"Le FMI n’était ni utile ni nécessaire en Europe", a assuré la porte-parole du gouvernement grec, Olga Gerovassili.
Le FMI sous emprise européenne: l'accusation, récurrente depuis le premier plan d'aide grec en 2010, ressurgit aujourd'hui au moment où la zone euro fait pression sur l'institution pour qu'elle se réengage financièrement auprès d'Athènes.
Ce lobbying a un but bien précis, à savoir contraindre le Fonds monétaire international, qui n'a plus prêté le moindre centime à la Grèce depuis plus de deux ans, à contribuer au vaste plan d'aide accordé par les Européens à Athènes en 2015.
Jusqu'ici, le FMI, qui a participé aux deux précédents sauvetages internationaux de la Grèce, résiste et réclame des garanties à Athènes sur les réformes et à Bruxelles sur un allègement de la dette grecque. Mais pour combien de temps encore?
Selon un sévère audit interne publié récemment, le FMI avait fini par céder aux Européens en 2010 en renflouant massivement la Grèce, au mépris de ses règles internes et en dépit de doutes sur la viabilité de la dette du pays.
Cette décision controversée a ébréché la crédibilité du FMI et fait bondir certains pays émergents, prompts à dénoncer un traitement de faveur.
La situation est, à certains égards, différente en 2016. Les craintes suscitées par un effondrement grec ont reflué malgré une récession persistante, et la zone euro, désormais dotée de son propre fonds de secours, a moins besoin des ressources du FMI que de son expertise dans l'évaluation des réformes.
« Enormes pressions »
Mais les pressions, elles, n'ont pas disparu. L'Allemagne a posé, noir sur blanc, la participation financière du FMI comme une condition de son propre engagement et n'y voit pas matière à discussion. "Le FMI participera avec un programme de 3 à 4 ans", avait tranché son ministre des Finances Wolfgang Schuble en mai dernier.
Fin 2015, la France avait elle aussi dit n'avoir "aucun doute" sur la participation financière du FMI.
Sous couvert d'anonymat, un responsable du FMI l'a d'ailleurs reconnu la semaine dernière: "Tout le monde sait que nous subissions une énorme pression européenne à l'été dernier pour avoir un programme commun", a-t-il déclaré.
Tout le monde sait que nous avons subi d'importantes pressions il y a quelques mois pour la même raison".
La voix des Européens peut difficilement être ignorée au FMI. En tant que bloc, ils disposent des plus importants droits de vote au conseil d'administration, l'instance qui approuve les plans d'aide. Les Etats-Unis en restent toutefois le premier actionnaire individuel.
L'équation est, dès lors, compliquée pour le FMI qui doit se décider d'ici la fin de l'année: s'il accepte de renflouer de nouveau la Grèce, certains y verront immanquablement la main des Européens.
Mais s'il s'abstient faute d'avoir des certitudes économiques suffisantes, le FMI prend le risque de diffuser l'idée que le plan européen est voué à l'échec.
"C'est le casse-tête auquel ils font face", assure à l'AFP Peter Doyle, un ex-responsable du département Europe du FMI. "S'ils y vont, ils vont donner l'impression de se coucher. S'ils n'y vont pas, ils prennent le risque de faire naître de nouvelles craintes".
Déjà fragilisée par le Brexit, l'Europe ne peut toutefois guère s'offrir le luxe d'une nouvelle crise grecque.
Cette nouvelle épreuve peut toutefois servir d'exutoire pour le FMI et lui permettre d'affirmer son indépendance vis-à-vis de ses Etats membres.
"Il y a un besoin pour le FMI de reconstruire sa crédibilité. En restant financièrement en dehors de la Grèce, le Fonds dirait au reste du monde +nous admettons que nous avons été politiquement utilisés et nous ne voulons plus de ça à l'avenir", indique à l'AFP Desmond Lachman, un ancien responsable du FMI.
Un FMI débarrassé de parasitages politiques? M. Doyle n'y croit guère et assure que les Etats-Unis et l'Europe continueront de dicter les règles du jeu.
« Ce sont leurs voix qui comptent et cela a toujours été le cas", dit cet expert, qui a claqué la porte de l'institution en 2012.
Principale concernée, la Grèce a, elle, profité de ces nouvelles accusations pour s'en prendre à une institution honnie à Athènes. "Le FMI n'était ni utile ni nécessaire en Europe", a assuré la porte-parole du gouvernement, Olga Gerovassili.