Les forces de sécurité gouvernementales ont tué au moins 84 personnes en Libye durant les trois jours de manifestations, selon l’organisation Human Rights Watch.
Les forces de sécurité gouvernementales ont tué au moins 84 personnes en Libye durant les trois jours de manifestations, a affirmé samedi l'organisation Human Rights Watch, en s'appuyant sur des témoignages de personnel hospitalier et de témoins.
"Les autorités libyennes doivent arrêter immédiatement les attaques contre les manifestants pacifiques et les protéger des groupes armés pro-gouvernementaux", a affirmé dans un communiqué HRW, organisation basée à New York.
Un décompte de l'AFP fait à partir de différentes sources locales évaluait vendredi soir le nombre de morts à 41 depuis le début des protestations en Libye mardi.
Sur le terrain, les affrontements ont touché l'Est du pays, notamment Benghazi, où le siège de la radio et tous les bureaux du parti au pouvoir ont été incendiés. Les manifestants ont pris le contrôle de trois chars de l’armée, alors que près de 100.000 manifestants, rassemblés devant une cour au nord de Benghazi, réclament le départ de Kadhafi.
Une source médicale a assuré que 21 personnes ont été tuées et 45 autres blessées, lorsque des hommes armés, portant des casques jaunes, ont ouvert le feu sur les participants aux funérailles de 19 personnes tuées jeudi. De même source on indique que la plupart des victimes ont été atteintes de balles réelles à la tête et à la poitrine.
A Baïda, à l’est de Benghazi, des organisations des droits de l’homme ont fait état de 14 morts au moins, alors que d’autres sources ont parlé de 35 morts.
Selon l’AFP, deux policiers ont été pendus au moment où ils tentaient de disperser une manifestation à Al-Baïda lorsqu'ils ont été capturés par des manifestants. Deux groupes de l’opposition en exil ont assuré que Baïda est désormais dans la main du peuple. Des membres de la police locale se sont ralliés aux manifestants.
A 100 km à l’est de Benghazi, des manifestants ont incendié des bureaux sécuritaires et y ont hissé le drapeau de leur pays.
Des affrontements similaires ont eu lieu dans d’autres régions telles que Az Zawya, Sedrata, Zentan, Rajban, Iverne, Jaddou, Tajoura… Les manifestants ont mis à feu tous les locaux gouvernementaux à Zentan, et les citoyens ont pris le contrôle de la situation.
Selon des sources libyennes, des unités de la sécurité centrale à l’est du pays ont refusé d’ouvrir le feu sur les manifestants, et les ont aidés à chasser des groupes de sécurité « africains » et des voyous armés.
Dans la capitale, des protestations et des manifestations anti-Kadhafi ont eu lieu dans les régions de Fashlom, Hadaba, Kerkarche, et Bouslim, sous des mesures de sécurité renforcées.
Même la ville natale du président, Sebha, a connu des manifestations grandioses, alors que les forces de la sécurité et des membres de sa tribu (Qazazifa) ont ouvert le feu sur les manifestants.
Depuis mercredi, l'agence officielle libyenne et la télévision nationale se contentent d'évoquer des rassemblements et des défilés pro-régime dans la capitale.
Selon l’Agence de presse United Press International, une mutinerie dans la prison de Jadida, située dans la banlieue de Tripoli, a provoqué la mort de trois prisonniers, alors qu’à Benghazi un millier de prisonniers se sont évadés des prisons, ont affirmé des sources journalistiques.
En parallèle, les comités révolutionnaires, pilier du régime libyen, avaient menacé vendredi les "groupuscules" manifestant contre Mouammar Kadhafi d'une riposte "foudroyante".
"Le pouvoir du peuple, la Jamahiriya, la révolution et le leader (Mouammar Kadhafi) constituent des lignes rouges. Celui qui tentera de les dépasser (...) joue avec le feu", avaient-ils prévenu.
Les autorités ont suspendu la diffusion de la chaine AlJazeera dans tout le pays, ainsi que les pages « des groupes de la colère » sur Facebook.
Un groupe de jeunes libyens baptisé « le mouvement des fils d’Omar el Moukhtar » a appelé le peuple à « briser les barrages de la peur et à s’inspirer des peuples tunisien et égyptien pour s’unifier pour l’intérêt du pays, et aboutir au changement du régime oppressif ».
Le colonel Kadhafi n'est en théorie qu'un "guide" prodiguant ses conseils, alors que des "congrès populaires" se réunissent annuellement pour prendre les décisions qu'ils font "remonter" au Congrès du peuple (Parlement), la plus haute instance législative du pays.
Mais un mouvement de contestation contre son régime a débuté mardi et s'est intensifié jeudi après un appel sur internet à une "journée de la colère".
Le réseau social Facebook, par lequel ont transité ces appels à la mobilisation, n'était plus accessible vendredi soir à Tripoli, et les connexions internet étaient très perturbées.
Sur un autre plan, le procureur général libyen Abdelrahman Al-Abbar a ordonné l'ouverture d'une enquête sur les violences ayant marqué les manifestations.
"Le procureur a ordonné l'ouverture d'une enquête sur les raisons et le bilan des évènements dans quelques villes et a appelé à accélérer les procédures pour juger tous ceux qui sont coupables de mort ou de saccages", a indiqué cette source sous couvert de l'anonymat, sans donner de détails.