Selon SIPRI, "il n’y a pas de véritable confiance politique" entre la Chine et la Russie
Les relations entre la Russie et la Chine en matière d'armes et d'énergie sont en train de tourner à l'avantage de Pékin qui s'émancipe largement sur la scène internationale après avoir été très dépendant de Moscou durant des années, selon un rapport du Sipri publié lundi.
"Avec un recul de sa dépendance aux exportations d'armes russes et un nombre croissant de fournisseurs d'énergie alternatifs, la Chine a pris le dessus dans ses relations" avec la Russie, affirme l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).
En matière d'armements, la Chine est "très largement" sortie de l'influence de Moscou depuis 2007. Alors que plus de 90% des armes conventionnelles importées par Pékin dans les années qui ont suivi la chute de l'URSS en 1991 venaient de Russie, les importations chinoises sont tombées en 2007 à la moitié de leur volume de l'année précédente et elles ont continué de reculer en 2009 et 2010, selon le Sipri.
De même, la part de la Chine qui a représenté jusqu'à 40% des exportations d'armes conventionnelles russes est tombée à 10% en 2010, relève l'étude.
Aujourd'hui, la Chine "est avant tout intéressée par l'acquisition de technologie pour développer sa propre industrie de l'armement", estime le Sipri en notant que l'industrie chinoise de l'armement était de plus en plus "capable de répondre aux demandes intérieures et d'exportation".
Or, la Russie refuse de vendre à la Chine sa technologie et ses armes les plus avancées "par crainte qu'elles ne soient copiées" et que la Chine ne devienne ainsi "un concurrent sur le marché international des armes", souligne l'un des auteurs du rapport, Paul Holtom, qui dirige le département Transferts d'armes au Sipri.
Et ce rapport de concurrence ne fera que croître "en compétition plutôt qu'en coopération", estime-t-il.
En ce qui concerne l'énergie, la Chine est devenue en 2010 le premier consommateur mondial, mais elle a "stratégiquement diversifié" ses fournisseurs alors qu'elle partage 4.000 kilomètres de frontière avec la Russie, premier producteur mondial de pétrole et deuxième de gaz.
"Par rapport à il y a cinq ans, la part de brut russe a diminué dans les importations pétrolières totales de la Chine", souligne le Sipri.
L'Arabie saoudite est aujourd'hui le premier fournisseur de pétrole de la Chine, devant l'Angola, l'Iran et Oman.
Pour ce qui est du gaz, Pékin a trouvé de nouveaux fournisseurs en Asie centrale, "affaiblissant sérieusement" la position de la Russie, selon l'étude.
Enfin, les Etats-Unis compliquent encore les relations russo-chinoises.
Chine et Russie partagent des vues communes sur un certain nombre de grandes questions internationales, souvent en opposition avec les Etats-Unis, comme le rejet d'un monde unipolaire.
Mais chacun de leur côté, ces pays entretiennent avec Washington des relations bilatérales "primordiales", relève le Sipri.
Au point qu'à Moscou comme à Pékin, certains considèrent l'autre comme "la menace stratégique ultime à long terme", selon l'Institut.
"Avant tout, les deux pays abordent leurs relations de façon pragmatique. Lorsque les intérêts convergent, Pékin et Moscou collaborent. Mais lorsque les intérêts divergent, le partenariat stratégique ne signifie plus grand chose", estime une autre auteur du rapport, Linda Jakobson qui travaille à l'Institut Lowy pour la politique internationale, basé à Sydney (Australie).
Selon elle, "il n'y a pas de véritable confiance politique" entre la Chine et la Russie.
Créé en 1966, le Sipri est un institut international indépendant, financé à 50% par l'Etat suédois et dont le siège est à Stockholm. Il est spécialisé dans les conflits, les armements, le contrôle des armes et le désarmement.