L’actuel cabinet est accusé d’inefficacité à un moment où la Tunisie traverse une période sensible.
Le Parlement tunisien a comme attendu retiré samedi soir sa confiance au gouvernement de Habib Essid, sous pression depuis que le président Béji Caïd Essebsi s'est dit en faveur d'un cabinet d'union nationale il y a deux mois.
Le gouvernement est désormais considéré comme démissionnaire et le président doit engager des consultations dans un délai de 10 jours pour charger la "personnalité la plus apte" de former un nouveau cabinet.
Les conjectures vont bon train sur le fait de savoir qui sera le successeur de M. Essid, mais aucun nom ne se détache pour l'instant.
Scellé d'avance
Sur les 217 députés (dont 191 étaient présents samedi soir), 118 ont voté contre le renouvellement de la confiance et trois pour, avec 27 abstentions.
Plusieurs élus dont ceux du Front populaire, une coalition d'opposition de gauche, ont annoncé juste avant le vote qu'ils n'y participeraient pas, dénonçant un processus "de pure forme".
Plusieurs partis, dont les quatre au pouvoir (Nidaa Tounès, Ennahda, Afek Tounès et l'UPL), avaient en effet annoncé en amont leur intention de voter la défiance.
M. Essid a lui-même dit être "tout à fait conscient que le vote sera(it) contre lui", expliquant avoir demandé la tenue de la séance pour "exposer les choses au peuple et aux députés".
Cette plénière est le point d'orgue d'un feuilleton qui a commencé le 2 juin, lorsque le chef de l'Etat s'est prononcé pour un gouvernement d'union.
Formé il y a un an et demi et remanié en janvier, l'actuel cabinet est accusé d'inefficacité à un moment où la Tunisie traverse une période sensible.
Car si ce pays a réussi sa transition politique après la révolution de 2011, son économie est en crise et il a été visé par plusieurs attentats takfiristes sanglantes.
M. Essid, qui n'avait pas été informé de l'initiative par le chef de l'Etat, avait d'abord dit être prêt à démissionner si l'intérêt de la Tunisie l'exigeait. Il a ensuite annoncé qu'il ne partirait que si le Parlement lui retirait sa confiance.
Samedi, si plusieurs députés ont salué l'"intégrité" de M. Essid, ils ont aussi critiqué son bilan.
Un élu de Nidaa Tounès, Abdelaziz Kotti, a ainsi évoqué "une grande crise économique (...) et un gouvernement incapable de trouver des solutions et de donner de l'espoir aux Tunisiens".
"Le temps est venu d'un changement (...). Le rendement (du gouvernement) est encore trop faible", a renchéri l'ex-Premier ministre Ali Larayedh, d'Ennahda.
"Le gouvernement a fait son devoir dans plusieurs domaines (...) mais il y a des domaines dans lesquels on ne peut arriver à des résultats concrets (...) en un an et demi", a répondu M. Essid.
'Surprise' et pressions
A l'ouverture de la plénière samedi matin, il avait tancé les partis politiques, les accusant de "faire mine d'oublier" les progrès réalisés selon lui contre le terrorisme et la cherté de la vie, ainsi que l'élaboration d'un plan quinquennal.
M. Essid a aussi redit sa "surprise" quant à l'initiative du président, qui a provoqué l'incertitude et paralysé le travail du gouvernement selon lui.
Applaudi à plusieurs reprises pendant son discours, il a de nouveau évoqué des pressions pour le pousser à démissionner et dénoncé une manoeuvre pour se débarrasser de lui.
Ses proches ont attribué, sous le couvert de l'anonymat, ces pressions au camp du fils du chef de l'Etat, Hafedh Caïd Essebsi, un dirigeant de Nidaa Tounès. Ce parti fondé par le président a remporté les législatives de 2014 avant d'imploser et de perdre la première place au Parlement au profit du parti Ennahda.
Samedi, plusieurs journaux se sont montrés préoccupés par la suite.
"Il serait naïf de penser que le sauvetage du pays est tributaire d'un gouvernement d'union nationale", a ainsi jugé Le Quotidien. "C'est dire que l'après-Essid ne s'annonce guère (être) une promenade de santé".
Tout en évoquant les graves difficultés économiques et sociales de la Tunisie ainsi que "la menace terroriste toujours présente", M. Essid s'est voulu rassurant.
"Nous avons de grands problèmes mais nous avons (...) les hommes et les femmes qui ont les compétences pour (y) faire face", a-t-il assuré.
Avec AFP