Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation d’insécurité chronique : L’augmentation de la pauvreté et son corollaire la marginalisation d’un nombre croissant de citoyens, l’augmentation du chômage...
Les États-Unis, pays de l’insécurité chronique, de la peur et de la violence armée et institutionnalisée. Des dépêches quotidiennes font état de violences raciales, de fusillades, de rapts, de tueries, d’assassinats et d’incendies criminels. Des dizaines de personnes meurent tous les jours en raison de cette violence armée. Cette « démocratie » s’est transformée en un État policier dans lequel les forces de l’ordre ont le droit de tuer .
Les événements des derniers mois tendent à le prouver. À la fin de juillet, un policier blanc inculpé de meurtre pour la mort d’un Noir en Ohio. À la fin d’août, l’assassinat en direct d’une journaliste et de son collègue en Virginie. Huit personnes (cinq enfants et trois adultes) sont assassinées dans une résidence à Houston.
Au même moment, la cérémonie de commémoration pour Michael Brown, un jeune noir assassiné par un policier blanc en août 2014, a tourné à la violence. Une fussillade a éclaté.
Les policiers ont tiré sur un jeune homme qui s’est retrouvé dans un état critique. L’état d’urgence a été décrété à Tyrone au Missouri (Journal Le Devoir, 11 août 2015, p. B5).
Le 26 septembre dernier un homme Noir en fauteuil roulant est abattu par la police dans la ville de Wilmington en Caroline du Nord. Le 1er octobre une dizaine de vies sont fauchées avec une quinzaine de blessés dans une tuerie dans l’Umpqua Community College, à Roseburg en Oregon, cette tragédie s’avérant la 45ième fusillade à se produire dans un établissement scolaire en 2015.
Ces dépêches quotidiennes font frémir. Aucun État n’est épargné. Les Étasuniens s’entretuent. Une véritable hécatombe qui s’avère le reflet d’un processus réel de décomposition sociale, elle-même amplifiée et aggravée par la circulation libre des armes à feu, la propagande haineuse et raciste et l’état de pauvreté dans lequel se retrouve une proportion de plus en plus importante de cette société. Cette entité nationale qui correspond aux États-Unis a développé un environnement marqué par l’insécurité pour la majorité des citoyens. Les règles non écrites de la « self-defence » sont suivies. Les meurtres deviennent une chose banale et ils se multiplient dans l’indifférence.
Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation d’insécurité chronique : L’augmentation de la pauvreté et son corollaire la marginalisation d’un nombre croissant de citoyens, l’augmentation du chômage, le recours obligé à des emplois précaires, des emplois qui ne permettent pas de répondre aux besoins essentiels. Ainsi, le vol devient une pratique répandue. Les règles de l’État de droit sont bafouées pour laisser place aux activités criminelles.
Dans ce bref exposé, le troisième de trois articles consacrés aux États-Unis, le premier concernant leur puissance militaire actuelle, les compressions budgétaires annoncées ainsi que le redéploiement de leurs installations, le second sur le processus de confinement des USA observés un peu partout dans le monde et le présent essai sur le processus de l’implosion sociale qui tend à s’accentuer à l’intérieur du territoire national et dans lequel nous ferons état de cette situation alarmante qui prévaut dans ce pays considéré encore par plusieurs comme un eldorado alors que l’augmentation générale du taux de pauvreté, avec comme toile de fonds l’effondrement de l’économie, a gravement affecté le tissu social au cours des dernières années.
I. La mort est au rendez-vous. De Columbine à Newtown, 13 tueries en 13 ans
« Chaque jour aux États-Unis, les armes à feu tuent plus de 30 personnes. Si la plupart sont des règlements de comptes entre criminels, des innocents périssent régulièrement dans des tueries de masse, comme ce fut le cas le 14 décembre 2012 à Newtown dans le Connecticut, où 26 personnes, dont 20 enfants, ont trouvé la mort » (20minutes.fr).
Voici les principales tueries qui ont marqué l’histoire récente des USA entre le 20 avril 1999 et le 14 décembre 2012:
20 avril 1999: Columbine, 13 morts. Deux adolescents lourdement armés sèment la mort dans le lycée Columbine de Littleton, dans le Colorado, tuant 13 lycéens, professeurs et membres du personnel administratif avant de se donner la mort.
29 juillet 1999: Atlanta, 12 morts. Un homme tue neuf personnes dans deux sociétés de courtage d’Atlanta, en Georgie, après avoir semble-t-il tué sa femme et leurs deux enfants. Il se suicide cinq heures plus tard.
Octobre 2002, Washington D.C.: 10 morts. John Muhammad et Lee Malvo tirent au hasard de leurs pérégrinations dans Washington DC pendant plusieurs jours. Le bilan total est de dix morts.
16 avril 2007, Virginia Tech: 32 morts. Sur le campus de l’université de Virginia Tech, à Blacksburg, en Virginie, un étudiant sud-coréen tue 32 personnes avant de se suicider. C’est à ce jour la tuerie la plus meurtrière de l’histoire des Etats-Unis.
5 novembre 2009, Fort Hood: 13 morts. Un psychiatre de l’armée américaine, le commandant Nidal Malik Hasan, fait treize morts sur la base militaire de Fort-Hood, au Texas.
8 janvier 2011, Tucson: six morts. Un déséquilibré ouvre le feu en plein meeting électoral de Gabrielle Giffords, élue démocrate de l’Arizona au Congrès. Six personnes sont tuées et treize autres blessées, dont la députée.
2 avril 2012, Oakland: 7 morts. Un homme d’origine coréenne fait sept morts et trois blessés dans un collège chrétien d’Oakland.
20 juillet 2012, Aurora: 12 morts. James Holmes ouvre le feu dans un cinéma d’Aurora, dans la banlieue de Denver, Colorado, durant une projection du dernier Batman. Il tue 12 spectateurs et en blesse 58 autres.
5 août 2012, Oak Creek: 6 morts. Six personnes sont tuées lors d’un office dans un temple sikh d’Oak Creek, dans le Wisconsin. Le tireur est abattu par la police.
31 août 2012, New Jersey: 3 morts. Une fusillade fait trois morts, dont le tireur, dans un supermarché du New Jersey.
27 septembre 2012, Minneapolis: 5 morts. Un ancien employé licencié ouvre le feu dans son ancienne entreprise à Minneapolis, il tue cinq personnes avant de mettre fin à ses jours.
12 décembre 2012, Portland: 2 morts. A Happy Valley, dans la banlieue de Portland, Oregon, deux personnes sont tuées lorsqu’un individu ouvre le feu dans un centre commercial où les clients effectuaient leurs achats de Noël.
14 décembre 2012, Newtown: 26 morts. Une fusillade se produit dans une école élémentaire de Newtown, dans le Connecticut. Vingt-six personnes, dont 20 enfants, sont tuées. Le corps de l’auteur présumé a également été découvert dans le bâtiment. La police du Connecticut évoque un autre mort sur une scène de crime «secondaire». (20minutes.fr).
Il convient d’ajouter, ici, quelques-unes des plus récentes : Celle de Ferguson en août 2014 (figure 1), de Charleston en juin 2015 et celle de l’Oregon en octobre 2015.
Une fusillade est survenue, dans la nuit du 17 au 18 juin 2015, dans l’église épiscopale méthodiste de Charleston, ville du sud-est des États-Unis située en Caroline du sud. L’édifice religieux est fréquenté par une population noire. Neuf personnes ont été tuées par les coups de feu, trois hommes et six femmes (tempsreel.nouvelobs.com).
II. Les racines de la haine raciale
L’augmentation générale du taux de pauvreté, avec comme toile de fonds l’effondrement de l’économie, a gravement affecté le tissu social au cours des dernières années.
L’augmentation de la pauvreté
Les données statistiques de 2015 sur la pauvreté révèlent que 50 millions d’Étasuniens vivent maintenant sous le seuil de la pauvreté et que 80% de la population totale des États-Unis vit près du seuil de la pauvreté ou sous ce seuil. Le seuil de la pauvreté aux États-Unis correspond à moins de $18,552 pour une famille de trois et moins de $23,834 pour une famille de quatre. En 2013, la pauvreté affectait 45.3 millions de personnes, soit 14.5% de la population totale des États-Unis (http://talkpoverty.org/basics/).
Cette nouvelle statistique étonnante signifie que 80% de la population est aux prises avec le chômage, ou la quasi-pauvreté. Beaucoup d’entre eux comptent sur l’aide du gouvernement pour les aider à payer les factures ou nourrir leur famille. Sans cette aide, cette quasi-pauvreté statistique signifie qu’eux aussi seraient pauvres. L’Associated Press a noté qu’en septembre dernier, les données statistiques ont indiqué un écart croissant entre riches et pauvres.
En dépit de l’affirmation sans cesse répétées que les choses vont mieux, la perte d’emplois bien rémunérés dans le secteur manufacturier, qui sert à fournir un salaire décent pour ce qui était de la «classe ouvrière», est la cause probable de la tendance croissante de la pauvreté en Amérique. Selon un recensement révisé publié en novembre 2013, le total de 3 millions de pauvres de plus que ce que l’on pensait. Cet ajustement a entraîné une réévaluation des données sur la pauvreté (countercurrentnews.com, 2013).
Les données réévaluées disent aussi que 5 millions de personnes ont été aidés par des coupons alimentaires pour garder la tête hors du seuil de la pauvreté. Sans les suppléments de coupons alimentaires, le taux de pauvreté réel serait encore plus élevé. Cela signifie que le nombre d’Étasuniens très pauvres devrait passer de 16 pour cent à 17,6 pour cent.
En termes de communautés minoritaires aux États-Unis, le nombre d’Étasuniens latino-américains et asiatiques dans la pauvreté a augmenté depuis les derniers rapports. Les taux de ces collectivités ont augmenté de 27,8 pour cent à 16,7 pour cent respectivement et. Auparavant, ils avaient été de 25,8 pour cent et 11,8 pour cent selon les estimations du gouvernement. Les communautés afro-Américaines, cependant, ont légèrement baissé de 27,3 pour cent à 25,8 pour cent. L’étude du gouvernement indique que ce changement est entièrement dû aux programmes d’aide du gouvernement, encore peindre un tableau sombre, que les politiciens républicains ont voté à plusieurs reprises de couper ces programmes. Les taux non-hispaniques blancs de la pauvreté ont augmenté de 9,8 pour cent à 10,7 pour cent.
“La principale raison qui explique que la pauvreté reste si élevée», a déclaré Sheldon Danziger, économiste à l’Université du Michigan, réside dans le fait que “les avantages d’une économie en croissance ne sont plus partagés par tous les travailleurs comme ils l’étaient au cours des 25 ans qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.” « Compte tenu des conditions économiques actuelles,” il ajoute que « la pauvreté ne sera pas sensiblement réduite si le gouvernement ne fait pas plus pour aider les travailleurs pauvres ».
« Alors que 80% de la population parvient à peine à se maintenir au-dessus du seuil de la pauvreté, les politiciens continuent de proposer des coupures dans les programmes qui permettent de garder à flot un si grand nombre » (R. Abraham)
L’extrémisme se fait de plus en plus menaçant
On constate aussi que les « extrémistes » tuent plus d’étasuniens que les yihadites. Selon le Times, le pays a connu une série d’attaques mortelles perpétrées par des personnes incitant à la haine raciale, à une hostilité envers le gouvernement tel que le mouvement «citoyen souverain», qui nie la légitimité de la plupart des lois. Ces actions ont causé la mort d’agents de police, les membres des minorités raciales ou religieuses et des civils au hasard.
Le journal de New York précise que les « extrémistes », non musulmans, ont effectué 19 attaques depuis le 11 Septembre, au dernier décompte, compilé par David Sterman, un associé du programme New America, et supervisé par Peter Bergen, un expert en terrorisme. Durant la même période sept attaques mortelles auraient été perpétrées par des militants islamistes.
Une étude qui sera bientôt rendue publique, basée sur des sources policières, place au premier rang, parmi les plus grandes menaces, la violence extrêmiste contre le gouvernement avec un score de 74% contre 34% pour les actes promus par Al-Qaeda, le réseau terroriste présumément auteur des attentats de 11 septembre. Cette étude n’inclut pas les actions perpétrées dans un cinéma du Colorado et le massacre dans une école de Newtown au Connecticut, actions qui causèrent la perte de plus de vies que celles liées à l’idéologie, selon le Times (cubadebate.cu, 24 juin 2015).
L’effondrement de l’économie
Dans un article fort bien documenté et succinct, Paul Craig Roberts, ancien secrétaire adjoint du Trésor américain, rédacteur en chef adjoint du Wall Street Journal et collaborateur assidu et aprécié de Global Research, propose une analyse qui expose avec clarté et lucidité les indicateurs qui démontrent que l’économie américaine est entrée dans un processus d’effondrement. Il analyse, notamment,
« les données officielles sur le chômage qui ne traduisent pas la réalité sur le terrain. Toute une série de tergiversations avec les statistiques font que le taux de chômage réel est falsifié de manière à donner l’impression que l’économie américaine est entrée dans une période de reprise. Les chiffres indiquent, en effet, que le taux de participation au marché du travail a diminué depuis la reprise qui aurait commencé en juin 2009 et se poursuit aujourd’hui. Ceci est très inhabituel. Normalement, lors d’une reprise économique, les emplois rebondissent, et les gens affluent au travail. Basé sur ce qu’il a dit à ses conseillers économiques, le président Obama a attribué la baisse du taux de participation aux baby-boomers qui prennent leur retraite. En réalité, pendant la prétendue reprise, la croissance de l’emploi a concerné principalement les personnes de 55 ans et plus. Par exemple, en juillet tous les emplois salariés nouveaux concernaient des personnes de 55 ans et plus, alors que la classe d’âge de 25 à 54 ans a perdu 131 000 emplois en juillet ». Il ajoute : « Au cours de l’année précédente (juillet 2014 – juillet 2015), la tranche d’âge 55 et plus a gagné 1 554 000 emplois et les classes jeunes, 16-18 et 20-24, ont perdu respectivement 887 000 et 489 000 emplois. De 2009 à 2013, le nombre d’Américains au travail dans la classe d’âge de 25 à 54 ans a diminué de 6 000 000 emplois. Ces années de reprise économique présumée ont apparemment contourné les Américains de la classe d’âge d’activité maximale ».
« En juillet 2015, les États-Unis avaient 27 265 000 personnes occupant un emploi à temps partiel, dont 6,3 millions, soit 23%, parce qu’ils ne peuvent pas trouver un emploi à temps plein. Il y a 7 124 000 Américains qui détiennent plusieurs emplois à temps partiel pour joindre les deux bouts, soit une augmentation de 337 000 en un an ».
« Les jeunes ne peuvent pas fonder de foyers sur la base d’emplois à temps partiel, mais les retraités prennent ces emplois afin de compenser le revenu manquant sur leurs économies à cause de la politique d’intérêt à taux zéro de la Réserve fédérale, qui a pour but de soutenir les bilans d’une poignée de banques géantes, dont les dirigeants contrôlent le Trésor américain et la Réserve fédérale. Avec un si grand nombre d’emplois industriels et de compétences professionnelles délocalisé en Chine et en Inde, tels que l’ingénierie logicielle, les carrières professionnelles disparaissent aux États-Unis ».
Conclusion
Le système capitaliste « appliqué à l’extrême », sans égard aux situations sociales problématiques, constituerait la racine de cette insécurité et de cette violence que nous observons aujourd’hui aux USA. Ce pays montre un malaise profond qui laisse présager un déclin inexorable à l’intérieur du processus de marginalisation sans cesse croissante de la majorité de la population. Il faut le dire : Le capitalisme débridé et contrôlé par une infime minorité ne peut que générer la pauvreté et ce dans un contexte d’une crise qui se perpétue et dont les effets dévastateurs accablent la société toute entière.
Les données réelles sur la situation de l’emploi et du taux de pauvreté ne peuvent que semer l’inquiétude chez la majorité. L’importance accrue des emplois à temps partiel et la délocalisation à l’étranger des emplois bien rémunérés fragilisent l’économie et partant le tissu social.
La détérioration générale des conditions de vie contribue à la croissance de l’insécurité. Dans ce contexte et pour réprimer tout mouvement de protestation un véritable régime de répression policière a été mis en place, le tout encadré par des pratiques militaristes. On peut alors évoquer l’idée que la gouvernance générale de cet État peut être assimilée à un régime dictatorial.
Source: Mondialisation