La priorité de la Turquie est de lutter non seulement contre les terroristes de Daech, mais aussi contre les Kurdes.
Lundi, les médias turcs ont cité leur ministre des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu, qui a déclaré qu’Ankara était prête à permettre à l'armée russe d'utiliser la base aérienne d'Incirlik. Si l'information a été démentie par l'intéressé, Moscou a-t-elle vraiment besoin de la base turque pour ses opérations anti-terroristes?
"Nous allons coopérer avec tous ceux qui luttent contre Daech. Nous l’avons fait pendant un certain temps, et nous avons ouvert la base d'Incirlik pour ceux qui veulent lutter contre les terroristes. Pourquoi ne pas coopérer avec la Russie? Daech est notre ennemi commun, et nous devons lutter contre cet ennemi", a déclaré Mevlut Cavusoglu lors de son interview télévisée.
Mais M.Cavusoglu a fait machine arrière, en disant qu'il avait été mal compris et mal traduit. Cela n'a pas empêché les spécialistes de se pencher sur la question.
"La chose principale est que Cavusoglu a confirmé que la Turquie est prête à coopérer avec la Russie. Tenant compte des dernières déclarations d'Ankara, le gouvernement turc semble vraiment avoir entrepris un changement dans la politique régionale, en particulier en ce qui concerne la Syrie", a expliqué Anna Glazova, à la tête du Centre pour l'Asie et le Proche-Orient à l'Institut russe d'études stratégiques.
Apparemment Ankara a changé d’avis parce que sa politique du "Assad doit partir" n’a apporté que des problèmes à la Turquie, a noté Mme Glazova, faisant échos au problème des réfugiés et aux récents attentats qui ont frappé le pays.
En outre, pour le moment la priorité de la Turquie est de lutter non seulement contre les terroristes de Daech, mais aussi contre les Kurdes.
D'après Mme Glazova, la Russie n'a absolument pas besoin de cette base, car elle dispose déjà d'une capacité suffisante pour mener efficacement des opérations militaires en Syrie. Par conséquent, le battage autour de la base d'Incirlik n'est qu'une tentative d’Ankara de persuader Moscou de ne pas soutenir la fédéralisation de la Syrie et la création d'une zone kurde indépendante.
Alexei Obraztsov, chercheur principal au Centre russe pour les études asiatiques et africaines à l’École des hautes études en sciences économiques, a suggéré que la Russie n'accepterait sous aucun prétexte l’offre d’Ankara.
"Même si une telle offre a été faite, il est peu probable que la Russie utilise la base d’Incirlik. Cette base abrite des forces de l'Otan, il y a l'infrastructure de l'Otan.", a estimé M. Obraztsov.
Le site russe d'informations Vzglyad s'est montré, à son tour, sceptique envers l'idée de déployer des troupes russes à Incirlik.
"Pour le contingent russe en Syrie, et plus largement, pour la présence militaire russe dans la région, Incirlik ne présente aucun intérêt. Indirectement, la base pourrait être utile pour effectuer des opérations dans le nord de l'Irak… Mais Moscou est tout à fait capable de trouver un accord avec Bagdad, s'il jugeait nécessaire de le faire… "
À l'heure actuelle, en plus des forces aériennes turques, la base d’Incirlik est utilisée par les forces américaines, allemandes, britanniques et qataries. Washington considère cette base comme l'épine dorsale de sa présence dans la région. Certains affirment que les USA y auraient déployé des bombardiers B-61 chargés de bombes nucléaires qui sont également déployées en Europe.