du nord de la Syrie sous administration autonome kurde, précisant qu’il parlait de la région située à l’Ouest de l’Euphrate dont Jarablous et A’zaz.
Quant aux velléités séparatistes des Kurdes syriens, ce serait plutôt «certains autres » qui les ont ostracisés en refusant leur participation aux négociations de Genève.
Sachant que ceux qui ont empêché cette participation, ne sont ni les Syriens, ni les Russes, mais plutôt De Mistura obéissant aux ordres des USA et aux exigences de leurs alliés, pour lesquels le « Groupe de Riyad» devait être considéré comme le seul représentant du peuple syrien.
Enfin, M. Issa a justifié l’intervention des FDS/US contre Daech à Raqqa, comme le veut la propagande, par la supériorité psychologique, combative et organisationnelle des FDS comparativement à l’Armée arabe syrienne.
Une offensive difficile
Quant à M. Turki al-Hassan, Général de l’Armée arabe syrienne à la retraite, il a regretté qu’un « frère syrien » parle de l’Armée arabe syrienne en ces termes alors qu’elle se bat, avance, libère ou meurt dans un combat féroce ourdi par une coalition de grandes et petites puissances depuis 5 ans.
Sans se prononcer sur l’éventuel coup de bluff USA/Al-Qaïda, il a rappelé que lorsque les Peshmergas kurdes sont entrés dans la région de Sinjar et de Tal-Afar en Irak, Daech s’est retiré sans combattre. Idem, lorsque les PYD syriens sont entrés dans Al-Chaddadi et Al-Hole en Syrie.
À son avis, cette offensive n’était pas vraiment une surprise et était prévisible depuis que Saleh Muslem a déclaré, en mars dernier, que les FDS étaient fin prêts pour libérer Raqqa, mais qu’il leur manquait une couverture politique.
"Maintenant qu’ils sont couverts par les USA et que la Russie leur propose son aide, la libération de Raqqa est possible, mais risque d’être longue et difficile pour deux principales raisons: la population très majoritairement arabe et l’afflux permanent de terroristes daechiens, à partir de la frontière turque, qui fait que les estimations parlant de 3000 à 5000 de leurs combattants à Raqqa pourraient être largement dépassées. Libération qui restera difficile, même si les FDS mettaient toutes leurs forces dans la bataille. Ses forces sont estimées entre 38 000 et 46 000 combattants, dont 12 000 seraient engagés dans la bataille de Raqqa", a-t-il souligné.
Selon al-Hassan, les FDS intègrent les forces des YPG; des forces de l’ASL [l’Armée prétendument Syrienne Libre] rebaptisée « armée d’Abou Ays» [transcription phonétique]; les forces du Tayyar al-Ghad [signifiant le Courant de Demain) composé par l’homme des Saoudiens, Ahmad al-Jarba; avec, évidemment, les centaines de boys US expédiés ouvertement en Syrie.
Empêcher une nouvelle victoire
A cet égard, l’analyste libanais et ancien général à la retraire Amine Hoteit a indiqué que les Kurdes de l’YPG ont sans doute réalisé les dangers de leur offensive puisqu’ils semblent ne plus vouloir gouverner Raqqa, mais laisser le choix à ses habitants [contrairement à leur annonce initiale d’intégrer Raqqa à leur régions d’administration autonome].
« S’ils ont bien évalué la situation, ils ont dû comprendre que leurs forces ne leur permettraient pas d’accomplir leur mission bien qu’ils soient soutenus par un millier de soldats et officiers US, lesquels ne combattront pas à leur côté, mais resteront sur les lignes arrières pour se contenter de les diriger, car les USA ne sont pas prêts à recevoir des cercueils en provenance de Raqqa, ni ne veulent mettre fin à cette guerre. Ils ont dû comprendre que l’humeur locale leur est défavorable et refuse de remplacer un violeur par un autre ». a-t-il expliqué.
S’exprimant dans les colonnes du quotidien syrien al-Thawra (La Révolution) sur les mobiles de cette dernière manœuvre des États-Unis, il a indiqué entre autre celui d’empêcher l’armée syrienne et ses alliés de répéter la victoire de Palmyre à Raqqa.
D’après lui, il s’agit aussi de « rétablir l’équilibre militaire stratégique, rompu depuis les avancées récentes » de l’armée syrienne sur le terrain, « afin de regagner des cartes en vue des futures négociations à Genève pour le partage de la Syrie en "zones d’influence" ».
En principe, cette offensive devrait d’après lui permettre aux forces de l’YPG d’étendre leur influence jusqu’au barrage sur l’Euphrate et le lac Al-Assad, (…) « et de se désolidariser de plus en plus du gouvernement central à Damas, et les inciterait à instaurer le modèle de l’autonomie kurde irakienne avant d’en arriver à déclarer leur indépendance au moment jugé opportun ».
Source: Propos recueillis et traduits par Mouna Alno-Nakhal; Résumé de la rédaction d'al-Manar