L’ayatollah Issa Qassem ainsi que des dignitaires religieux bahreinis ont vivement condamné le ciblage par le régime des alKhalifa du devoir musulman d’accomplir le Khoms soit le tribut d’un cinquième des épargnes annuelles..
La tension reste vive dans ce petit pays de la péninsule arabique secoué par des manifestations depuis 2011 et où se succèdent les arrestations et condamnations d'opposants et de défenseur des droits de l'homme. Mais surtout, le régime des alKhalifa a décidé de porter atteinte à la liberté religieuse en interdisant les chiites de remplir leur devoir de Khoms soit un tribut qui consiste à offrir aux instances religieuses le cinquième de leur épargne annuelle, pour les redistribuer aux plus démunis.
Renforcement des mesures sécuritaires repressives
Selon le site alManar, les forces de sécurité à Bahreïn ont executé des mesures répressives dans les rues de la capitale, Manama, en érigeant des barrages routiers et des points de contrôle sans compter la fermeture d'un certain nombre de routes. Alors que les citoyens avaient appelé à accomplir la prière de midi dans la mosquée de l'Imam Sadiq (P) et d'écouter le discours de M. Abdullah Algriffi.
La décision prise par les autorités d'empêcher cette prière a pour prétexte qu'elle constitue selon elles un rassemblement illégal.
Du coup, la rue s'est enflammée à nouveau: selon la chaine arabe alMayadeen des manifestations se sont déroulées dans différents quartiers alors que la police a poursuivi les manifestants avec gaz lacrymogènes , les rouant de coups.
Atteinte à la liberté religieuse
L'ayatollah Issa Qassem ainsi que des dignitaires religieux bahreinis ont vivement condamné le ciblage par le régime des alKhalifa du devoir musulman d'accomplir le Khoms, un des piliers de la doctrine chiite de l'école des Ahl Beit, a rapporté la chaine satellitaire iranienne alAlam.
Les hauts dignitaires religieux à Bahreïn ont estimé cette interdiction de la part des autorités religieuses d'accomplir ce devoir religieux comme étant une atteinte criante à la liberté de croyance et refuse toute négociation sur cette question religieuse légitime car elle est déjà résolue au niveau doctrinale.
Dans une déclaration signée par l'ayatollah Qassem et par des dignitaires religieux, les bahreinis estiment que le ciblage du devoir du Khoms est une atteinte flagrante à la liberté de pratique religieuse, une liberté garantie par la Charte, la Constitution et par toutes les chartes internationales.
Les dignitaires religieux rejettent tout préjudice à cette liberté et ne permettront pas de négocier sur cette question au nom de l'Imam al-Sadiq (paix soit sur lui) qui a été déjà résolue tant sur les plans doctrinaire que légitime..
L'opposition frappée de plein fouet par le régime
L'opposition est devenue la cible principale des autorités depuis que le dialogue national mis en place pour encourager une discussion au sein de l'ensemble de l'éventail politique à Bahreïn a pris fin en 2014 - al Wefaq ayant boycotté les élections législatives et municipales de novembre 2014.
L'arrestation de cheikh Ali Salman, secrétaire général d'alWefaq qui est intervenue tout juste un mois plus tard, était clairement motivée par des considérations politiques.
Il rejoint derrière les barreaux les dirigeants de l’opposition Fadhel Abbas Mahdi Mohamed, du parti al Wahdawi, et Ebrahim Sharif, du parti al Waad, ainsi que d'autres opposants pacifiques, parmi lesquels les « 13 de Bahreïn », groupe de militants condamnés en 2011, dont certains purgent des peines de réclusion à perpétuité.
D'anciens députés membres d'AlWefaq ont été déchus de leur nationalité. Ses locaux ont été fermés et ses fonds gelés. Les activités du principal groupe de l'opposition chiite à Bahreïn ont été suspendues mardi après qu'il eut été accusé de violer la loi. L'Arabie-saoudite et les EAU ont applaudi cette mesure prise par le régime des Khalifa!
Le groupe d'opposition est en outre menacé de dissolution. Il lui est reproché d'avoir « favorisé le terrorisme et l'extrémisme », selon le ministère de la Justice. Pourtant, l'essentiel de l'action de l'opposition est exclusivement pacifique.
9 ans pour cheikh Salmane
Rappelons qu'une cour d'appel de Bahreïn a multiplié par plus de deux la durée de la peine d’emprisonnement du cheikh Ali Salman. Celui-ci est désormais condamné à neuf ans d'emprisonnement au lieu de quatre, pour avoir critiqué pacifiquement le gouvernement dans deux discours. Les autorités bahreïnies ont ainsi fait voler en éclats l'illusion que les droits humains et les réformes faisaient partie de leurs priorités actuelles.
La décision dont a fait l’objet cheikh Salman, un des chefs de file de l'opposition, bénéficiant d’un large soutien de la communauté chiite, illustre la politique de tolérance zéro de la dissidence pacifique à Bahreïn. Elle confirme également ce que les organisations de défense des droits humains internationales soupçonnaient déjà : les autorités bahreïnies ne se sentent plus obligées de montrer qu'elles se soucient des réactions de la communauté internationale face à la dégradation de leur bilan en matière de droits humains.
Plusieurs experts des Nations unies et le gouvernement américain ont condamné cette décision et ont demandé la libération du cheikh Salman. Cette réaction contraste avec celle, très modérée, du ministre britannique des Affaires étrangères, Philip Hammond, qui s'est contenté de souligner l'existence d'une « autre étape dans la procédure judiciaire », mettant ainsi en lumière l’hypocrisie du gouvernement britannique en ce qui concerne Bahreïn. Le Royaume-Uni, qui construit une grande base navale à Bahreïn, a de nombreuses fois trouvé des excuses aux dirigeants bahreïnies, répétant, à tort, que le petit royaume du Golfe « faisait des progrès » en matière de réformes.
Rapport d'enquête déformé
Il y a maintenant presque cinq ans que le roi a accepté les recommandations de la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn, qui avait été mise en place pour enquêter sur la violente répression des manifestations antigouvernementales de 2011. Bahreïn a eu presque cinq ans pour démontrer au monde que le pays avait fait de réels progrès en matière de respect et de promotion des droits humains, qu'il avait appris des erreurs commises par le passé et qu'il pouvait servir d'exemple à d'autres pays du Moyen-Orient.
En mai, les propos du président de la Commission d’enquête indépendante, Cherif Bassiouni, ont été déformés dans un article de l'agence de presse officielle Bahrain News Agency affirmant que toutes les recommandations de la Commission avaient été pleinement mises en œuvre. À la suite de cela, les autorités bahreïnies se sont félicitées et ont remercié les commissaires pour leur travail « dévoué » et « assidu » pour atteindre leurs objectifs. L'ambassadeur britannique à Bahreïn a même publiquement salué cette déclaration.
Cherif Bassiouni a cependant réfuté les allégations de l'article samedi dernier, soulignant le fait que seules 10 des recommandations avaient été « en grande partie mises en œuvre » et que 16 avaient été « partiellement » mises en œuvre.
Le régime asphixie son peuple
Les personnalités politiques ne sont pas les seules cibles des autorités. Les sanctions contre la dissidence pacifique vont de la prison à des interdictions de voyager, la déchéance de nationalité et plus récemment, l'expulsion du pays. Les personnes qui veulent exprimer pacifiquement leur mécontentement font face à des obstacles et une persécution implacable.
Les manifestations publiques sont interdites dans la capitale Manama depuis 2013. Les manifestations en dehors de la ville sont régulièrement réprimées à coups de gaz lacrymogène et de tirs d’armes à feu.
Les militants bahreïnies se sont tournés vers les réseaux sociaux pour exprimer leurs opinions, mais les publications et même les partages de publications sur Twitter peuvent de plus en plus se transformer en un aller simple pour la prison. Il n'existe pratiquement plus aucun espace permettant à la population de Bahreïn d'exprimer pacifiquement ses opinions.
La répression à Bahreïn a conduit plusieurs militants à quitter le pays pour demander l'asile en Europe, et certains de ceux qui sont restés appliquent maintenant une autocensure, car presque tout ce qu'ils disent peut être utilisé par les autorités pour les poursuivre, comme dans le cas du cheick Ali Salman.
En effet, la répression du régime est sans limite puisqu'elle touche aussi la nationalité des bahreinis . Ainsi, un tribunal de Bahreïn a condamné jeudi 8 chiites à 15 ans de prison chacun et au retrait de leur nationalité pour avoir formé un parti chiite bahreini, selon une source judiciaire.
Les huit prévenus ont été reconnus coupables d'avoir fondé en 2014 le Hezbollah bahreïni avec l'objectif d'empêcher l'application de la loi et d'entraver l'action des institutions de l'Etat, tout en recourant au terrorisme, a ajouté la même source.
Ils sont accusés de détention d'armes et de tentative de meurtre sur des policiers, qui intervenaient pour disperser une manifestation le 23 juin 2014 à Nuwaidrat, un village chiite au sud de Manama, selon la même source.
Deux autres personnes, jugées dans la même affaire, ont été condamnées à trois ans de prison chacune pour participation à une manifestation non autorisée, a indiqué cette source.
La condamnation des membres du groupe fait suite aux décisions de la justice bahreïnie cette semaine de suspendre les activités d'Al-Wefaq, le principal groupe de l'opposition chiite, et d'arrêter l'opposant et militant des droits de l'Homme, Nabil Rajab.
En outre, l'organisation Reporters sans frontières (RSF) a déploré jeudi la condamnation en appel lundi du photographe bahreini Sayed Ahmed Al Mousawi à 10 ans de prison et au retrait de sa nationalité alors qu'un blogueur, Ali al-Maaraj, sorti de prison le 5 avril, a de nouveau été arrêté le 5 juin à l'aéroport de Manama sans mandat d'arrêt.
Dans un communiqué, l'organisation de défense de la liberté d'expression condamne fermement les poursuites et les peines injustes à l'encontre des journalistes et blogueurs harcelés par la justice dès lors qu'ils sont critiques.
Accuser de soutien au terrorisme un journaliste qui n'a fait que prendre des photos pour couvrir une manifestation est scandaleux et inacceptable, a déclaré Alexandra El Khazen, responsable de RSF pour le Moyen-Orient, qui demande aux autorités bahreïnies de libérer les journalistes emprisonnés pour avoir exercé leur profession.
Bahrein se place en 162ème position sur 180 du classement mondial de la liberté de la presse établi en 2016 par RSF.
Sources: alAlam, alMayadeen, Amnesty international, AFP, alManar, Reuters.