"Si vous parlez aux pilotes qui volent actuellement sur cet avion, ils vous diront qu’il y a encore des défis à relever, mais ils vous diront aussi qu’il a un potentiel extraordinairement précieux pour les pays qui le choisiront".
L'avion de combat furtif américain F-35 sera la vedette du prochain salon aéronautique de Farnborough (Royaume-Uni) mi-juillet, une consécration internationale longtemps attendue pour cette machine de guerre incroyablement sophistiquée et coûteuse.
Lancé au début des années 1990, le programme F-35 est le plus cher des programmes d'armement de l'histoire militaire, avec un coût estimé au total à près de 400 milliards de dollars pour le Pentagone, pour près de 2.500 appareils à produire dans les décennies à venir.
L'avion, qui est aussi une prouesse informatique avec 8 millions de lignes de code pour ses ordinateurs de bord, devait déjà voler à Farnborough en 2014, mais il avait été cloué au sol au dernier moment à la suite d'un incendie de moteur.
Une humiliation supplémentaire pour un programme marqué depuis le début par les dépassements de coûts et les retards.
Mais aujourd'hui, l'avenir de l'avion construit par Lockheed Martin paraît beaucoup plus dégagé, et il semble enfin prêt à se mesurer à la concurrence internationale et à commencer à montrer ce dont il est capable.
"L'essentiel du travail de développement sera achevé d'ici le début de l'année 2018", selon le général Chris Bogdan, qui dirige le programme d'armement.
L'appareil est enfin entré en service officiellement, chez les Marines américains, qui ont déclaré opérationnelle l'été dernier une dizaine de F-35 B (décollage et atterrissage vertical) dans une version "rustique", non encore dotée de toutes ses capacités d'armement.
L'US Air Force devrait également déclarer opérationnels ses premiers F-35 A (décollage et atterrissage classique) d'ici la fin de l'année 2016, là encore dans une version encore rudimentaire.
Potentiel extraordinaire
Les cadences de production augmentent et le général Chris Bogdan estime que 53 appareils devraient être livrés cette année, après 45 en 2015. Environ 155 avions ont déjà été produits au total.
Les huit autres pays qui participent au programme F-35 voient arriver leurs appareils, à l'instar des Pays-Bas, qui ont réceptionné deux avions sur la base aérienne de Leeuwarden.
"Techniquement, l'avion a certainement passé le pire", estime l'analyste aéronautique américain Richard Aboulafia.
"Il y a encore des difficultés avec les logiciels" et "il y a encore des difficultés avec le nouveau casque" qui donne au pilote une vision à 360 degrés autour de lui, estime de son côté Jerry Hendrix, un expert des programmes d'armements au Cnas (Centre pour une nouvelle sécurité américaine), un cercle de réflexion de Washington.
"Mais l'avion, son moteur, ses ailes sont là et ils marchent très bien en ce moment", ajoute cet expert, qui indique pourtant avoir été au départ un "F-35 sceptique".
"Si vous parlez aux pilotes qui volent actuellement sur cet avion, ils vous diront qu'il y a encore des défis à relever, mais ils vous diront aussi qu'il a un potentiel extraordinairement précieux pour les pays qui le choisiront", affirme de son côté le général retraité David Deptula, qui dirige l'institut Mitchell, un cercle de réflexion sur l'aviation militaire.
"Les capteurs" dont est bardé le F-35 "font franchir au pilote un pas énorme en terme d'informations sur l'environnement" de l'avion (appareils ou radars ennemis par exemple), incomparable avec les avions actuellement sur le marché, souligne-t-il.
Nouvelles ventes
Selon Lockheed Martin, l'avion est censé être six fois plus efficace que les appareils actuels en combat aérien et en surveillance, et huit fois plus efficace en attaque au sol.
Commercialement, les perspectives seraient là selon les experts, malgré la défection possible du Canada, l'un des huit partenaires internationaux des Etats-Unis sur le projet, et le prix unitaire très élevé de l'appareil.
Selon le général Bogdan, le prix de vente unitaire de l'avion, dans sa version atterrissage/décollage classique, devrait passer "sous les 85 millions de dollars d'ici 2019".
Ce prix représente plus de deux fois celui d'un chasseur F-16, par exemple, explique Jerry Hendrix.
Mais il est envisageable pour un pays qui veut rester capable de passer à travers les systèmes de missiles anti-aériens de plus en plus efficaces que développent en ce moment les Russes, les Chinois ou les Iraniens, estime-t-il.
"Cet avion de la cinquième génération est un investissement nécessaire si vous voulez continuer à opérer dans ces environnements (...) Je pense que le F-35 va décrocher de nouvelles ventes", estime-t-il.
Le F-35 sera présenté au sol au public sur la base aérienne de Leeuwarden (Pays-Bas) lors d'un meeting aérien vendredi et samedi. Cinq avions (trois F-35 B, deux F-35 A) seront présentés en vol au Royal International Air Tattoo au Royaume-Uni (8-10 juillet), et trois F-35 B voleront au salon international de Farnborough (11-17 juillet).