Les accusations contre Lula "visent uniquement à retirer Lula de la course présidentielle de 2018".
L'ex-président brésilien Lula, icône de la gauche latino-américaine, a attribué jeudi les graves accusations de corruption à son encontre à la volonté des "élites" de "détruire" sa vie politique, comme dernier chapitre à la destitution controversée de sa dauphine Dilma Rousseff.
Si l'ex-syndicaliste et métallurgiste, devenu l'ancien chef d'Etat le plus populaire du pays, était condamné, il ne serait plus en mesure de se présenter à un troisième mandat en 2018.
"Comme dans un feuilleton, ils ont créé un épilogue: ils ont élu (Michel) Temer, destitué Dilma Rousseff (...) et maintenant ils veulent détruire la vie politique de Lula", a clamé l'ex-président (2003-2010) lors d'une conférence de presse.
Mercredi, le procureur de Curitiba (sud), Deltan Dallagnol, 36 ans, avait martelé que Lula était le "chef suprême" du gigantesque réseau de corruption au sein de la compagnie publique pétrolière Petrobras.
Jeudi soir, quelques heures après les déclarations de Lula, ses avocats ont demandé au Conseil National du Ministère Public (CNMP) "de rendre une ordonnance provisoire" interdisant au procureur de faire des commentaires sur des faits pour lesquels il n'a pas été saisi.
Le dossier concernant les hommes politiques dans l'affaire Petrobras est du ressort de la Cour Suprême du Brésil (STF) et les procureurs de Curitba ont été saisis uniquement sur l'affaire de l'appartement triplex de Lula.
"Ces commentaires sur la corruption ont un net objectif de salir la réputation de l'ex-président", ont souligné ses avocats.
Emu jusqu'aux larmes et la voix rauque, l'ancien dirigeant de 70 ans a nié une fois de plus les accusations: "Prouvez ma corruption et j'irai à pied me livrer à la police".
La haine des élites
Lula s'est dit victime de la "haine des élites" face au succès de ses politiques sociales qui ont sorti près de 30 millions de Brésiliens de la misère.
"Mon échec n'aurait pas provoqué tant de haine contre le PT", a-t-il souligné.
Lula a accusé le nouveau gouvernement Temer (centre droit) de vouloir "livrer au capital étranger" les grandes entreprises d'Etat, dont Petrobas, compagnie-phare du Brésil.
Entouré d'un grand nombre de militants et de grosses pointures de son Parti des travailleurs (PT, gauche) qu'il a fondé, et plus acide que d'habitude, Lula s'est dit "indigné" par ce qui "se passe dans ce pays".
Le procureur Dallagnol a transmis au juge Sergio Moro le dossier d'inculpation de Lula, pour corruption et blanchiment d'argent.
C'est à ce juge, ennemi notoire de Lula et chargé du dossier sur les enquêtes de "l'Opération Lavage rapide" (portant sur le scandale Petrobras) qu'il reviendra de décider s'il accepte ou non l'inculpation de l'icône de la gauche brésilienne.
M. Dallagnol a affirmé que dans le cadre de cette affaire, Lula avait reçu 3,7 millions de réais (1,1 million de dollars au taux actuel) sous forme de pots-de-vin versés par l'entreprise de BTP OAS, impliquée dans le scandale Petrobras, en vue de refaire un appartement triplex, entre autres.
Evincer Lula de 2018
Lula a toujours rejeté les accusations à son encontre, affirmant notamment ne jamais avoir été propriétaire de cet appartement.
Ses ennuis judiciaires représentent un nouveau coup dur pour la gauche brésilienne, après la destitution par les sénateurs de Dilma Rousseff pour maquillage des comptes publics.
Elle a été remplacée le 31 août par son ancien vice-président Michel Temer, jusqu'à la fin de son mandat fin 2018.
Pour l'avocat de Lula, Cristiano Zanin Marins, l'accusation s'était "perdue dans un spectacle déplorable" dont la "nature est politique" et vise uniquement à retirer Lula de la course présidentielle de 2018.
L'éditorial du journal Folha soulignait jeudi cet écart entre une accusation large mais des éléments de preuve minimes: "Pour le moment, on a l'impression que sans réussir à présenter des preuves plus robustes contre Lula, le ministère public fédéral tente de combler les lacunes avec la rhétorique".
Lula avait déjà été inculpé le 29 juillet de tentative d'entrave à la justice. Le 26 août, la police brésilienne avait formulé à son encontre, toujours dans ce dossier, des accusations de corruption passive et de blanchiment d'argent.