"Nous n’avons pas besoin que l’empire nous fasse cadeau de quoi que ce soit".
Pour son 90e anniversaire, samedi, Fidel Castro s'en est pris aux Etats-Unis dont il a rappelé les tentatives répétées de l'assassiner alors que Cuba est en plein rapprochement avec son vieil ennemi de la Guerre froide.
Dans un article intitulé "L'anniversaire" publié vendredi soir dans la
presse d'Etat, le père de la révolution cubaine qui s'est retiré de la vie
publique en 2006 pour raisons de santé, laissant la place à son frère Raul, a
de plus reproché à Barack Obama d'avoir manqué de "hauteur de vue" au cours de sa visite historique en mai à Hiroshima.
"Le discours du président américain au Japon était dépourvu d'excuses pour
le massacre de centaines de milliers de personnes à Hiroshima, même s'ils (les
Etats-Unis) connaissaient les effets de la bombe", a ainsi estimé Fidel Castro,
dont l'anniversaire ne doit en principe donner lieu à aucune cérémonie
officielle.
Il rappelle aussi la confrontation avec Washington lorsqu'il était à la
tête de Cuba.
"J'ai presque ri face aux plans machiavéliques des présidents américains",
assure celui qui, d'après les services de renseignement cubains, a été la cible
de 634 complots entre 1958, l'année ayant précédé son arrivée au pouvoir, et
2000.
Parallèlement, le "Comandante" a rendu un hommage appuyé aux "grandes
puissances" que sont la Chine et la Russie, dont l'homme fort, Vladimir
Poutine, a, de son côté, souhaité "bonne santé, longévité, vitalité et
prospérité" à son "cher ami" cubain.
Depuis des semaines à Cuba, une multitude d'affiches à son image rendent
hommage à l'un des hommes les plus influents et les plus controversés du XXe
siècle, tandis qu'une visite de son principal allié dans la région, le chef de
l'Etat vénézuélien, n'est pas à exclure - "Nous célébrerons les 90 ans de cet
homme qui est aussi immortel", a dit Nicolas Maduro .
- Plus présent que jamais -
Et s'il a abandonné le pouvoir au profit de son frère Raul, 85 ans, Fidel
Castro reste plus présent que jamais dans cette île.
A Cuba, "Fidel c'est tout, c'est le sport, la culture... c'est la
rébellion. Le Cubain est rebelle à cause de Fidel", s'enflamme Manuel Bravo,
vitrier de 48 ans, face à l'un des nombreux bâtiments de La Havane sur lequel
on peu lire le slogan : "Fidel, 90 ans et bien plus".
Fidel, c'est l'homme qui a instauré un régime socialiste à parti unique,
fortement critiqué sur la scène internationale pour les nombreuses violations
des droits de l'Homme.
Mais c'est aussi celui qui a apporté santé et éducation gratuites à des
millions de Cubains, en grande majorité pauvres.
Elle est loin, l'image de l'impétueux guérillero entré triomphalement à La
Havane en 1959 : aujourd'hui, c'est un vieil homme à la barbe blanchie, diminué
par une sévère crise intestinale il y a quelques années, qui vit retiré dans sa
maison de La Havane, où il ne reçoit que de rares visites de personnalités.
Sa dernière apparition publique remonte au 19 avril, pour la clôture du
Congrès du parti communiste cubain. On l'a vu assis, en survêtement bleu,
admettant la voix tremblante : "Bientôt j'en aurai fini comme tous les autres.
Notre tour viendra à tous".
Pas de quoi émouvoir ses plus fervents opposants, qui n'ont pas oublié les
années de répression.
"Je ne sais pas si je pourrai lui souhaiter un bon anniversaire", confie
ainsi à l'AFP Marta Beatriz Roque, une dissidente de 71 ans.
Même éloigné du pouvoir, Fidel Castro continue toutefois d'exercer "une
influence indirecte à travers certaines figures du régime, qui sont mal à
l'aise avec les réformes de Raul", explique à l'AFP Kevin Casas-Zamora,
professeur de sciences politiques à Oxford.
Sa seule présence physique sert de "rempart contre les réformes économiques et politiques les plus agressives", estime-t-il.
Mais Fidel n'a pu empêcher l'un des changements les plus radicaux survenus
sur l'île : le rapprochement diplomatique historique entamé en 2015 avec les
Etats-Unis.
Publiquement, l'ex-dirigeant ne s'est pas opposé à cette réconciliation,
mais il est resté ferme dans ses positions : "Nous n'avons pas besoin que
l'empire nous fasse cadeau de quoi que ce soit", écrivait-il en mars, une
semaine après la visite de Barack Obama.
Une critique des Etats-Unis qui continue de susciter une certaine
admiration dans la région : "Pour la majorité des Latino-Américains, Fidel
Castro représente la résistance héroïque à l'hégémonie américaine", note sur ce
point Peter Hakim, du groupe de réflexion Dialogue Interaméricain à Washington.