Les députés y voient une "protection des corrompus".
La Chambre des députés a adopté mardi une loi qui permet de poursuivre en justice toute "fausse accusation" de corruption, alors que les députés qui s'y opposent y voient une "protection des corrompus".
Le nouvel article de la loi qui gère la Commission anti-corruption stipule que "toute personne qui propage des rumeurs, ou attribue publiquement à tort à une personne des actes de corruption (...) qui affectent sa réputation, sa dignité et constituent une diffamation, est punissable d'une amende de pas moins de 30.000 JOD (43.000 USD) et ne dépassant pas 60.000 JOD (85.000 USD)".
"Cette loi va museler la presse et même les députés qui n'oseront plus évoquer les cas de corruption. Elle protège en fait les corrompus", a affirmé à la presse le député indépendant et ancien ministre Abdallah Nsour, qui a voté contre le texte.
Le député indépendant Jamil Nemri a estimé que la loi "porte atteinte aux libertés. Une loi anti-corruption ne devrait pas inclure des clauses punitives contre ceux qui luttent contre la corruption". "C'est un jour triste pour les réformateurs et les démocrates", a-t-il dit.
"Cela limitera la calomnie et les fausses informations propagées par des journalistes et leur chantage de personnalités publiques", a déclaré le député loyaliste Khalil Attiyeh, qui a voté en faveur de cet article.
"Il s'agit de dissuader ceux qui essaient d'accuser les gens de corruption sans preuves", a-t-il dit.
Une première mouture de la loi, qui prévoyait trois mois de prison, avait été rejetée par la Chambre. Amendée par le gouvernement, elle a été approuvée mardi par 56 députés sur 96 présents, parmi les 120 députés qui forment la Chambre.
"Le gouvernement a insisté pour inclure des amendes et a usé de pressions pour faire passer cette loi à la Chambre", a affirmé M. Nemri.
Le roi Abdallah II a sommé en mai le gouvernement de "protéger les victimes innocentes de diffamation et de haine, y compris des membres de (sa) famille malgré leur représentativité symbolique, nationale et noble".
Il a accusé ceux qui agissent de la sorte "de semer la zizanie" dans le pays et estimé qu'ils devaient "être punis par la loi".
La Jordanie fait face depuis janvier à un mouvement de protestation réclamant des réformes politiques et économiques, ainsi que la fin de la corruption.