De violents affrontements ont de nouveau opposé jeudi des manifestants aux forces de sécurité en Libye. Selon HRW, 24 manifestants ont trouvé la mort depuis jeudi dernier.
De violents affrontements ont de nouveau opposé jeudi des manifestants aux forces de sécurité en Libye, au troisième jour d'un mouvement de contestation sans précédent contre le régime du colonel Kadhafi qui a fait au moins neuf morts et des dizaines de blessés.
"Sept manifestants ont été tués dans les manifestations de jeudi à Benghazi", a déclaré une source médicale locale sous couvert de l'anonymat, bilan confirmé par le journal Quryna, proche de Seif al-Islam, fils du numéro un libyen Mouammar Kadhafi, qui a cité une "source sécuritaire responsable".
Un précédent bilan de l'opposition faisait état de six morts à Benghazi, deuxième ville du pays, située à 1.000 km à l'est de Tripoli.
Auparavant, Quryna avait fait état de deux manifestants tués à Al-Baïda, à 200 km à l'est de Benghazi, au cours de ce jeudi que des appels sur Facebook avaient demandé de transformer en "journée de la colère". Plusieurs véhicules de la police et voitures particulières ont été incendiées par la foule dans cette ville.
Les "affrontements violents" entre forces de l'ordre et manifestants à Benghazi, bastion de l'opposition, ont fait également 35 blessés, selon les sites Al Youm et Al-Manara.
"Nous entendons des coups de feu dans plusieurs parties de la ville, avait indiqué à l'AFP Ramadhan Briki, rédacteur en chef de Quryna, basé à Benghazi, où le mouvement de contestation a débuté mardi.
Des manifestations violentes ont également eu lieu à Zenten (145 km au sud-ouest de Tripoli) où plusieurs personnes ont été arrêtées et des postes de police et un bâtiment public incendiés, a indiqué Quryna sur son site internet sans faire état de victime.
Selon Quryna, qui cite des "sources de sécurité bien informées", le ministère de l'Intérieur a limogé un haut responsable local des services de sécurité, à la suite de la mort des deux manifestants à Al-Baïda.
Libya Watch, une ONG des droits de l'Homme basée à Londres, a fait état d'"au moins quatre morts et plusieurs blessés" à Al-Baïda lorsque "les forces de la Sécurité intérieure et des milices des comités révolutionnaires ont dispersé, en usant des balles réelles, une manifestation pacifique de jeunes".
Le site d'opposition Libya Al-Youm a aussi parlé d'au moins quatre morts par balles. Des vidéos circulant sur internet montraient des dizaines de jeunes rassemblés à Al-Baïda scandant "Le peuple veut faire tomber le régime", tandis que des voitures prenaient feu.
Selon l'organisation Human Rights Watch (HRW), citant des témoins, les forces de sécurité ont tué au moins 24 manifestants et blessé des dizaines d'autres depuis mardi soir . "Les attaques sauvages des forces de sécurité sur des manifestants pacifiques révèlent la réalité de la brutalité de Mouammar Kadhafi face à toute contestation interne", a dénoncé Sarah Leah Whitson, responsable de HRW pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.
"Selon de nombreux témoins, les forces de sécurité ont tiré et tué les manifestants pour disperser les protestations", écrit l'organisation de défense des droits de l'Homme dans un communiqué. Les pires violences ont eu lieu à Al-Baïda, à 1.200 km à l'est de Tripoli. Jeudi vers 13H00, le personnel de l'hôpital a réclamé du matériel supplémentaire, se disant dépassé par l'afflux de 70 manifestants blessés, dont la moitié dans un état critique à cause de blessures par balles, a ajouté l'ONG.
Un manifestant blessé à l'hôpital d'Al-Baïda a déclaré à HRW avoir patienté à côté de l'unité de soins intensifs et confirmé que les forces de sécurité avaient tué 16 personnes dans cette ville et blessé des dizaines d'autres. Selon ce manifestant, les forces de sécurité et des civils armés ont tiré à balles réelles sur les protestataires.
Les manifestants s'étaient réunis pour les funérailles de protestataires tués mercredi, et avaient pris la direction du bâtiment des forces de sécurité, scandant "A bas le régime" et "Dégage Mouammar Kadhafi". Certains manifestants ont filmé le défilé avec leur téléphone portable.
A Benghazi, bastion de l'opposition à 1.000 km à l'est de Tripoli, un manifestant a rapporté que des hommes en civil armés de couteaux s'étaient joints aux forces de sécurité pour charger des centaines de manifestants, parmi lesquels de nombreux avocats, qui réclamaient une Constitution.
HRW assure avoir "pu confirmer huit décès" parmi les manifestants de Benghazi jeudi. Parallèlement, le gouvernement a incité ses partisans à manifester. Les abonnés du réseau de téléphonie mobile Libyana ont reçu mercredi un SMS appelant "la jeunesse nationaliste" à sortir pour "défendre les symboles nationaux", rapporte HRW. "Utiliser les forces de sécurité et des voyous armés pour empêcher le peuple d'exprimer son opposition au gouvernement semble de plus en plus voué à l'échec", ajoute HRW, faisant valoir que cette "tactique" n'avait pas préservé le pouvoir de Hosni Moubarak en Egypte.