Le porte-parole de l’EI Abou Mohammed Al-Adnaniest considéré comme le ministre des attentats de la milice
En assassinant un policier français et sa femme, Larossi Abballa, un homme de 25 ans déjà condamné pour participation à une filière jihadiste, a suivi à la lettre les consignes du groupe Etat islamique (Daesh), qui place les forces de l'ordre occidentales en tête de ses cibles.
Lundi soir, pendant qu'il parlait aux policiers d'élite du Raid qui encerclaient la maison dans laquelle il s'était retranché en région parisienne, Larossi Abballa a affirmé "avoir prêté allégeance trois semaines plus tôt au commandeur des croyants de l'Etat islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, et a ajouté avoir répondu à un communiqué de cet émir qui demandait, je cite, de +tuer des mécréants, chez eux avec leur famille+", a déclaré mardi le procureur de Paris François Molins.
Le porte-parole officiel de l'EI, le Syrien Abou Mohammed Al-Adnani, ne cesse d'exhorter ses partisans à passer à l'action dans leurs pays d'origine contre les policiers et les militaires des pays de la coalition engagée dans la lutte contre cette organisation, en Syrie et en Irak.
En quatre ans, sept policiers et militaires ont perdu la vie dans des attaques islamistes en France.
Dans un message audio diffusé en septembre 2014 par Al Furqan, le principal média de l'EI, Abou Mohammed Al-Adnani lance : "Levez-vous, monothéistes, et défendez votre Etat à partir de votre lieu de résidence, où qu'il soit (...) Attaquez les soldats des tyrans, leurs forces de police et de sécurité, leurs services de renseignement et leurs collaborateurs".
Comme Larossi Abballa, tué dans l'assaut des forces de l'ordre et qui s'est servi d'un simple couteau, Abou Mohammed Al-Adnani encourage ceux qu'il nomme "les soldats du califat" à utiliser n'importe quelle arme disponible.
"Si vous ne pouvez pas faire sauter une bombe ou tirer une balle", leur dit-il, "débrouillez vous pour vous retrouver seul avec un infidèle français ou américain et fracassez-lui le crâne avec une pierre, tuez-le à coups de couteau, renversez-le avec votre voiture, jetez-le d'une falaise, étranglez-le, empoisonnez-le".
"Ne consultez personne et ne cherchez de fatwa de personne", poursuit-il dans cet enregistrement, qui a depuis été partagé et diffusé par des milliers de sites internet. "Que l'infidèle soit combattant ou civil est sans importance. Leur sentence est la même : ce sont tous deux des ennemis. (faire couler) Leur sang est permis".
Ministre des attentats
Celui que les milieux jihadistes nomment "le cheikh Adnani" est au fil des mois devenu un personnage important au sein de l'EI, au point que les services de renseignement occidentaux ont tendance à le considérer comme le "ministre des attentats", qui pourrait être chargé, en plus de motiver des jihadistes isolés, de superviser des campagnes de terreur en Occident.
Originaire de la région d'Idlib, dans le nord de la Syrie, il s'est illustré dans le jihad antiaméricain en Irak, où il s'est rendu dès 2003.
Larossi Abballa s'est filmé et a diffusé sur Facebook des images prises à l'intérieur de la maison du couple assassiné, juste avant l'assaut donné par la police. Selon le journaliste David Thomson, qui les a visionnées avant qu'elles ne disparaissent, il y revendiquait son intention de "mener des attaques comme l'a demandé le cheikh Al-Adnani".
Depuis mars 2012, et l'assassinat par Mohamed Merah de trois militaires à Toulouse et Montauban (sud), les policiers et les soldats français ont régulièrement été pris pour cible par des jihadistes, agissant le plus souvent isolément.
Ainsi, en décembre 2014, un jeune homme agresse avec un couteau, au cri d'"Allah akbar", des policiers en faction devant le commissariat de Joué-les-Tours (centre).
En janvier 2015, deux policiers meurent dans des attentats islamistes à Paris commis par les frères Chérif et Saïd Kouachi. Puis une policière municipale est abattue près de la capitale par Amédy Coulibaly qui va le lendemain attaquer un supermarché casher.
Un an plus tard, le 7 janvier 2016, c'est encore à l'arme blanche (un hachoir de boucher) qu'un jeune Tunisien tente d'attaquer les policiers en faction devant un commissariat parisien. Il est abattu avant de pouvoir s'en servir. Ce qui ressemblait à une ceinture explosive nouée autour de sa taille s'est révélée factice.
Larossi Abballa était quant à lui surveillé, a précisé le procureur Molins, avec des écoutes téléphoniques et des mesures de géolocalisation dans le cadre d'une enquête antiterroriste, mais il est resté prudent et n'a rien révélé qui aurait permis de déceler "la préparation d'un acte violent".