Washington soupçonne Islamabad de soutenir en sous-main les talibans afghans pour défendre ses intérêts stratégiques dans un pays que l’Otan prévoit de quitter d’ici la fin 2014.
Les responsables politiques et militaires pakistanais, réunis jeudi, ont affirmé leur unité pour résister aux pressions des Etats-Unis qui réclament à leur pays d'en faire plus contre les talibans afghans basés sur son territoire.
Organisateur de cette réunion extraordinaire, le Premier ministre Yousuf Raza Gilani a toutefois indiqué rester "ouvert au dialogue" avec les Américains si ceux-ci adoptaient une posture moins agressive, semblant ainsi appeler de ses vœux une accalmie après les vifs échanges de la semaine dernière entre les deux pays.
"Nous devrions cesser de nous fonder sur des présomptions pour donner une chance à de vraies négociations. On ne peut pas faire pression sur le Pakistan pour qu'il en fasse plus. Nos intérêts nationaux doivent être respectés", a ajouté M. Gilani en ouvrant cette rare "conférence des partis".
La réunion, qui devait s'achever dans la soirée, rassemblait à Islamabad les responsables de la fragile coalition gouvernementale, des partis d'opposition et de l'armée, considérée comme l'institution la plus puissante du pays.
Le chef d'état-major américain, l'amiral Mike Mullen, qui s'apprête à quitter son poste, a provoqué la semaine dernière une nouvelle crise entre les deux pays, dont les relations sont déjà au plus bas, en accusant Islamabad "d'exporter la violence" en Afghanistan via le réseau taliban afghan Haqqani, une "arme" des services secrets pakistanais selon lui.
M. Gilani a nié de tels liens, accusant en retour Washington de faire du Pakistan le bouc-émissaire de son échec en Afghanistan.
Le puissant réseau Haqqani, proche d'Al-Qaïda, est l'un des maîtres de l'est afghan et est également établi de l'autre côté de la frontière, notamment dans la zones tribale du Waziristan du Nord, au nord-ouest du Pakistan.
Washington, qui le considère désormais comme le pire ennemi des troupes de l'Otan en Afghanistan, aux deux tiers américaines, presse en vain depuis plusieurs années le Pakistan de lancer une offensive terrestre contre lui dans le Waziristan du Nord. L'armée pakistanaise répond qu'elle est déjà engagée sur plusieurs fronts contre les rebelles islamistes du nord-ouest à la demande des Américains, et qu'elle a déjà perdu 3.000 soldats depuis 2001 dans ces combats.
"Les déclarations américaines nous ont choqués, et nient les sacrifices que nous avons consentis et les succès que nous avons enregistrés dans la guerre contre le terrorisme", a souligné jeudi M. Gilani.
Washington soupçonne Islamabad de soutenir en sous-main les talibans afghans pour défendre ses intérêts stratégiques dans un pays que l'Otan prévoit de quitter d'ici la fin 2014.
Les déclarations de l'amiral Mullen font craindre à l'opinion publique pakistanaise, déjà échaudée par le raid unilatéral américain qui a tué Oussama Ben Laden le 2 mai dernier dans le nord du pays, une possible intervention militaire américaine contre Haqqani au Waziristan du Nord. Des manifestations anti-américaines ont eu lieu mercredi à ce sujet dans plusieurs villes.
Selon plusieurs analystes pakistanais, la réunion de jeudi visait surtout à apaiser les tensions, tant à l'intérieur du pays qu'avec les Américains. A Washington, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton avait souligné mercredi que les deux pays devaient "travailler ensemble malgré ces difficultés".