"Qu’ils se regardent d’abord. La France et la Belgique, elles aussi, ont un problème avec le terrorisme. Suite aux attentats, la situation d’urgence a été décrétée et la haine envers les musulmans a atteint son apogée".
Une série de pays, y compris européens, ont abandonné la Turquie, l'ont laissée seule face à le menace de l'agression qu'elle a subie dans la nuit du 15 au 16 juillet, considère le vice-président du Parti de la justice et du développement (AKP) Aktay Yasin.
L'AKP, parti au pouvoir en Turquie, est profondément déçu par le manque de soutien suffisant de la part des pays occidentaux sur le plan de la prévention du coup d'Etat dans le pays, a déclaré dans un entretien exclusif à Sputnik Aktay Yasin.
"Lorsque l'Union européenne se soucie des droits des putschistes, nous commençons à nous demander si ce ne sont pas eux qui se cachent derrière cette histoire. La Turquie a été délaissée. Les ennemis de l'Etat turc deviennent les amis de l'Europe", a-t-il regretté.
"Nous sommes déçus car la première question que l'on nous pose c'est de savoir comment nous allons traiter les putschistes que nous venons d'arrêter. C'est injurieux. C'est dirigé contre la lutte que mène la Turquie. C'est la volonté de l'abandonner. Comme vous le savez, il ne s'agissait pas d'une agression insignifiante. Elle avait pour objectif de mettre la Turquie à genoux. Et en pleine guerre l'on nous demande ce que nous allons faire avec l'ennemi", a pointé Aktay Yasin.
Et d'ajouter que selon lui l'Occident devait au contraire s'intéresser à la punition qu'Ankara prévoyait contre les putschistes qui cherchaient à bafouer les droits des autres, au lieu d'évoquer les droits de l'homme et de reprocher à la Turquie sa violation.
"Qu'ils se regardent d'abord. La France et la Belgique, elles aussi, ont un problème avec le terrorisme. Suite aux attentats, la situation d'urgence a été décrétée et la haine envers les musulmans a atteint son apogée. Nous n'avons jamais demandé quelles mesures ces pays avaient mises en place contre la menace terroriste. Ils ont le droit d'appliquer toutes les mesures du monde, sauf celles qui portent atteinte aux droits de l'homme. Mais ce n'est pas le bon moment pour soulever ce genre de questions", a relaté l'homme politique.
Pour lui, la Turquie, pays plongé dans le deuil, n'a même pas reçu de condoléances appropriées, et ce, malgré plus de 200 victimes et plus de 2.500 blessés.
Revenant sur les événements du 16 juillet qui ont débouché sur un lourd bilan de victimes, M. Yasin a indiqué que c'était une "tentative entreprise par une groupe de suicidaires fous de rage qui pendant 40 ans ont fait des +investissements+ sérieux au sein des structures d'Etats et fomentaient ce renversement du pouvoir. Cette opération a tenté de prendre en otage la volonté, la liberté et la démocratie".
Pour l'homme politique, ce qui distinguait cette tentative de coup d'Etat de toutes les autres que le pays a connues par le passé, c'est que les putschs précédents bénéficiaient du soutien du peuple, et c'est justement pour cette raison qu'ils ont été couronnés de succès.
Revenant sur la volonté du peuple, l'homme politique a attiré l'attention sur le fait que 98% des Turcs voulaient que la peine du mort soit rétablie dans le pays (rappelons que ce débat, récemment réamorcé par Ankara, provoque l'ire en Europe) et que 90% des Turcs exigeaient la peine la plus sévère pour les putschistes. "Ils le demandent dans tous les meetings, et c'est la pression du peuple qui détermine notre décision".
"Mais pendant ce temps, l'Europe se soucie du sort des putschistes, de ceux qui ont lancé des bombes sur le siège du parlement turc", s'est exclamé M. Yasin, avant de faire comprendre que l'Europe menait une politique de deux poids, deux mesures. Il a rappelé qu'"en Egypte 50.000 personnes se sont retrouvées derrière les barreaux à l'issue du dernier coup d'Etat et certains y étaient incarcérés depuis trois ans, et pourtant leur sort ne préoccupe pas l'Europe".
Et de conclure que : "l'Europe prenait sous son aile tous ceux qui s'attaquent à l'Europe, tous ses ennemis. Mais lorsque la Turquie subit une agression, personne ne lui accorde le moindre soutien, ce qui est regrettable".