Pour Vladimir Poutine, ces élections législatives étaient le dernier scrutin national avant la présidentielle de 2018. Avec 76% des députés acquis à sa cause, il peut se préparer sereinement à un quatrième mandat.
Au terme d'un scrutin boudé par les Russes, le parti de Vladimir Poutine obtient plus des trois-quarts des sièges à la Douma: une majorité inquiétante, craint l'opposition, le choix de la "stabilité", estime le président russe. Voici les cinq enseignements de ces élections.
Une majorité stratosphérique
La crise, quelle crise? La Russie a beau être plongée dans sa plus longue récession depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, ce dernier a remporté une victoire éclatante: son parti Russie Unie dispose désormais des trois-quarts des sièges à la chambre basse du Parlement.
Pour Mark Ournov, de la Haute école d'économie de Moscou, "le système est conçu de telle sorte qu'il n'y a pas d'alternative".
Le nouveau mode de scrutin a largement bénéficié à Russie Unie. Car si le parti pro-Kremlin a recueilli 54% des voix pour la moitié des députés élus à la proportionnelle, il en a gagné énormément grâce à l'autre moitié élus eux au suffrage majoritaire. Conséquence, Russie Unie a gagé plus de 100 sièges par rapport à 2011 et monopolise 343 des 450 sièges à la Douma.
"C'est un vote de confiance massif", a commenté le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, évoquant un résultat "plus qu'éloquent".
Faible participation
Seuls 47,8% des électeurs ont voté aux législatives, contre 60% lors des précédentes législatives. Un fait que Vladimir Poutine a préféré passer sous silence dimanche soir, affirmant que la participation "n'a pas battu de record mais reste haute".
C'est à Moscou et Saint-Pétersbourg que le désintérêt des électeurs a été le plus flagrant: la participation a été de 35% dans la capitale russe, de 30% à peine dans la deuxième ville du pays.
Pour justifier cette abstention, le chef de la commission électorale de Moscou, Valentin Gorbounov, a évoqué... "la pluie torrentielle et le vent".
Marc Ournov estime lui que cette abstention était "prévisible", notamment dans les grandes villes. "Les gens n'ont pas voulu jouer à ce jeu", assure-t-il.
Mais pour Konstantin Kalatchev, qui dirige le Groupe d'analyse politique, cette participation "comparable aux pays européens" n'est pas nouvelle. Elle était seulement "artificiellement élevée" lors des précédentes élections, quand les administrations forçaient leurs employés à voter, estime-t-il.
Pas d'opposition
Poutine n'a pas matière à s'inquiéter: il dispose de la majorité absolue et les autres partis parlementaires, votant généralement à l'unisson de Russie Unie, ne peuvent être considérés comme des formations d'opposition.
Reste que les deux autres grands partis russes connaissent une dynamique inverse. Pour les communistes, c'est un échec sans précédent: avec 13,5% des
voix, ils perdent cinq points et surtout 50 sièges par rapport à 2011. L'an prochain, ils ne seront que 42 députés, total le plus bas depuis la chute de l'Union soviétique, à célébrer le centenaire de la Révolution d'octobre.
Le parti d'extrême droite LDPR améliore son score de trois points (13,2%) et limite la casse avec 39 députés élus. Surtout, la formation du populiste Vladimir Jirinovski, qui promettait dans son programme de "revenir aux frontières de l'URSS", a séduit les jeunes.
Les fraudes
Même s'il y a eu "moins de falsifications grossières et directes qu'en 2011", le scrutin est toujours "loin de pouvoir être qualifié de libre et juste", a estimé après le vote l'ONG de défense des droits des électeurs Golos, pour qui le résultat était "connu d'avance".
En vrac, Golos dénonce la formation de commissions électorales régionales favorables au pouvoir, des électeurs conduits en bus d'un bureau de vote à l'autre, mais aussi des bourrages d'urnes enregistrés dans une vingtaine de régions.
Pour l'OSCE, les élections ont été "gérées de façon transparente" par la commission électorale en dépit de "limitations des droits civiques et politiques (...) et d'une emprise ferme sur la société civile".
Tous s'accordent toutefois pour reconnaître que la Commission électorale centrale, dirigée par l'ex-commissaire du Kremlin aux droits de l'Homme Ella Pamfilova, a joué son rôle en dénonçant les infractions. Mais ce n'était pas suffisant.
Objectif 2018
Pour Vladimir Poutine, ces élections législatives étaient le dernier scrutin national avant la présidentielle de 2018. Avec 76% des députés acquis à sa cause, il peut se préparer sereinement à un quatrième mandat.
"Mais Russie Unie devra faire des gestes en direction des autres partis car ils seront considérés comme responsables de tout", reprend Konstantin Kalatchev, évoquant la question sociale, la seule pour laquelle Russie Unie a parfois dû faire face à une réelle opposition au Parlement.
En position de force, Poutine n'a d'ailleurs pas manqué lundi d'affirmer la nécessité d'être à l'écoute de tous les partis, "y compris ceux qui n'ont pas pu entrer au Parlement".