Cette initiative n’est strictement d’aucun poids face à l’hostilité d’Israël et des États-Unis.
Les nouvelles émanant de Paris ce vendredi 3 juin ont été dominées par les informations sur les inondations provoquées par la Seine et la fermeture du Musée du Louvre, plutôt que par la réunion internationale convoquée par le gouvernement français pour discuter d’une paix israélo-palestinienne.
Même sans cette compétition, il est douteux que cette dernière « Initiative de paix au Moyen-Orient » ait produit une couverture médiatique importante. Pour la bonne raison qu’en dehors de la tenue de la réunion elle-même, rien d’intéressant n’en est sorti ni n’en sortira.
L’initiative française a été imaginée par le gouvernement Hollande l’année dernière. Dans sa forme originale, elle devait se référer à un projet de résolution déposé auprès du Conseil de sécurité des Nations Unies, avec de clairs paramètres pour une paix israélo-palestinienne ainsi que des mécanismes et un calendrier pour y parvenir.
Face à l’opposition concertée des États-Unis et à l’hostilité israélienne, le Quai d’Orsay a revu ses ambitions à la baisse à plusieurs reprises, allant jusqu’à considérer que le soutien américain à une telle résolution n’était pas d’une absolue nécessité, et choisissant de capituler plutôt que de rester ferme.
Il est devenu clair que l’administration Obama ne reprendrait aucune initiative pour relancer des négociations israélo-palestiniennes après que le secrétaire d’État John Kerry a jeté l’éponge en 2014 suite à neuf mois de [dites] négociations qui se sont conclues sur un échec.
Les gouvernements européens sont de plus en plus préoccupé du dangereux vide diplomatique actuel, qui va conduire à une recrudescence de la violence dans les territoires palestiniens occupés et miner par conséquent la position de l’Autorité palestinienne tout en compliquant encore plus - sinon en éliminant - les perspectives d’un accord sur deux États.
Comme l’assujettissement du peuple palestinien par Israël continue de jouer un rôle certain dans la radicalisation des jeunes musulmans en Europe, les Européens sont persuadés que la question de la Palestine ne peut être négligée indéfiniment.
Dans son ultime version, l’initiative française a pris la forme d’une conférence internationale à laquelle les partenaires internationaux et régionaux de Paris arriveraient à un consensus sur plusieurs paramètres, dont un agenda et des délais, la tâche incombant ensuite à Israël et aux Palestiniens de les négocier et de les mettre en œuvre.
Comme avec leur résolution avortée au Conseil de sécurité des Nations Unies, les Français ont commencé à préparer des idées et à les présenter aux différentes parties pour examen et approbation. Et encore une fois, ils ont rapidement battu en retrait devant le désintérêt américain et le rejet israélien.
Dans un premier temps, par exemple, la France avait pris l’engagement devant Abbas de reconnaître un État palestinien si Israël ne l’avait pas fait dans le délai imparti. Quelques rendez-vous avec Netanyahu plus tard, cet engagement et même celui d’un calendrier se sont évaporés dans les airs.
La France, qui depuis la fin des années 1960 jusqu’à l’accession à la présidence de Nicolas Sarkozy en 2007, avait été considérée parmi les puissances européennes les moins alignées sur Israël, est aujourd’hui un de ses plus solides alliés. Face à l’incessante hostilité israélienne devant toute formule autre que des négociations israélo-palestiniennes bilatérales « sans conditions préalables » et sous le parrainage américain exclusif, Paris a avec zèle vidé son initiative de toute substance.
Selon Nathan Thrall de l’International Crisis Group, « la participation américaine à la réunion de Paris démontre que, au moins pour le moment, Washington ne voit plus l’initiative française comme une menace pour ses propres intérêts. Il serait incorrect d’interpréter la présence de Kerry comme un approbation américaine d’une alternative française, dans la mesure où on peut dire que [cette alternative] existe ».
L’évaluation est confirmée par le communiqué final de la réunion. Ses cinq courts paragraphes sont constitués de poncifs vides de sens, selon lesquels « le statu quo », qui dure depuis 1993 « n’est pas soutenable », qu’ « une solution [bilatérale] négociée à deux États est la seule façon de parvenir à une paix durable » et qu’il est « important que les deux côtés démontrent, par les politiques et les actions, un véritable engagement » vers cet objectif.
L’observateur occasionnel pourrait être pardonné de supposer que l’OLP, en paroles et en actes, est aussi implacablement opposée au cadre de deux États que l’est le gouvernement israélien...
Dans un autre clin d’œil à l’équivalence entre l’occupant et l’occupé, le communiqué indique que « les actions sur le terrain - en particulier, les actes de violence et les activités de colonisation en cours - mettent dangereusement en péril les perspectives d’une solution à deux États ».
Ce faisant, ce communiqué donne non seulement un poids égal à la maladie et à son symptôme, mais accorde une plus grande importance à ce dernier en le plaçant en premier. Et alors qu’il appelle à l’exploration d’ « incitations [internationales] significatives aux deux parties pour qu’elles fassent la paix », il évite soigneusement de rappeler leurs propres obligations en vertu des accords existants et du droit international, ou de les mettre en garde sur les conséquences de leur violation systématique.
Le communiqué se termine par la « perspective de convoquer une conférence internationale » avant la fin de l’année. Ce que cela implique est très ouvert au questionnement.
La France d’aujourd’hui n’a pas la moindre volonté de mettre de la chair sur ce squelette, et, en tout cas, celui-ci sera facilement démantibulé par les États-Unis et Israël. Les affirmations palestiniennes et les attentes que la France mette en branle un processus diplomatique international semblable à celui qui a abouti à l’accord nucléaire iranien, sont à cet égard terriblement naïves.
En attendant, l’administration Obama continue de débattre ou non de produire quoi que ce soit comme idée sur le sujet avant la conclusion de son mandat en janvier 2017, et le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu continue de s’activer en étroite collaboration avec le président égyptien Abdel Fattah el-Sisi pour mettre en branle une voie parallèle s’inspirant de l’Initiative de paix arabe de 2002.
Si - nonobstant les démentis égyptiens - cette dernière voie se concrétise, elle est susceptible de bénéficier d’un substantiel soutien américain et de plomber encore plus l’initiative française.
Le point le plus pertinent est que la communauté internationale reste déterminée à réussir là où elle a systématiquement échoué depuis la Conférence de Madrid en 1991.
Il faudra encore un certain temps avant que la dite communauté internationale ne soit convaincue que la seule façon de mettre en place une solution à deux États est de contraindre Israël à mettre fin à l’occupation et à accepter une solution juste de la question des réfugiés.
Source: Info-Palestine