Comme si la Russie et tous les autres n’existaient pas.
La tête du front al-Nosra en échange de l’exclusion aérienne imposée à l’aviation militaire syrienne : telle semble être à première vue l’essence de la proposition américaine faite par la voix du secrétaire d’Etat John Kerry au président russe Vladimir Poutine, dans la soirée de jeudi.
Selon le quotidien libanais assafir, alors que Moscou s’attelle depuis plusieurs mois pour persuader les Américains de renoncer à la branche d’Al-Qaïda en Syrie, ces derniers lui ont suggéré de clouer au sol les bombardiers et les hélicoptères syriens et d’interdire leur utilisation sauf dans les cas exceptionnels.
La proposition américaine qui s’est étalée dans un document de 8 pages n’a pas manqué d’être escortée par des menaces latentes. Le responsable américain a réitéré de nouveau qu’au cas où les pourparlers échouent, Washington aura à suivre une nouvelle approche « car la patience des Américains n’est pas sans limite pour qu’ils consacrent entièrement leur temps à une opération diplomatique qui n’apporte pas les résultats escomptés ».
Le plan américain stipule la création d’une cellule d’opération conjointe américano-russe en Jordanie, comprenant des experts militaires, des membres des services de renseignements des deux pays, et des traducteurs.
Mais l’essentiel dans la suggestion américaine est de délimiter les régions qui localisent une présence intense du front al-Nosra et de Daesh, et de les démarquer des autres zones où leur présence est éparse, là où leurs effectifs ne dépassent pas les 50. Elle exclut des frappes contre les quartiers généraux du Nosra qui se trouvent au coté de ceux des autres groupuscules.
Et quand bien même leurs positions devaient être bombardées, un accord au préalable devrait être conclu, au moins 24 heures avant la date fixée. Sauf si c’est le front al-Nosra qui lance l’assaut. Mais là-aussi, il faut en informer la Force d’exécution conjointe (FEC), un jour à l’avance.
Dans ce cas, l’armée syrienne n’aura le droit que de bombarder le front al-Nosra dans les zones qu’il vient de conquérir et non pas ses bases arrières. L’aviation russe peut dans ce cas venir en aide aux Syriens.
En fonction du papier américain, devraient être mises en place des mécanismes de surveillance et d’imposition du cessez-le-feu à l’armée syrienne et à ses activités aériennes au dessus des zones déterminées. Les deux protagonistes auraient à collecter des renseignements sur toutes ses activités : ses effectifs , ses formations, et de l’obliger à présenter quotidiennement toutes les informations liées aux changements introduits dans le déploiement de ses appareils. Un mécanisme devrait aussi être conclu conjointement pour l’obliger à garder ses avions au sol.
La FEC aura à rendre compte de toutes les violations de l’armée syrienne et dans les cas exceptionnels où elle aura à intervenir, la Russie se doit d’informer les Américains d’avance de tous les détails qui lui sont liés : l’unité qui en est chargé, le temps nécessaire pour le réaliser…
L’armée syrienne devra se plier à cette même procédure quand bien même elle décide de bombarder des positions de Daesh.
Le plan américain stipule la synchronisation de ces mesures avec la réalisation de trois objectifs : le premier étant la mise en place d’une coopération dans le domaine des renseignements entre Américains et russes jusqu'à la défaite de Daesh et du front al-Nosra ; le deuxième étant de faire évoluer l’arrêt des hostilités vers une trêve continue au niveau de tout le pays, et le troisième étant la concordance de ces démarches avec la solution politique tout en appliquant les clauses liés au déploiement des forces , à la confiscation des armes lourdes et à l’interdiction du flux des armements vers la Syrie, via des mesures indépendantes de contrôle , de détection et d’application.
Selon le journal Assafir, il est clair que ces clauses constituent une violation flagrante des résolutions internationales, notamment la 2254, qui insiste sur la cessation du flux d’armes et de miliciens vers la Syrie. Elles semblent aussi mettre sur le même pied d’égalité les milices armées et l’armée syrienne.
S’agissant du processus politique qui devrait accompagner ces mesures, il s’obstine à exiger un transition politique à Damas, jusqu'à la destitution du président syrien Bachar al-Assad, à l’insu de l’équilibre des forces établi sur le terrain, et ramène la discussion politique à la case départ.
Rien de plus claire d’après ce plan proposé aux Russes par les Américains : pour qu’ils renoncent au front al-Nosra, ils exigent toute la Syrie en échange. Comme si les autres n'existaient pas.
Avec Assafir