Une délégation de l’Union européenne qui se trouvait à Damas le 10 juillet dernier a rencontré le président syrien.
Le prochain James Bond prendra-t-il pour cadre les relations entre l’Union européenne et la Syrie? Les récents voyages effectués par des cadres du renseignement et des députés européens entre les deux zones permettent de poser la question.
Une délégation de l’Union européenne a rencontré le président Bachar el-Assad le 10 juillet à Damas. Un événement inédit depuis le début de la guerre en 2011. Le 9 juillet, Alberto Manenti, directeur du service du renseignement italien, atterrissait à Damas. Peu de temps avant, son homologue de la Direction générale de la sécurité syrienne, Mohammed Dib Zaiton, faisait le voyage inverse.
Derrière ces intrigues dignes d’un film d’espionnage, on trouve une réalité bien plus inquiétante. L’Europe est sous la menaces d'attaques djihadistes comme jamais dans son histoire. La Syrie possède des informations d’une importance primordiale sur les individus à risque. Mais Damas a la ferme intention de les monnayer cher. Son prix ? Une normalisation des relations avec l’Union européenne !
Coup de poker
Scène mystérieuse à l’aéroport de Rome. Sous la chaleur écrasante du mois de juillet, un homme descend d'un avion entouré d'une délégation. Il vient d'atterrir dans la capitale italienne en provenance de Beyrouth. Malgré l’invitation qui lui a été adressée par le gouvernement italien, il n’est pas censé se trouver là. Et pour cause, il s’agit de Mohammed Dib Zaitoun, directeur général de la sécurité syrienne et homme de confiance de Bachar el-Assad. Visé par les sanctions européennes décrétées contre la Syrie, il n’est pas autorisé à se rendre dans l’Union européenne.
Pourquoi Matteo Renzi, Premier ministre italien, a-t-il invité le chef du renseignement syrien et l’a logé dans une villa dont l'Etat est propriétaire ? La réponse se trouve dans les décombres des attentats de Paris, Bruxelles et de toutes les attaques djihadistes qui ont récemment frappé l’Europe. Malgré la pression américaine et l’hostilité apparente de nombreuses chancelleries européennes envers Bachar el-Assad, la donne a changé. Pour contrer efficacement la menace islamiste, il faut des informations solides. Et Damas en possède énormément.
Mais les autorités syriennes n'ont pas l'intention de fournir gratuitement les renseignements qu'elles détiennent sur les djihadistes qui risquent de frapper l’Europe.
Selon Bernard Squarcini, ancien directeur du renseignement français, Manuel Valls a refusé en 2013 une liste de Français combattant en Syrie fournie par les services secrets syriens. Ces derniers souhaitaient en échange une reprise de la collaboration avec leurs homologues français. Aujourd’hui, c’est carrément une normalisation des relations avec l’UE que Damas réclame. Et la visite de Mohammed Dib Zaitoun à Rome pourrait n’être que le point de départ de cette partie de poker européo-syrienne.
Quand l’UE se rend à Damas
Quelques jours après le déplacement du chef des renseignements syriens en Italie, c’est son homologue transalpin qui a fait le voyage en sens inverse. Le 9 juillet, le général Alberto Manenti est arrivé à Damas pour s’entretenir avec de hauts responsables syriens, ainsi qu’avec le président Assad. La délégation italienne a fait le voyage pour tenir «des négociations concernant la normalisation des relations bilatérales italiano-syriennes, l’abolition des embargos de l’Union européenne étant donné qu'il s'agit d'une condition posée par le gouvernement syrien pour toute coopération possible en matière de sécurité».
Selon Gulf News, Alberto Manenti a proposé d'ouvrir une nouvelle page dans les relations entre les deux pays. En échange, Damas doit s’engager à privilégier le dialogue politique avec l’opposition et à démarrer une véritable transition démocratique. La véritable nouveauté, toujours selon Gulf News, se situe dans la demande du responsable italien qui souhaiterait une réforme du gouvernement plutôt que le départ de Bachar el-Assad.
La Syrie serait prête à fournir aux Européens l’intégralité de ses informations sur les djihadistes potentiels une fois que leurs relations auront été normalisées. Des listes partielles ont déjà été données à plusieurs occasions. Cet été et même s'il figure sur la liste noire des personnes indésirables dans les pays de l'Union européenne, le général Ali Mamlouk, à la tête du Bureau national syrien de la sécurité, s’est rendu à Berlin pour échanger des informations avec ses homologues du contre-espionnage allemand.
Selon des sources à Damas mentionnées par Gulf News, les Italiens ont promis de déclencher une initiative menée par la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, dans les «prochaines semaines». Elle viserait à réduire le spectre des sanctions économiques contre la Syrie si Damas accepte de fournir davantage d’informations sur les terroristes potentiels et amorce «une véritable transition politique».
Il semblerait que l’inflexion des relations européo-syriennes soit en bonne voie. Une délégation du Parlement européen s'est rendue à Damas le 10 juillet.
Des rencontres avec Bachar el-Assad, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, ainsi qu’un certain nombre de personnalités de l’opposition étaient au programme.
Un tournant notable dans les relations entre la Syrie et l’Union européenne, gelées depuis le début de la guerre en 2011. Reste à voir comment ce renouveau diplomatique va évoluer. Les chancelleries marchent sur le fil du rasoir mais les deux camps ont besoin l'un de l'autre pour entamer de véritables négociations.
Source : Russia Today